je veux encore rouler des hanches,

je veux me saouler de printemps

je veux m'en payer des nuits blanches

à cœur qui bat, à cœur battant

avant que sonne l'heure blême

et jusqu'à mon souffle dernier

je veux encore dire "je t'aime"

et vouloir mourir d'aimer

Barbara

vendredi 31 mai 2013

Didier Decoin : La pendue de Londres

Dans son dernier roman Didier Decoin nous raconte le destin tragique de Ruth Ellis accusée de meurtre   et pendue  à Londres en 1955. 
Evoluant  dans un  monde clinquant de luxe, de paillettes et d'apparence, son  parcours reste celui d'une pauvre vamp, mi femme fatale, mi mondaine à la chevelure peroxydée qui a inspiré aux hommes leurs pires fantasmes. 
Tenancière de cabaret la nuit, occasionnellement prostituée, elle fait de nombreuses mauvaises rencontres et connaît la brutalité d'hommes pervers et salaces. Elle s'enfonce dans l'alcool et l'humiliation et tue son dernier amant avant d'être arrêtée, jugée  sommairement et exécutée. 
Son histoire agite alors l'opinion publique et devient un sujet de réflexion sur l'utilité de la peine de mort. Elle est la dernière femme à être pendue en Angleterre.
Avec beaucoup de maîtrise, Didier Decoin offre en parallèle le portrait d'un homme qui a aussi existé. Albert Pierrepoint qui assiste Ruth dans ses derniers instants, il est l'exécuteur du Royaume Uni. Il  vit une vie ordinaire  dans un univers sombre et froid, gérant un pub dans un quartier populaire. 
Méticuleux dans son travail, il est soucieux de ne pas faire souffrir les condamnés à mort et apporte un soin extrême à leur ôter la vie.
La force du récit se trouve dans l'alternance des deux vies. Deux parcours complètement opposés et pourtant peu brillants, celui de Ruth fait d'abus dès l'enfance et de violence et celui du bourreau si ordinaire et aussi impitoyable.
Le lecteur pénètre dans la vie de Ruth et hésite entre culpabilité et une certaine légitime défense, et rejoint l'âme du bourreau quand il prépare son exécution. C'est fascinant et obsédant.
Le lecteur se sent alors coupable de trop regarder.
Une écriture maîtrisée, un style évocateur, une construction littéraire remarquable,  un livre qu'on ne lâche pas.


        

samedi 25 mai 2013

Martin Suter : Le temps, le temps

Un an après l'assassinat sauvage de son épouse à l'entrée de son immeuble, Peter Taler reste effondré et incapable d'affronter un quotidien qu'il a du mal à reconnaître. Choqué, ses questions le hantent et restent sans réponse. Le tueur n'a pas été arrêté, et son obsession est de retrouver le coupable, la vengeance le saisit de plus en plus fort.
Dans la zone résidentielle, il fait la connaissance d'un vieux voisin qui semble l'épier, veuf également mais depuis 20 ans. Sa femme est morte d'une "chose évitable".
Leur solitude les réunit malgré eux et Peter Taler va croire au projet fou et insensé de son vieux voisin, botoxé et curieux, celui d'abolir le temps et retrouver ainsi les disparues. Remettre le décor en place.
Martin Suter, nous invite à une profonde réflexion sur le temps et l'absence, sur ces choses insoupçonnables et insignifiantes qui remplissent une vie et lui donnent un sens.
L'écriture est habile et maîtrisée et le sujet mystérieux. Le temps résonne à l'infini et dans cet espace qui n'est pas ressenti de la même manière par chacun, le lecteur s'aventure dans une réalité changée.
Le récit devient expérience entre rêve et cauchemar, entre futur et passé et les repères nous bousculent  dans un vertige incessant.
Les personnages, principaux et secondaires, sont attachants, troublants, inquiétants parfois.
Peter Taler, jeune homme, amoureux de sa femme, malheureux de sa disparition, jaloux aussi, souffre et le lecteur y est sensible.
Martin Suter signe un roman d'une étrangeté bien contrôlée, le style reste haletant jusqu'à la fin  incroyable et époustouflante.

