je veux encore rouler des hanches,

je veux me saouler de printemps

je veux m'en payer des nuits blanches

à cœur qui bat, à cœur battant

avant que sonne l'heure blême

et jusqu'à mon souffle dernier

je veux encore dire "je t'aime"

et vouloir mourir d'aimer

Barbara

jeudi 30 décembre 2010

Philip Roth : Patrimoine, une histoire vraie

Dans ce livre Philip Roth rend un hommage vibrant et sincère à son père Hermann, disparu en 1989.
Nous suivons la fin de vie de cet homme, depuis le diagnostic de sa tumeur au cerveau à son décès à l'hôpital. Nous assistons à la dégradation physique d'un homme. Il livre son dernier combat en refusant la vieillesse et la maladie. Son fils l'accompagnera, deviendra le parent et s'occupera de lui jusqu'au bout.
C'est dur, les détails pénibles et pourtant le lecteur retrouve dans ce court texte, les thèmes chers à Philip Roth. La vieillesse, la maladie, la mort, l'amour, l'humour juif font partie du manège littéraire de cet auteur.
L'écriture est magnifique. Philip Roth se dévoile avec beaucoup de sensibilité, sans atermoiement, et fait son travail de deuil en écrivant un très beau témoignage d'amour filial.
Philip Roth, écrivain hors norme, nous offre ici un texte intime d'une grande puissance.

mercredi 29 décembre 2010

Jérôme Ferrari : Où j'ai laissé mon âme

"Aucune victime n'a jamais eu le moindre mal à se transformer en bourreau, au plus petit changement de circonstances", c'est la confession du lieutenant Andreani à son capitaine Degorce, mais c'est surtout la confession d'un homme à un autre.
Le dernier livre de Jérôme Ferrari pour lequel il a obtenu le Prix France Télévision, sert une histoire profonde et émouvante. Ecrit en trois chapitres faisant référence à la passion du Christ, il raconte trois jours, les 27, 28 et 29 mars 1957 pendant la guerre d'Algérie. Réunis dans une villa d' Alger, les deux hommes mettent en place les moyens pour neutraliser l'armée de libération de l'Algérie. Tous les moyens nécessaires afin d'obtenir les renseignements, même la torture, la gégène.
Dans cette maison d'Alger va se jouer une partie de leur histoire. Le chef des rebelles surnommé Tahar est arrêté. Terroriste responsable d'atrocités et de sang français versé, c'est l'occasion pour Andreani de remplir son devoir.
Les souvenirs tourmentent Degorce . Déporté à 19 ans au camp de Buchenwald, combattant pendant la guerre d'Indochine, survivant des terribles combats de Dien Bien Phu il a survécu au camp de rééducation où il a rencontré Andreani. Degorce, rempli de contradictions, n'y croit plus, culpabilise, s'interroge, cherche la rédemption et trouve dans ses visites à Tahar dans sa cellule un peu de lumière, peut être des explications ou une certaine sérénité.
Quarante ans plus tard, face à lui dans un appel muet puisque sans réponse, Andreani lui rappelle l'admiration qu'il lui portait. Dans un monologue lancinant et puissant il interpelle son capitaine sur l'honneur de la France, la fidélité, lui rappelle les années de fraternité dans le combat mais aussi ses manquements.
Un livre d'une grande force où le monologue d'Andreani sans date ni lieu souligne l'intemporalité des questions posées. Mémoire et oubli. Prendre part ou pas, empêcher ou commettre, voir et ne rien dire.
Dans une écriture forte, l'auteur nous offre un texte d'une grande beauté qui appelle à la réflexion sur le sens de l'honneur et du devoir, la honte de soi dans une morale sans issue.

Kéthévane DAVRICHEWY : La mer noire

L'auteur raconte une journée d'anniversaire, celui de son héroïne, Mamouna. Elle a 90 ans et c'est l'occasion de réunir une nouvelle fois toute la famille : des plus jeunes aux plus anciens. C'est l'occasion aussi pendant cette journée d'évoquer le passé. Exilée à Paris avec ses parents suite à la prise de pouvoir par les communistes en Géorgie, Mamouna se souvient de Batoumi la ville de sa jeunesse. Sont alors évoqués les coutumes géorgiennes toujours vivantes, le retour au pays , la famille restée là-bas, les amitiés et les amours. Petits et grands malheurs.
Deux histoires qui se mêlent avec pour fil rouge : Tamaz, le premier amour de Mamouna pendant un bel été de sa jeunesse. Ces deux êtres se sont passionnément aimés, l'exil les a séparés. C'est l'amour de toute une vie. Sublimé par l'absence, il reste très fort et très beau par la certitude de son existence à travers le temps et la distance.
Ce soir d'anniversaire, Tamaz sera là. Mamouna l'attend et le lecteur aussi.
L'auteur nous offre le portrait d'une belle vieille dame, indépendante, aimante même si elle ne sait pas donner des gestes d'affection. Elle reste fidèle à ses souvenirs dont elle a tiré toute sa force. Toute sa vie, Tamaz l'absent, est près d'elle comme une réalité sereine.
Le style est vif, rapide pour symboliser cette journée , à l'image de cette famille bruyante, attachante qui prépare la fête. Le récit de l'exil est fluide et la description de la vie passée très lumineuse. De très belles phrases d'amour sont prononcées par Tamaz et c'est bon de les lire.

