je veux encore rouler des hanches,

je veux me saouler de printemps

je veux m'en payer des nuits blanches

à cœur qui bat, à cœur battant

avant que sonne l'heure blême

et jusqu'à mon souffle dernier

je veux encore dire "je t'aime"

et vouloir mourir d'aimer

Barbara

mercredi 29 août 2012

Amin Maalouf : Les Désorientés

Exilé volontaire à Paris depuis un quart de siècle, Adam voit son passé  ressurgir quand un ancien ami de jeunesse lui téléphone en pleine nuit. Resté au pays natal, Mourad est en train de mourir et souhaite le revoir une dernière fois. Adam y retournera mais arrivera trop tard.
Hébergé  chez une vieille amie, Sémiramis, il consulte de vieilles correspondances, ouvre la malle des souvenirs. Historien, Adam travaille actuellement sur la biographie d'Attila. Un autre projet le tenaille, celui d'écrire le portrait de chacun de ses amis. A la mémoire des disparus, Il va organiser les retrouvailles des vivants, ceux qui composaient "Le cercle des Byzantins". Exilés aux quatre coins du monde ou restés au pays, tous ont pris des chemins différents. La guerre les a séparés et la religion les a éloignés dans un monde qu'ils ne reconnaissent plus. Pendant 15 jours, l'Orient et l'Occident vont parler la même langue celle de l'universalité.
A travers ses méditations, Adam nous transmet cette nostalgie tenace pour un monde révolu. Celui où de jeunes étudiants rêvaient de franchir les divisions communautaires de leur pays et qui ont subi la guerre et la corruption. 
Amin Maalouf nous raconte son passé et sans nommer une seule fois son beau pays, le Liban,  il donne force et profondeur au récit. Dans un style clair il nous livre une réflexion profonde de la situation géo-politique  et ses phrases simples nous émeuvent. Une écriture toute en retenue qui frôle l'absolu et le sublime. Les personnages explorent les grands sentiments avec délicatesse tout en donnant des avis différents. L'exercice est difficile mais les mots servent  ici une grande sobriété qui ne fait pas oublier le tumulte des passions. 

jeudi 23 août 2012

Edgar Hilsenrath : Nuit

Empreint d'un réalisme glaçant, le premier roman de l'auteur paru en 1964 relate  à travers le quotidien dans un ghetto juif, la barbarie nazie où hommes et femmes sont prêts à tout pour rester vivant juste un jour de plus. 
Dans un style épuré et inlassablement répétitif, l'auteur va au delà du récit de mémoire pour regarder en face un monde déshumanisé où pitié et charité n'existent plus. Dans l'horreur, l'homme est face à sa nature barbare et plus rien n'existe. L'illusion d'humanité n'est qu'une illusion et le héros, Raneck nous montre dans ce néant la peur qui le tenaille et  sa lâcheté, sa cruauté qui annihilent tout sentiment.
Dans ce ghetto en Ukraine, il n'y a plus de juifs, plus de communauté unie et  luttant contre les nazis. D'ailleurs il n'apparaissent pas dans le récit. L'auteur  regarde en face des hommes, des femmes qui ont perdu toute trace de civilisation et d'humanité. Dépouillant les mourants, vendant leurs corps, volant,  tous s'épient et se haïssent pour survivre et ne pas être le prochain à remplir la fosse commune. Dans la puanteur et la nuit ce  sont des bêtes traquées qui se cachent.
Le grotesque surgit au milieu  de scènes hallucinantes de cruauté et d'ultime désespérance et l'auteur se sert d'un style volontairement cru et sulfureux pour nous emmener dans le noir absolu de cette nuit.
Hilsenrath décrit des personnages qui furent cafetiers, hôteliers, coiffeurs, prostituées mais avant tout   survivants. Hommes et femmes que le lecteur avec le recul peut trouver misérables , lâches ou héroïques,  ils témoignent pour les six millions assassinés.
Un livre insoutenable qui porte un regard froid sur la page la plus noire de l'Histoire.