vendredi 10 mai 2013

Jean Teullé : Fleur de tonnerre

Jean Teullé nous raconte le parcours d'Hélène, bretonne ayant vécu au 19ème siècle, sans doute la première "serial killeuse" et nous promène dans une Bretagne rude, remplie de légendes et de superstitions. C'est dans une famille croyant à l'Ankou et à bien d'autres histoires que la petite fille a grandi. Blonde et douce, elle deviendra l'Ankou pour devenir importante. Ce personnage représente la mort avec sa faux et qui appelle trois fois avant de faucher la vie.
Pendant des années, Hélène, allias Fleur de Tonnerre va écumer la région en empoisonnant les familles chez qui elle se propose comme...cuisinière.
Commençant par sa propre famille, elle ajoutera à ses fameux plats (gâteaux, soupe) l'arsenic dont personne ne peut échapper.
A l'époque, la médecine n'était pas vraiment au point et Fleur de Tonnerre a exécuté sans pitié plus de 60 personnes.
Mais voilà, malgré l'histoire diabolique et surprenante, malgré l'écriture de Teullé, rabelaisienne à souhait qui donne un certain humour à cette promenade funèbre, ce livre manque de véritable profondeur.
Les explications manquent sur le cheminement de la folie, de l'ignorance et de la solitude qui jalonnent la vie de Fleur de Tonnerre.
Teullé use et abuse un peu trop de langage breton, d'expressions grossières et de toute une série de légendes mises bout à bout.
Il n'en reste pas moins de beaux passages drôles ou très poétiques, curieux comme l'épisode du naufrage ou cocasses comme les  aventures de ces pauvres coiffeurs emportés dans une quête capillaire désastreuse et hallucinante.
Les dernières pages s'ouvrent sur ce fameux procès qui déchaîna les foules, et nous montre Hélène plus accessible dans son humanité. Le lecteur est pris par la fièvre de la vengeance aux Assises en Décembre 1851.
Mais ce ne sont que quelques pages.

mercredi 8 mai 2013

Tatiana de Rosnay : A l'encre russe

En partant sur les traces d'un secret de famille, le héros, Nicolas devient écrivain et signe  un best seller au succès planétaire immédiat. Adapté au cinéma, son oeuvre largement autobiographique, le propulse dans la sphère très prisée des auteurs à succès. L'actrice principale a même obtenu un Oscar.
Conforté par cette superbe réussite littéraire, Nicolas se voit ouvrir les portes de la célébrité et d'un monde très "people" où les apparences suffisent.
Son éditrice lui a aussitôt proposé un fabuleux contrat pour le roman à venir.
Sa vie roule sur l'or et dans  les paillettes et son monde s'ouvre dans le luxe et les étoiles qui tournent autour.
Mais voilà, l'inspiration manque et l'angoisse de la page blanche l'habite depuis plusieurs années maintenant.
Il vit sur une notoriété qui s'essouffle ,il illusionne ses fans, fait croire qu'il est en train d'écrire, a-t-il encore du talent, d'ailleurs ?
Pendant un week-end sur une île italienne, paradisiaque, dans le luxe feutré d'un hôtel cinq étoiles, il va essayer de renouer avec l'écriture mais rien ne se passera comme il le souhaite.
L'histoire peut paraître simple mais le portrait que fait Tatiana de Rosnay du monde de l'édition et des écrivains à succès est impitoyable. 
Le lecteur saura sûrement reconnaître qui se cache derrière certains personnages.
Le secret de famille n'est pas le plus important dans l'histoire, c'est surtout la personnalité de Nicolas qui est détaillée dans sa superficialité, sa suffisance, son ambition, son vide aussi.
Les personnages qui gravitent autour de lui sont tout aussi féroces et égoïstes.
Un livre agréable à lire mais sans plus.

samedi 4 mai 2013

Jean-Philippe Blondel : 06h41

Gare de Troyes, lundi 6 h 41. Elle monte à bord du TGV qui la ramène à Paris après un week-end déprimant  chez ses parents. Elle va retrouver son mari et sa fille. Plus d'une heure pour souffler et se préparer à affronter sa semaine de chef d'entreprise.
Il prend le même train, pour une visite à son seul ami d'enfance qui se meurt d'un cancer. Il est divorcé et a deux enfants, vendeur dans un supermarché.
Elle, c'est Cécile, lui c'est Philippe. La petite cinquantaine tous les deux, il y a trente ans ils se sont connus, aimés puis quittés en très très mauvais termes.
Le pire des hasards les amène à être voisins pour un extraordinaire voyage dans le temps et les souvenirs.
Chacun fait semblant de ne pas reconnaître l'autre. D'ailleurs tous les deux ne sont plus les mêmes, ils sont devenus l'exact opposé de leur jeunesse.
Jusqu'où iront-ils dans l'ignorance de l'autre, dans les faux semblants ?
Dans ce huis clos étonnant, ils vont aller au bout de la mélancolie en faisant revivre leur parcours, leurs ambitions. La confrontation du passé enfoui  à la réalité du présent possède des saveurs douces amères.
L'auteur manie le monologue finement en alternant les voix de Philippe et Cécile. Il parcourt l'intime en disséquant les obsessions et les failles de ses personnages, sondant leurs profonds retranchements.
Blondel possède une plume délicate pour dire la vie humaine, les rencontres, les ratés, les colères, la folle jeunesse qui passe et ce que l'on devient. 
Un livre bref mais intense, troublant par la fin qui s'ouvre sur l'incertitude, laissant ainsi le lecteur décider.
C'est beau.