je veux encore rouler des hanches,

je veux me saouler de printemps

je veux m'en payer des nuits blanches

à cœur qui bat, à cœur battant

avant que sonne l'heure blême

et jusqu'à mon souffle dernier

je veux encore dire "je t'aime"

et vouloir mourir d'aimer

Barbara

lundi 24 septembre 2012

Laurent Gaudé : Pour seul cortège

A la fin d'un ultime banquet, Alexandre le Grand s'effondre, terrassé par la fièvre. Il est mourant. Fidèles et généraux se pressent autour de lui. dans la douloureuse inquiétude de la succession et de la pérennité de l'empire.
Alexandre, le plus grand des conquérants, assoiffé de puissance et de terre se transforme sous nos yeux en un être humain foudroyé par la maladie. Mais le temps d'un récit digne d'une tragédie grecque, il redevient  le meneur d'hommes, le combattant mythique que l'Histoire connaît.
Babylone déroule ses fastes et excès, délices et barbarie, cruauté et soif de pouvoir. Toute la noirceur de l'homme apparaît et malgré le lyrisme persistant, la fureur ne quitte pas la scène.
Alexandre fait entendre sa voix, insuffle sa grandeur et traverse le temps.
A travers le récit d'une femme, princesse tragique, et de quelques proches, nous accompagnons le cercueil d'Alexandre dans son dernier voyage. Le cortège de pleureuses donne à cette marche initiatique dans le désert la force du rêve.
Alexandre n'était pas assez vaste pour lui et il habite l'éternité à jamais, son ombre plane sur les déserts de l'Orient et son histoire devient une légende.
Laurent Gaudé mêle récit, vérité, rêve dans une prose riche très visuelle. Le désert et la chaleur nous enveloppent et le temps reste suspendu. 
Un petit livre qui n'apporte pas de précisions historiques mais  questionne sur la vie d'un homme d'une intelligence politique féroce qui a su imposer la Macédoine en tant que royaume glorieux.
Le style très lyrique, les voix entrecroisées dans le rêve ou la réalité peuvent dérouter mais il faut se laisser porter par le récit et par la voix d'outre-tombe du grand Alexandre.

vendredi 21 septembre 2012

Tahar Ben Jelloun : Le bonheur conjugal

Le dernier roman de Tahar Ben Jelloun nous raconte la déliquescence d'un couple, l'histoire de dépossession, le récit d'une obsession de ce qui n'est plus.L'auteur va donner la parole au mari d'abord et à la femme ensuite. Chacun sa version, chacun sa haine, devenu ennemi dans l'amour.
L'homme, Imane est un artiste peintre reconnu et admiré, un coureur impénitent et un homme mis à terre par un AVC qui l'oblige à revisiter sa vie et cette notion si chaotique du bonheur conjugal.
Durant les 2/3 du livre, il rumine sa nouvelle condition de malade et sa dépendance vis à vis des soignants. Cloué sur son lit, il revisite son journal intime ou le continue en rêvant. Il décortique son mariage raté, son illusion de bonheur avec une femme vite devenue avide et jalouse.
Ne vivant qu'à travers son art et sa soif de conquêtes féminines, il mène un combat contre la maladie et sa femme pour pouvoir peindre à nouveau et reprendre sa liberté amoureuse.
C'est au tout d'Amina de raconter.  Elle a été follement amoureuse de lui,  artiste célèbre à qui elle a voué sa vie, pour lequel elle a abandonné ses études et contre lequel elle devient un monument de haine et de jalousie avide de vengeance.
Plus jeune que son mari, elle n'a vécu qu'à travers lui, son nom, son aura et son argent. Intellectuellement moins brillante aussi, elle se rend compte que même les enfants n'arrivent à le retenir au foyer.
C'est vrai qu'elle en a vu passer des maîtresses et que sa jalousie, pour elle, semble légitime tout  comme l'institution du mariage l'est pour sa famille.
Les deux voix opposées interrogent sur le mariage, la fidélité, l'engagement, l'influence du milieu social et le poids des familles dans lesquels chaque couple se trouve confronté.
Peut être que les lamentations de ce vieux Don Juan impotent, même artiste brillant, et la jalousie trop excessive  d'une femme mal aimée m'ont un peu lassée. 
A lire pour constater qu'il y a beaucoup de solutions quand un amour est fini, heureusement.