dimanche 19 décembre 2010

Agnès Desarthe : Dans la nuit brune

Dans un village un peu perdu, Jérôme, la cinquantaine, est désespéré par l'immense chagrin de sa fille Marina. C'est en effet par le décès de son petit copain dans un violent accident de moto, que commence le livre.
Père et fille vivent ensemble depuis le divorce des parents et le départ de la mère dans le sud de la France. Jérôme, enfant trouvé, enfant sauvage de la forêt recueilli par des parents adoptifs aimants, va revivre dans ce drame son enfance et sa vie remplies de manquement et d'abandon.
Avec l'aide d'un ancien policier à la retraite, Jérôme, mettra une lumière sur son passé, des réponses à ses questions. Aussi douloureuses soient elles, elles l'aideront à continuer. Le roman prend des allures d'enquête policière. Secrets de famille, secrets de l'Histoire autant de labyrinthes dans lesquels le héros poursuit sa quête identitaire.
Dans un style clair, Agnès Desarthe, nous plonge dans la part d'ombre cachée au plus profond de nous. Ses héros sont des êtres ayant perdu l'habitude de parler, n'y arrivant pas ou plus. Ils luttent, souffrent et résistent. Un nouveau départ, un nouvel abandon leur sont nécessaires pour retrouver le chemin de l'amour. Beaucoup de thèmes sont abordés ici, comme le deuil, la relation parents-enfants, le divorce, l'identité, l'homosexualité. Agnès Desarthe joue entre violence et douceur, ombre et lumière, vérité et fantastique.
Comme à chaque fois, c'est par et de la nature, aussi douce que violente, que viendra l'apaisement.
Un très bon roman récompensé par le prix Renaudot des lycéens 2010, même si parfois certaines longueurs atténuent la tension psychologique.





dimanche 12 décembre 2010

Hubert Selby Jr : Last exit to Brooklyn

Ce premier roman de l'auteur américain maudit mais désormais mythique est paru dans les années 60, il a d'ailleurs été interdit en Angleterre et dans plusieurs Etats américains pour obscénités.
6 nouvelles, 6 portraits de personnages qui vont se croiser dans et autour d'un bar grec minable de Brooklyn des années 50 près d'une base militaire. Dans le sexe, la violence, l'alcool ces êtres vont essayer de trouver une sortie de secours à leur misérable existence. A travers ces portraits sans aucune lumière d'espoir Selby nous invite dans une traversée des bas-fonds de l'âme.
Travestis, prostitués, homosexuels sont à la dérive dans un univers qui n'offre que la désillusion. Ils cherchent jusqu'au bout de la nuit, des moments d'apaisement. Quand il y arrivent la chute est tellement violente et sordide que le lecteur ne les souhaitent plus.
Les personnages mènent tous la même vie minable, la société est pourrie, aucun dialogue possible, la violence comme distraction, le quotidien sans espoir et les enfants qui seront comme les parents.
Harry, homosexuel refoulé, ignoble avec sa femme, Tralala jeune fille paumée cherchant juste un peu de chaleur et qui finira massacrée, Georgette le travesti poète humilié... tous se retrouvent dans le pitoyable manège d'une vie où la raison a été bannie.
Le lecteur ne peut s'attacher à ces personnages ambigus, pervers et tout au long de la lecture balance entre pitié et dégoût.
On ne peut qu' être fasciné par l'écriture de Selby, directe, sèche, avec des dialogues d'une âpreté extrême amplifiant la sensation de désespoir. Les échanges entre Vinnie et Mary, écrits en majuscules, sont d'une force inouïe. Le lecteur assiste à leurs engueulades. Le manque de ponctuation crée une atmosphère de marginalité.
C'est quand même un livre qui remue, Selby écrivain de talent nous plonge dans une description d'une faune underground assez stupéfiante.



