je veux encore rouler des hanches,

je veux me saouler de printemps

je veux m'en payer des nuits blanches

à cœur qui bat, à cœur battant

avant que sonne l'heure blême

et jusqu'à mon souffle dernier

je veux encore dire "je t'aime"

et vouloir mourir d'aimer

Barbara

lundi 28 novembre 2011

Haruki Murakami :1Q84 (1)

1Q84, un nom de code, un titre imprononçable pour le dernier roman de Murakami. Il emmène le lecteur dans l'univers cher à l'auteur un voyage assuré dans son monde initiatique .
Prononçons alors, 1984. Année dans laquelle se situent l'histoire ou plutôt les histoires. Dans une rétrospective nullement nostalgique, Murakami installe ses personnages. L'histoire d'une année particulièrement violente, où une secte prend possession des corps et des âmes et des petites filles sont violées et anéanties au nom de doctrines assassines par un gourou halluciné.
C'est dans une fêlure du passé que les deux jeunes héros de 29 ans vont se glisser.
Aomamé, enseigne les arts martiaux, vit seule et pratique le sexe comme moyen de rester en bonne santé. Elle sait aussi tuer d'une façon nette et précise les hommes trop violents avec leurs femmes.
Tengo, lui est professeur de mathématiques, célibataire il entretient une relation sexuelle avec une femme mariée plus âgée que lui. Il devient le nègre d'un éditeur en récrivant le roman d'une toute jeune fille de 17 ans, lui donnant ainsi une gloire truquée.
Les deux personnages partagent la même abnégation, une sensibilité exacerbée, un goût commun pour les lumières invisibles. Ils vont évoluer au rythme de leur vie sur des voies parallèles, poussés par le souffle romanesque.
Murakami évoque les femmes battues et humiliées, l'enfance souillée, la cruauté des hommes face à plus faible qu'eux mais surtout l'indicible qui peut surgir. Il raconte ses visages qui ne peuvent plus sourire, la souffrance qui habite les corps. Il donne à ses héros la possibilité de franchir le miroir et de transformer leur solitude en liberté.
La création de personnages appelés les Little People, fées ou elfes , gentils ou méchants rend le texte nerveux et inquiétant.
Une écriture subtile sert un texte où l'auteur comme toujours sonde l'homme, ses maux et ses silences.
Fin du premier tome.....

jeudi 17 novembre 2011

Norma Huidobro : Le lieu perdu

Norma Huidobro, écrivain argentin, place son roman vers les années 70, dans une Argentine meurtrie par sa plus dramatique histoire. Le lieu perdu, c'est un village, Villa del Carmen, écrasé par le soleil, figé dans une chaleur étouffante. Beaucoup de ses habitants l'ont quitté pour tenter leur chance , vivre une autre vie dans la grande ville si attirante de Buenos Aires. Comme Matilda.
Rien ne se passe dans le village, le temps est arrêté, la parole est rare. Certains n'ont jamais voulu le quitter. Comme Marita. Ses journées sont rythmées par son travail au restaurant de sa grand-mère, ses visites à Nativita , vieille femme qui cuisine des tamales et surtout les lettres qu'elle reçoit de Matilda. Les lettres de la ville, de la vie.
C'est la raison pour laquelle, Ferroni agent travaillant pour les militaires, arrive au village. Il veut récupérer ces lettres, pour savoir où se trouvent Matilda et son fiancé, tous deux recherchés par la dictature.
Dans un lieu perdu, au confins de tout, sous une chaleur que rien n'atténue la tension monte. Ferroni est un tortionnaire cruel et implacable. L'immobilisme de ce village le rend impatient, méchant. Des visions d'enfance le hantent face aux maisons, aux portes fermées dans une sorte de souvenir hallucinatoire.
Marita sent aussi le danger et tient tête au policier dans un dialogue réduit au minimum.
A sa naissance, sa mère est retournée au village. Mais la grand-mère l'a chassée et élève sa petite fille la mettant face à l'absence de sa mère.
Les personnages se racontent dans des monologues (surtout pour Ferroni) et une narration en boucle accentuant ainsi le temps qui n'arrive pas à s'écouler et les secrets douloureux.
C'est un roman très poignant, très fort comme ses femmes déterminées, luttant pour vivre, dans un lieu d'une très grande solitude où les âmes se perdent .
Mémoire, temps, secret de famille, silence donnent à ce livre écrit dans un style épuré une force surprenante.



