je veux encore rouler des hanches,

je veux me saouler de printemps

je veux m'en payer des nuits blanches

à cœur qui bat, à cœur battant

avant que sonne l'heure blême

et jusqu'à mon souffle dernier

je veux encore dire "je t'aime"

et vouloir mourir d'aimer

Barbara

mercredi 25 avril 2012

J.M. Coetzee : Au coeur de ce pays

Prix Nobel de littérature en 2003, l'auteur sud-africain, J.M. comme il aime signer ses oeuvres nous livre une plongée dans l'abîme, la barbarie à visage humain. Dans une écriture d'une redoutable efficacité, sèche et bouleversante il nous raconte l'Histoire de son pays à travers des personnages ancrés dans une profonde solitude.Ce sont  la haine, le racisme, la violence et la peur qui annihilent tous sentiments et toute vie et conduisent à la folie.
En Afrique du Sud, Magda vit dans une ferme isolée dans le veldt, loin de toute civilisation,  avec son père veuf tyrannique, et les serviteurs noirs. Reflet du temps des colonies, d'une famille d'afrikaners vivant au bout du monde dans une campagne hostile, reflet d'un temps qui a existé et brisé tout espoir.
Le livre est construit en 266 chapitres, des monologues à travers lesquels la voix de Magda se fait entendre. 
Elle évoque sa vie remplie de rien, son isolement qui la ronge, son ignorance des hommes et de la vie et raconte  ce père tyrannique qu'elle aime quand même, d'une façon glauque. Elle évoque ce père aimant les femmes et qui va mettre dans son lit, l'épouse de son serviteur, Anna. La haine est rentrée dans la maison, la violence ne quittera plus le livre.
Les fait reviennent de façon lancinante, avec des versions différentes, ils alternent en fonction du degré de lucidité de Magda. Le lecteur n'arrive plus, comme elle, à voir la vérité.
Son récit est-il vérité ou  est ce le délire d'une femme ayant tout perdu  y compris la raison ?
Allant au bout de sa solitude, de son amour halluciné, de sa jalousie morbide, elle se perd dans une vengeance terrible à l'issu de laquelle elle deviendra une victime folle éperdue d'amour et de haine. Un livre dur qui cogne et éprouve le lecteur.  
Coetzee avec talent ne dénonce pas simplement l'abominable système de l'Apartheid avec ses bourreaux et ses victimes mais raconte la tragédie absolue vécue par des hommes et des femmes rongés de haine,  de peur et d'incompréhension. 

mardi 24 avril 2012

Katarina Mazetti : Mon doudou divin

Wera est pigiste dans un journal local  où elle a épuisé tous les sujets possibles. Aussi, quand elle tombe sur une petite annonce à la supérette du coin proposant un stage de Béatitude sur plusieurs semaines, pour trouver une foi, un Dieu, un mode de vie, des questions mais pas forcément des réponses, elle pense tenir un scoop. Elle s'y inscrit et rencontre des personnages aux parcours différents, tous en quête de spiritualité et d'un nouveau départ.
Elle sympathise avec Madeleine, qui porte un sac à dos au contenu mystérieux et très lourd. Ah le fameux sac à dos !! 
En alternance, l'auteur donne la parole à Madeleine et à Wera. Chacune décrit les journées au domaine, ferme sinistre où les participants doivent élaborer chacun une sorte de conférence pour expliquer les chemins parcourus sur la quête individuelle, le recherche intérieure.
Tout y est pourtant, les secrets, l'étude des caractères des différents personnages, la vie à la campagne, l'absurdité d'une certaine modernité et un peu d'humour.
Mais les passages sur les explications philosophiques sont souvent longs et superficiels, c'est un peu décevant parce que le thème de la quête spirituelle reste fascinant.