mardi 14 août 2012

peter cunningham : La mer et le silence

En Irlande, le  sympathique notaire Dick Coad est dépositaire de deux manuscrits provenant d'une très chère cliente, Ismay Shaw, qui vient de mourir. Il est chargé d'en prendre connaissance et de les détruire.
Dick Coad était fasciné par la très belle Is, dès leur première rencontre et tout au long du roman, il nous fait découvrir le passé énigmatique de cette femme à travers le temps.
Le premier manuscrit débute en 1945 au mariage d'Is âgée de 23 ans avec Ronnie et  se poursuit dans les années 70  avec le conflit irlandais. A l'installation du couple dans un phare suivent les années conjugales  plus ou moins harmonieuses avec  la naissance d'Hector. La description des paysages sauvages balayés par le vent accentue le romantisme de cette histoire.
C'est le deuxième manuscrit racontant  la vie d'Is avant son mariage quand elle vivait encore chez ses parents qui donne dimension et profondeur au récit.
La belle histoire d'amour se transforme en témoignage de vie d'une femme audacieuse et secrète,  la trame historique de l'Irlande enrichit le récit. L'auteur nous rappelle la neutralité de l'Irlande pendant la deuxième guerre mondiale, la situation des anglo-irlandais et la fondation de l'IRA.
Un livre vraiment plaisant qui nous fait découvrir les méandres d'une vie à travers l'Histoire.

lundi 13 août 2012

Edgar Hilsenrath : Fuck America

Edgar Hilsenrath invente pour ce roman son double littéraire sous les traits de Jakob Bronsky, jeune juif, fils de Nathan débarqué en 1956 aux Etat Unis. Pays de la liberté et du rêve, Bronsky a du mal à s'intégrer et erre désespérément  dans les rues de New York, affamé de nourriture et de sexe et crevant de solitude. Il n'arrive pas à comprendre ce pays . Malgré des scènes cocasses, des dialogues percutants et parfois vulgaires, l'auteur nous sert un humour corrosif rempli de désespoir.
Bronsky se veut écrivain et son livre "Le Branleur" racontera la shoah, la solution finale, les nazis. Entre un passé bien réel qui  ne peut s'oublier et le quotidien où chaque jour est un enfer, il erre, clodo alcoolique parmi les exclus du rêve américain. Il porte en lui à jamais la souffrance et la mort des Six millions.  Dans ce livre décalé parfois déjanté à l'outrance, il n'est au fond question que de ça. La Shoah racontée encore et encore, dans un humour plus noir que jamais, pour ne pas oublier.
L'auteur nous rappelle aussi Bukowsky,dans sa grande solitude et son rejet de la société,  par ses dialogues vifs, colorés où la vulgarité cache une fêlure profonde.
La construction du roman est tout à fait hors norme et originale. Commencé comme l'épopée d'un immigré sur le sol américain, le récit devient le témoignage de ceux qui ne voudront jamais oublier l'horreur et termine  par les premières pages du livre écrit par le héros : " Le nazi et le barbier". Véritable ouvrage de l'auteur paru aux Editions Attila, qui raconte par la dérision la shoah vue par un personnage diabolique et lamentablement dangereux.
Un livre très émouvant et politiquement très incorrect ! savoureux!



lundi 6 août 2012

Paul Auster : Le livre des illusions

Ecrit à la première personne ce livre ne donne pourtant pas la parole à Paul Auster mais à David Zimmer, universitaire et écrivain. Anéanti par la mort de sa femme et de ses enfants dans un crash aérien, David sombre dans l'alcool et la dépression. Il s'en sortira grâce à la rédaction d'une biographie d'Hector Mann, artiste du muet disparu curieusement en 1929. Quand son livre paraît, David retrouve la trace d'Hector d'une façon insolite et apprend son véritable parcours à travers le récit que lui fait Alma, témoin de la vie cachée d'Hector.
Paul Auster nous sert ses thèmes de réflexion favoris avec talent et virtuosité : quelle est notre réalité, le fil rouge entre illusion et réalité, notre angoissante recherche de la réalité, la rédemption par l'écriture et la création, le lien entre l'écrivain et ses héros, la mort, la séparation.
Dans une construction littéraire menée admirablement, les récits s'emboîtent et se répondent. Comme dans un jeu de miroir, le lecteur est attiré et retient l'image qui ressemble le plus à sa réalité sans perdre de vue que tout peut être illusion.
Un texte dense, intense où chaque mot précise sans fioriture les réflexions essentielles et philosophiques de l'auteur et nous mène dans une intrigue haletante jusqu'à la fin.
Histoire dans l'histoire, personnages dont les vies se croisent, se mêlent et se répondent renforçant ainsi l'errance des âmes perdues de ses héros.
Un formidable clin d'oeil au cinéma muet et à une époque révolue avec un hommage brillant à Chateaubriand  et toujours la narration unique des héros de Paul Auster.