lundi 17 septembre 2012

Toni Morrison : Home

Nobel en 1993, Toni Morrison dépeint dans son dernier roman le retour douloureux au pays de Franck, soldat traumatisé de la guerre en Corée.  De Seattle en Georgie, il va traverser le pays pour sauver sa jeune soeur mourante. Il fera face à un pays plongé dans la chasse aux sorcières, habité par le racisme et le ségrégationnisme et où la guerre a laissé des marques indélébiles sur ses soldats.
C'est un autre visage de l'Amérique des années 50 que nous montre l'auteur. Une image différente de celle véhiculée par les médias et les films, outrancièrement belle et heureuse. C'est une Amérique violente et divisée dans ses haines et ses ignorances, capable du meilleur comme du pire. Le pire ? par exemple les expériences médicales menées par des médecins sur de pauvres Noirs. Le meilleur ? cette capacité à la solidarité envers et contre tous.
A cette époque, la vie est difficile pour les Noirs et Toni Morrison à travers le portrait de Franck rend un hommage envoûtant à ses compagnons de couleur humiliés et bafoués.
Tout au long du livre, alternant avec l'histoire de sa jeune soeur, la voix de Frank se fait entendre. Il nous raconte, nous ment parfois, ses souvenirs de guerre, de vie, d'alcool et d'amour perdu.
La violence est présente tout au long du livre dans l'institution, dans la famille, dans la politique et le retour aux origines de Franck et de sa soeur se fera après bien des tourments.
Un style ramassé, épuré pour dire l'essentiel sans fioriture, Toni Morrison est bouleversante de précision et d'émotion contenue.

vendredi 7 septembre 2012

Sakyo Komatsu : La Submersion du Japon

Best-seller d'anticipation c'est le seul roman de cet écrivain japonais décédé en 2011 à être traduit en français. Oeuvre de fiction qui prend l'allure d'une prophétie au regard des catastrophes qui ont plongé le Japon dans un état d'alerte quasi-permanent.
Tout est dit dans le titre et le lecteur envisage une fin inéluctable.
L'auteur nous raconte  les seïsmes, tsunamis, éruptions volcaniques qui s'abattent sur l'archipel du Japon et aboutissent à sa submersion. Il n'y a  donc aucun espoir dès le début du livre.
Les savants et geophysiciens expliquent de façon calme et méthodique le déroulement des cataclysmes à venir. Ils se démènent  pour transmettre le bilan de leurs recherches et ainsi permettre de sauver le plus de citoyens et laisser ainsi les traces d'une civilisation et d'une identité nationale.
Une course contre le temps s'enclenche mais que peut on sauver avant l'anéantissement total ? Les oeuvres d'art, la culture, les japonais ? 100 millions de personnes à placer dans le monde. Un cataclysme qui a des répercussions dans l'organisation du monde entier. Les politiques gèrent la situation en évitant la panique générale. 
Le récit montre bien l'acceptation résignée des japonais face au naufrage de leur pays. La peur d'une telle catastrophe est ancrée dans leur culture et le calme, la distance, le contrôle qui les caractérisent se retrouvent dans leur littérature unique.
Si les scènes de seismes, surtout celles qui se passent au fond de la mer, sont très impressionnantes c'est surtout les détail scientifiques qui marquent ce récit et peut devenir pesant.
Un regret pour la traduction qui n'est pas d'un bon niveau et ne reflète pas toute la qualité littéraire de Komatsu.
A lire pour découvrir. (comme toujours !!)