mercredi 8 décembre 2010

Zoé Wicomb : Des vies sans couleur

Le roman se situe en Afrique du Sud, au Cap, et met en scène Marion Afrikaaner qui va se trouver confrontée à une quête de ses origines dans un pays post apartheid.
L'héroïne est une jeune femme moderne, indépendante, ambitieuse directrice d' une agence de voyages. La nuit l'angoisse l'étreint. Tout bascule le jour où dans un journal, la photo d'une militante noire de l'ANC de Mendela, la ramène à des souvenirs cachés de son enfance. Elle est certaine de reconnaître une personne connue, aimée, une impression familière.
Face au silence de son père, elle partira à la découverte de la vérité dissimulée par ses parents. Mensonges, silences, oubli ont dépouillé son enfance de sa véritable histoire. Cette photo lui impose le souvenir et le devoir de mémoire.
C'est l'histoire des métis, où dans la douloureuse période de l'Apartheid, être ni noir ni blanc n'était pas une couleur. Aussi pour contrer les lois, certains métis on choisi quand ils le pouvaient de se faire reconnaître comme blancs. La couleur de la réussite.
C'est l'histoire d'un dépouillement d'identité, d'une honte, des origines reniées, du poids du mensonge que l'héroïne va découvrir.
Construit d'une manière subtile, l'écriture enchante par son rythme et ses expressions en afrikaaner et enchaîne les interrogations de celle qui cherche. Au delà de la quête intime c'est l'histoire de l'Afrique du Sud post-apartheid multiraciale. Toujours divisée entre plusieurs races et ethnies qui n'arrivent pas à vivre ensemble sereinement mais qui pourtant se mêlent. Les métis représentent cette souffrance qui persiste encore.
Zoé Wicomb à travers ce roman, nous montre que l'idée de l'identité et de l'origine doit dépasser le constat de l'apparence, et que dans un pays confronté à la violence le métissage est une belle histoire.

lundi 6 décembre 2010

Frédérick Busch : Nord

Jack, ancien policier militaire, est devenu vigile dans un complexe hôtelier où il fait alors la connaissance d'une avocate en la sauvant d'une mauvaise rencontre. Elle lui demande de chercher son neveu disparu dans le nord de l'état de New York. Un endroit que notre héros connaît bien, il y a vécu les plus tragiques périodes de sa vie, en perdu sa femme et sa petite fille. Une région où l'hiver est toujours sur le point d'arriver ou de finir. En acceptant cette mission, Jack se retrouve face à son passé, à ses souvenirs, à ses questions restées sans réponse.
Le dernier roman de Frédérick Busch, décédé en 2006, mêle enquête policière et drame psychologique.
Les personnages, hommes ou femmes, ont été marqués par les coups que la vie distribue souvent.Comme Jack, ce sont des écorchés vifs que le lecteur croise dans ce retour au pays, au passé qui continue de hanter toujours.
C'est un roman noir au suspense soutenu, la description des souffrances psychologies ou physique sont faites avec beaucoup de sensibilité. L'auteur sait très bien nous plonger dans l'ambiance de ces paysages nord américains assez désolés, rudes où le climat difficile isole et façonne, les coyotes hurlent, le whisky devient un compagnon quotidien. L'envie de partir ailleurs tenaille les êtres noyés dans un désespoir climatique et affectif.
En enquêtant sur ce jeune homme disparu, Jack habité par les morts de sa vie retrouvera les traces de son passé, une dernière fois, pour enfin continuer la route.
Dans une écriture sensible et sensuelle, l'auteur offre un dernier livre emprunt d'une grande émotion.

Robert Goolrick : Féroces

Robert Goolrick est un écrivain américain, c'est aussi mon coup de coeur et découverte de cette rentrée littéraire.
J'ai commencé ce livre avec beaucoup de plaisir dans la description de cette famille drôle, originale, intelligente, aimant la fête et les cocktails et fréquentant la société sudiste de Virginie. Nous sommes dans l'Amérique des années 50 et l'auteur évoque ses parents et son enfance.
La description de ces années est teintée d'une couleur au charme passé, le lecteur sourit des extravagances de ce couple. Ils boivent un peu trop c'est vrai, aiment les soirées mondaines et les bons mots et ils sont si beaux , si brillants. Bien sûr ils ont du mal à joindre les deux bouts mais ils sont gais et tout est possible pour eux.
Il y a de l'humour dans l'évocation des années passées et l'écriture est puissante, intimiste, élégante, violente parfois dans le constat.
Puis le ton se fait plus grave et dans un souffle et des mots d'une grande beauté le lecteur est saisi par le témoignage, par ce long monologue insoutenable.
Sans se rendre compte chaque fête, chaque ivresse, chaque mot nous emmènent vers le mal, vers l'effroi. La révélation est implacable par la justesse de chaque mot.
L'écriture reste belle, elle devient douleur, elle percute, elle assomme. Sans cri mais avec une haine pour ses ignobles géniteurs, Goolrick nous raconte pourquoi il écrit, comment il s'en est sorti.
Il a vécu une enfance dévastée, a failli mourir mille fois et il porte sur la vie un regard désabusé et sur sa famille celui du petit garçon qu'il n'a jamais été.
Ce que je trouve "féroce" c'est que justement ses parents sont tout sauf féroces. Ils sont alcooliques, ils sont pauvres, tristes, perdus et tout simplement pitoyables dans une Amérique qui ne supporte que les apparences.
Une autobiographie qui se découvre à la fin et une fois refermée qui nous laisse KO.