dimanche 5 août 2012

Yoko Ogawa : La piscine - Les abeilles - La grossesse

Avec ces trois nouvelles, Yoko Ogawa invite le lecteur à pénétrer dans son univers étrange et inquiétant qui a fait  toute sa renommée littéraire.
Trois courts romans intimistes qui explorent la cruauté, la méchanceté de personnages emprunts d'une certaine dose de  naïveté perverse.
Les phrases ébranlent, les mots frappent et rendent le malaise persistant. L'écriture distanciée et froide rend la lecture inquiétante et les chutes en suspens augmentent la tension et le malaise.
Les personnages d'Ogawa possèdent un sentiment d'irréalité par rapport à leur quotidien. Un quotidien décrit d'une manière simple et efficaces avec une telle précisions qu'il en devient angoissant.
Dans La Piscine, l'héroïne raconte sa vie dans un orphelinat catholique que ses parents dirigent. Jalouse, elle  envie ses camarades de classe qui eux seront adoptés un jour. Elle voue une admiration amoureuse pour un jeune orphelin tout en martyrisant une petite fille qui vient d'arriver. Elle recherche une pureté dans des sentiments jamais avoués et un sadisme forcené envers cette enfant qui lui fait confiance. La chute est d'autant plus cinglante qu'elle arrive en un très court dialogue impitoyable.
Les Abeilles emporte le lecteur dans une université désertée où un directeur unijambiste sans bras assiste depuis la disparation d'un élève à l'anéantissement de l'institution. Une ancienne étudiante qui vient d'y inscrire son cousin décide de lui rendre visite. Elle sera reçue par l'étrange directeur et sera perturbée par un bruit insolite qu'elle n'arrive pas décrire. Anéantissement, mort tout est bizarre et pourtant d'une grande beauté.
La Grossesse raconte les neuf mois de grossesse d'une jeune femme vue par sa jeune soeur. Comme dans un journal intime, elle note touts les inconvénients de la maternité, l'inutilité d'être enceinte, la vie de couple de  sa soeur. Quand elle se rend compte que  sa soeur mange de plus en plus, elle lui confectionne une confiture spéciale qui peut mettre en péril la vie de son bébé. Hallucinant de perversité.
Par sa concision et sa parfaite simplicité dans la description  des troubles de la personnalité, Yoko Ogawa nous transmet des perles littéraire incomparables.

Chet Raymo : Le nain et l'astronome

Franck Bois est un écrivain de 43 ans et il vient de sortir son premier livre, une autobiographie qui obtient un énorme succès. Issu de ses souvenirs, son roman raconte l'histoire de sa mère la très belle, Bernadette. A la fin de la guerre, elle essaie de fuir la France aidée par des GI  à bord d'un bateau américain.  Elle leur  offre sans retenue sa jeunesse et sa beauté. Sa fuite s'arrête dans une petite ville d'Irlande où elle mettra au monde un enfant difforme et monstrueux, Franck.
C'est un roman sur la solitude, l'abandon, l'isolement d'un petit enfant mal aimé. C'est aussi la découverte de la vie et la beauté du monde à travers l'observation des étoiles. Cadeau immense que lui fera un des amants de sa mère et donnera ainsi un sens à sa vie.
Des amants, sa mère en aura beaucoup. Ils aideront l'enfant à rompre sa solitude en lui offrant, chacun à sa façon, affection et attention. Sa mère si belle et si indifférente ! Elle porte en elle une fêlure dans laquelle elle sombrera, ultime épisode tragique de sa vie, laissant Franck encore plus seul. 
Et puis il y a les femmes  dans la vie de Franck.  Malgré son physique repoussant, il a vécu souvent au milieu d'elles, si proches et si lointaines. Il y a beaucoup de sensibilité et d'émotion quand il les évoque. Il y a le désespoir absolu de se faire jeter par elles, de se réfugier dans l'alcool et les étoiles.
Franck s'échappe dans ce ciel immense et d'une beauté glaciale, et  la sortie de son livre l'obligera à remettre en question son existence.
Très beau lire sensible qui mêle fiction et science, entre rire et émotion, le nain astronome nous accroche par son approche des mystères du monde et on aimerait observer un coin du ciel avec lui.
Partager ses moments de pure émotion céleste.
Un sujet original avec des personnages très éblouissants et la découverte d'un auteur talentueux, Chet Raymo. Il est un éminent professeur de physique et d'astronomie, ce qui rend son récit captivant.