mercredi 18 avril 2012

Philippe Besson : Une bonne raison de se tuer

Los Angeles, 4 novembre 2008, Obama va être élu Président et deux existences tragiques vont se croiser durant cette journée, très particulière et hautement symbolique.
La vie de Laura Parker et Samuel Jones, racontée sur une journée par Philippe Besson dans une écriture très visuelle saisissant la  désespérance au plus juste . L'histoire de deux personnes qui ne se connaissent pas mais qui ont été toutes les deux anéanties par la vie.
Laura, est une jeune femme divorcée. Depuis 2 ans, elle vit seule, ses enfants sont grands et surtout indifférents. Elle a été congédiée de son mode de vie matériel, maternel et conjugal par son mari qui lui a demandé de quitter la maison. Elle aimait sa vie même si elle était ennuyeuse, elle ne sait rien faire d'autre que s'occuper de la maison, des enfants. Elle est inutile, fragile, en danger. Transparente. Elle traîne son vide au travail et cache ses abîmes derrière des sourires et un style un peu guindé.Elle n'est pas désespérée, elle suffoque.
Samuel, divorcé, artiste, bohème comme ceux  qui traînent à Venice Beach, une autre façon de vivre le rêve américain, père en détresse. Il enterre son fils Paul, aujourd'hui. Suicide.Tout l'accable, les remords, le doute, la culpabilité. Rien ne pourra lui donner un soupçon de réponse ou d'explication.
Philippe Besson passe d'une histoire à l'autre, d'un drame à l'autre, d'un abîme à l'autre et analyse avec une précision de metteur en scène les gestes, fait passer l'émotion dans les silences et les absences.
Le récit est poignant dans les moindres détails, l'auteur nous dépeint une cité des ange à couper le souffle dans sa lumière, ses couleurs, le vent, la mer, tout n'est pourtant que murmure devant la tragédie humaine.
Laura a fait le choix de se suicider, elle connaît l'endroit, elle l'explique, Samuel lui voudrait des réponses, un moyen de continuer. Ces deux-là vont se croiser, peut être se reconnaîtront ils ? En tout cas le lecteur en reconnaîtra certains. Ceux qu'on croise comme Laura et qu'on ne remarque pas, on aura un frisson devant, cette vie soit disant moderne et qui fait souffrir souvent , les mots souvent tus, les conversations manquées, les rencontres improbables.



vendredi 13 avril 2012

Steve Tesich : Karoo

Steve Tesich fut romancier et scénariste, reconnu et récompensé aux Etats Unis. D'origine serbe, il s'exile à Chicago en 1957 et décède en 1996. Karoo est son deuxième roman, paru à titre posthume en 1998, première oeuvre publiée en France. C'est la découverte d'un écrivain et d'une écriture au style féroce et corrosif comme son héros, Karoo.
Saul Karoo, dit le Doc travaille dans l'entreprise du cinéma, il est le spécialiste et le génie de la réécriture de scénarios. Alcoolique, fumeur, trompeur, menteur, mauvais mari, mauvais père, mauvais tout, il traîne son obésité et sa mauvaise santé dans une vie vide de l'essentiel.
Incapable de s'énivrer pour oublier, il continue à boire sans limite et à fumer pour conserver l'apparence confortable que les autres ont de lui, à entretenir le mensonge comme nécessité et habitude de vie.
Fuyant l'intimité des autres et particulièrement celle de son fils adoptif, il n'éprouve aucun sentiment, comme les scénarios sur lesquels il travaille il a construit sa vie à la façon d'une mauvaise fiction.
Au milieu de ce néant, quelques bribes de réalité arrivent lui rappelant ainsi tous les chemins qu'il a ratés et tous les buts qu'il n'atteindra jamais. Clown grotesque qui arrive à toucher le lecteur.
Pour une fois dans sa vie, il va décider de monter un plan sentimental et familial afin de réunir la femme qu'il croit aimer et son fils adoptif. La tragédie qui en résultera dépassera de loin la dernière "tragédie américaine" vu et corrigé par ses soins.
Absurdité de la vie, dérision de la société américaine, manipulations vaines, les thèmes sont développés dans un rythme vif et un ton cruel. Humour noir, lucidité effroyable, l'Amérique est un monde impitoyable.