mercredi 5 septembre 2012

Louise Erdrich : Le jeu des ombres

Auteure américaine, Louise Erdrich est une fervente représentante de la culture indienne et la figure emblématique de la Nature Americain Renaissance. Mouvement littéraire né dans les années 60 qui promeut la littérature amérindienne.
Ses héros sont d'origine indienne et leur héritage culturel lourd à porter aujourd'hui  en Amérique.
Si le livre s'inspire de son histoire amoureuse tragique et de sa rupture avec l'écrivain Michael Dorris, Erdrich écrit ici une fiction universelle sur les ravages de la passion.
C'est l'histoire d'un couple en fin de course au bord de tous les abîmes et face à cette folie, trois enfants  observent cette guerre psychologique et souffrent également.
Histoire d'une fin d'amour entre deux êtres fusionnels que l'art avait réunis. Dans un quotidien dévasté, l'art devient un moyen de survie et  la chronique d'une mort annoncée.
Irene découvre que Gil son mari lit son carnet intime(rouge). Elle décide alors de rédiger un nouveau carnet (bleu) et continue de noter sur le rouge ses pensées afin de manipuler son mari et l'inciter à la quitter.
Manipulation et  possession, amour et haine alternent tout au long de ce récit à trois voix. Celle d'Irene dans le carnet rouge, celle du carnet bleue et une troisième qui est au coeur même du drame qui se déroule et que le lecteur découvrira juste à la fin.
Louise Erdrich analyse dans une écriture sèche et désespérée la dérive d'un couple qui se détruit par tous les moyens. Gil est trop possessif, trop violent et Irene l'a trop aimé et accepté trop de choses.
La violence de l'histoire des Indiens à travers des artistes comme Catlin se mêle à celle des personnages, véritables écorchés vifs de l'amour.
Un livre fort qui interroge sur l'importance de la culture et des origines, sur l'évolution de la passion amoureuse et son  impact dans une vie familiale quand elle n'est plus maîtrisée.






samedi 1 septembre 2012

Margaret Mazzantini : La mer, le matin

Margaret Mazzantini nous emmène en Lybie et en Italie sur les traces de deux femmes obligées de fuir leur pays à des époques différentes mais qui toutes les deux ont mené le même combat. Protéger et sauver leurs fils, recommencer une nouvelle vie dans un pays qu'elles ne connaissent pas ou plus.
C'est le printemps arabe et un vent de liberté soulève la Lybie mais la guerre et la violence explosent et Omar qui n'a pas voulu rejoindre les loyalistes est tué. Sa femme Jamila décide alors de quitter le pays avec son fils Farid. Ils embarquent dans un canot en partance pour l'Italie. Ils deviennent des réfugiés et erreront sur la mer, eux qui n'ont connu que le désert.
Cette traversée  se terminera en cauchemar absolu, abandonnés sur un rafiot fantôme ils seront des débris d'existence  que la mer rejette inlassablement. 
Fille de colons italiens arrivés dans les années 30 en Lybie pour y  travailler, Angelina est née et a grandi à Tripoli jusqu'à l'âge de 11 ans. Quand Kadhafi arrive au pouvoir en 1970, il chasse tous les italiens et confisque leurs biens.  La famille d'Angelina  part pour l'Italie. Elle se sent pour toujours arabe et reste étrangère à son pays. Quand Kadhafi  devient le nouvel ami de Berlusconi,  il autorise les touristes italiens. Elle emmène alors son fils Vito, né en Italie, sur les traces de son passé et du pays qu'elle a toujours aimé.
Mais plus rien n'est comme avant, le pays comme les hommes ont changé et la nostalgie du bonheur perdu la hante à jamais.
L'écriture de Mazzantini devient orale et l'histoire de ces deux femmes se recoupe même si elles ne se croisent jamais. Un roman très court sur une histoire de femmes, d'hommes et d'appartenance à un lieu.
L'Histoire de la Lybie et des colons Italiens est très intéressante peut être plus que celle des personnages qui aurait méritée un peu plus de profondeur. Les mots si poétiques semblent parfois trop légers par rapport aux drames vécus.