Julio Cortazar : La porte condamnée

Extrait du recueil "Fin de jeu", ce petit livre réunit 4 nouvelles. Assez pour nous plonger dans l'univers fantastique de Cortazar. Fabuleux écrivain, poète et nouvelliste argentin, mort à Paris en 1984. En tout cas assez pour donner envie, si on ne le connaît pas, de poursuivre la découverte.
La porte condamnée, la nouvelle éponyme, met en scène un narrateur dans un vieil hôtel de Montevideo. Chaque nuit, il entend pleurer un bébé dans la chambre à côté la sienne et dont la porte a été condamnée. Pourtant il n'y a d'enfant ni dans la chambre, ni dans l'hôtel et pourtant chaque nuit les pleurs le réveillent.
Avec ses nouvelles, l'auteur distille une littérature de grande qualité qui happe le lecteur. Avec minutie et précision, il nous promène dans une réalité acceptée qui va être franchie d'autant plus facilement qu'il n'utilise aucun effet "spécial". La déformation de l'espace, du temps est très présente et donne ainsi une force à l'univers fantastique de l'auteur.
Dans "La nuit face au ciel", le narrateur se retrouve dans lit d'hôpital à la suite d'un accident de la route. le récit vacille et le lecteur avec, entre la réalité anonyme d'une chambre d'hôpital et les terribles cauchemars du narrateur où il se retrouve victime des guerre Aztèques. La réalité est fracturée quand le lecteur saisit la nouvelle dimension du cauchemar.
"Les ménades" invite le lecteur à une fin de concert surréaliste, et le narrateur assiste malgré lui à un déchaînement de passion qui dépasse largement le cadre musical. Un pas est franchi et un nouveau monde s'ouvre.
La narration devient fascinante par la force de l'ambiance où l'inattendu devient fantastique.
Un édifiant jeu de miroirs où le lecteur quand il l'a accepté, participe au fabuleux.






Tristan Egolf : Le seigneur des porcheries

La première phrase de ce livre est hallucinante par sa puissance littéraire et hurlante de vérité. Surtout lire tous les mots pour absorber ce tumulte jusqu'à la lie car tout y est annoncé. Comme une prophétie.
Tristan Egolf avait 24 ans quand il a écrit ce roman. Refusé par de nombreuses maisons d'éditions américaines, c'est en France et d'une façon tout à fait romanesque qu'il trouve un éditeur.
Tristan Egolf est mort, il s'est suicidé en 2005. L'ouvrage prend alors une autre dimension.
C'est dans une Amérique rurale inhumaine et enfermée dans son ignorance profonde que grandit John le héros, surdoué (autiste ?), le Seigneur des Porcheries. Même exclus, il fera tout pour survivre dans ce monde, avec une volonté peu commune. Mais, la petitesse d'esprit, la méchanceté des détenteurs de morale anéantiront la chance qui aurait due lui être donnée.
Le dégoût pour cette Amérique foncièrement injuste qui méprise les plus faibles et ne leur donne aucune possibilité, s'exprime ici de manière acérée et impitoyable.
Le récit se partage en deux périodes. La première relate l'histoire de John, de sa naissance dans un bourg dont le nom a une existence uniquement pour ses habitants, de sa place dans la ville de Baker qui lui sera toujours refusée et de toutes les difficultés rencontrées. Il raconte surtout la solitude d'un enfant devant l'incompréhension et l'horreur de la bêtise humaine quand elle est combinée à l'alcoolisme et la bigoterie du Mid-West américain.
La deuxième partie explique la revanche de John sur ces habitants de Baker, d'abord involontairement, elle sera ensuite organisée et finira dans une explosion d'évènements d'une force spectaculaire incroyable.
Ecrit dans une langue virtuose, chaque mot, chaque phrase percute. C'est drôle très drôle et pourtant c'est le pamphlet le plus audacieux contre l'hypocrisie de la société américaine et le constat de son échec démocratique.
D'une grande qualité littéraire, c'est dans un style vif à l'humour corrosif, au langage cru mais non dénué de finesse que l'auteur nous dépeint le portrait d'une Amérique agonisante qui n'arrive plus à faire croire à son rêve.