vendredi 6 avril 2012

Haruki Murakami : 1Q84 Livre 3

Le dernier volet de la trilogie 1Q84 met fin à l'aventure initiatique de nos deux héros, Tengo et Aomamé, qui  se cherchent depuis dès années et se rencontrent dans une nouvelle dimension.
Pendant plus de 1500 pages, Murakami nous a servi ses thèmes favoris, à savoir l'imaginaire et les mondes parallèles, la solitude, la banalité du quotidien, la recherche du désir et la musique incontournable et essentielle dans son oeuvre.
Désormais, sous la clarté des deux lunes, 1984 a cédé la place à 1Q84. Les "Little People" tissent des Chrysalides de l'air et les Précurseurs  poursuivent Aomamé afin de venger leur chef assassiné.
Tengo, le Gost writer de la Chrysalide de l'air est au chevet de son père mourant dans la Ville des Chats et Aomamé, la tueuse à l'aiguille, se terre dans un appartement en lisant Proust.
Un nouveau personnage arrive, Ushigawa, un ancien avocat rayé du barreau au physique monstrueux,  mandaté par les Précurseurs pour retrouver Aomamé.
Chaque chapitre donne en alternance la voix aux trois personnages instaurant une distance avec l'évènement. Leurs analyses intimes très détaillées apportent les réponses aux questions posées dans les tomes précédents.
L'écriture est fluide et le style romanesque entretenu par des références littéraires et musicales très fouillées, et surtout la marque de Murakami celle de créer une ambiance littéraire incomparable.

mercredi 4 avril 2012

Metin Arditi : Le Turquetto

Elie Soriano juif, fils d'un marchand d'esclaves,  né à Constantinople, dit le Turquetto, peintre de génie victime de l'obscurantisme de l'Inquisition, élève du Titien, fabuleux artiste imaginaire( ou pas) sous la plume de Metin Arditi,  nous transporte dans l'histoire tourmentée du 16ème siècle.
Dans le Grand Bazar  coloré et animé de Constantinople vers 1519 ,  le Turquetto en observateur découvre la vie et surtout sa passion pour le dessin. La situation religieuse du pays, l'oblige à fuir à Venise où il se fait passer pour chrétien. S'ouvre alors, un parcours exceptionnel qui lui permet de peindre et d'être reconnu.
Mais Venise est corrompue et l'Inquisition fouille et enquête, pour échapper à la mort il s'enfuit à nouveau et retourne à Constantinople. Ses oeuvres seront détruites. Fin d'un destin.
Metin Arditi dresse le portrait dans homme pris dans la tourmente d'une époque impitoyable. Un destin artistique que les codes et l'hermétisme des religions et la corruption des hommes ont anéanti.
Les descriptions des villes et des palais, des marchés, des hommes et des femmes qui occupent les rues sont dépeintes avec beaucoup de sensualité colorée.
L'auteur fouille avec précision l'histoire et nous permet en suivant les traces de ce héros d'aborder des thèmes très actuels comme la politique, la religion et l'art. Un monde qui vacille quand les artistes sont persécutés et l'art occulté.

lundi 2 avril 2012

Antoine Choplin: Le héron de Guernica

L'histoire se situe, en avril 1937 dans un petit village paisible du pays basque espagnol. Le jeune Basilio, enfant du village, se partage entre famille, amis, bals du samedi et marché et les marais où il peint les hérons, le plus fidèlement possible.
Seulement, l'Histoire  en 1937 marque du sceau de la barbarie le petit village et Guernica rentre à jamais dans la mémoire comme le symbole de la haine, de la violence absurde des hommes.
Alors qu'il peint un héron, le jeune peintre en herbe est dérangé par les bombardiers allemands venus aider Franco à donner une leçon aux Républicains.
Témoin de la violence de l'attaque, avec le curé du village, il assiste à la fin d'un monde et à ce qui  annonce les prémices de la 2ème guerre mondiale. Il  capturera les traces de l'anéantissement  et de la destruction de son village et de ses habitants par des photos prises au moment de l'assaut.
Monté à Paris, Basilio a pour mission de rencontrer le grand peintre espagnol Picasso qui expose son fabuleux tableau, et la magie opère....
Tout au long du livre, Antoine Choplin dépeint avec grâce et délicatesse le monde tranquille dans lequel vivaient des hommes et des femmes. Les chapitres sont courts, lumineux et les questions que se pose Basilio sur sa recherche d'authenticité et de vérité dans la façon de peindre ses hérons sont touchantes.
Les descriptions des images de guerre, des photos prises par le jeune homme sont intenses et montrent de la nécessité de témoigner.
La rencontre avec Picasso est un très beau moment, pour ce jeune homme épris de sincérité, devant la toile du maître qui en restant  Paris a su rendre l'inimaginable et l'indicible dans une représentation abstraite.
Un beau livre qui nous plonge dans la guerre, la mort, et questionne sur l'utilité de l'art et sa façon universelle  de témoigner, de transmettre.