vendredi 11 novembre 2011

Carole Martinez : Du domaine des murmures

Avec ce deuxième roman, l'auteur a obtenu le Prix Goncourt 2011 des Lycéens. Une plongée mystique dans le 12ème siècle, ses épopées médiévales, ses chansons de geste, sa religion , ses ribaudes et la cellule d'Esclarmonde emmurée vivante.
En 1187, cette jeune femme de 15 ans refuse le mariage et demande à être enfermée dans une cellule attenante à la chapelle du château paternel. Femme rebelle qui n'a eu d'autre choix que s'offrir à Dieu pour échapper aux hommes. Sa voix traverse les siècles pour nous raconter son histoire.
Par une petite ouverture à barreaux dans le mur, elle peut encore apercevoir le monde. Les villageois lui rendent visite et surtout déversent leur malheur, leur doute, leurs mensonges.
Mais Esclarmonde, n'est pas seule dans sa cellule, cet évènement bouleversant prendra des allures de miracle.
Devant l'incrédulité des gens et le pouvoir du clergé, Esclarmonde utilisera sa position de Sainte pour ordonner, dicter, commander tout en respectant sa promesse de recluse.
C'est un véritable conte servi par une écriture intense et profonde qui nous emporte loin de la cellule de l'héroïne et nous fait vibrer au rythme des récits de femmes dans une époque réservée aux hommes.
Malgré quelques lenteurs, surtout dans les guerres de croisade vécues par les illuminations d'Esclarmonde, et une fin un peu trop longue, le récit pour le lecteur à l'âme mystique conserve une très belle qualité romanesque.

Téa Obreht : La femme du tigre

C'est le premier roman de cet auteur née à Belgrade en 1985. L'histoire se situe dans un des pays Balkans, se relevant difficilement de plus d'un siècle de guerre. La dernière a coupé le pays en deux. Natalia et son amie, toutes deux médecins, passent la frontière pour soigner les enfants d'un orphelinat.
Au cours de son périple, Natalia apprend la mort de son grand-père. Lui reviennent alors les souvenirs de cet homme, médecin lui aussi, dont la personnalité et l'humanisme illuminent toujours son existence. Elle retrouve les traces de son enfance et revit les souvenirs des histoires qu'il lui racontait.
Autour de deux personnages s'est construit la vie de cet homme. La femme du tigre et l'homme-qui-ne-mourra-pas. Légende ? réalité ? contes pour enfants ?Le folklore coloré et superstitieux fascine et fait peur, encore.
Natalia, dont la vie est pourtant ancrée dans la réalité, ne peut ignorer cette magie qui guide encore la population. Des personnages victimes de la guerre, de toutes les guerres et qui assistent impuissants à la mise en place d'un monde qui les ignore.
Elle écoute, assiste et nous fait voir d'une façon subtile et intelligente l'histoire dramatique de tout un pays et la guerre, fléau universel, qui amène hommes et frères depuis toujours, à se massacrer.
Ecrit d'une façon poétique et envoûtante, l'auteur nous emmène loin dans l'imaginaire, à travers des contrées nouvelles. Le ton onirique du roman est accentué par le fait que Obreht ne nomme ni les faits, ni les lieux. En gommant le réel, elle accorde plus d'importance aux combats personnels, aux histoires de ces hommes et femmes dans un quotidien tout simplement humain.
L'auteur rend un bel hommage à son grand-père , à l'importance des mythes et des croyances et à un monde disparu comme les êtres chers disparaissent à leur tour.