je veux encore rouler des hanches,

je veux me saouler de printemps

je veux m'en payer des nuits blanches

à cœur qui bat, à cœur battant

avant que sonne l'heure blême

et jusqu'à mon souffle dernier

je veux encore dire "je t'aime"

et vouloir mourir d'aimer

Barbara

lundi 16 septembre 2013

Augusten Burroughs : Courir avec des ciseaux

   

   Augusten Burroughs  nous livre son enfance et son adolescence meurtries et malmenées en racontant les événements crûment, sans émotion ni distance.
      C'est un véritable choc de lecture, et l'auteur utilise une grande dose d'humour et de dérision pour relater les expériences désastreuses qu'il a subies. C'est un chaos total de perversion, une atmosphère glauque dans laquelle aucune construction mentale et physique d'un enfant ne peut advenir.
      Rire pour ne pas pleurer.
      L'auteur revient donc sur son enfance entre une mère lesbienne et complètement folle et un père absent en plus d'être dangereusement alcoolique . A la suite de leur divorce douloureux où rien ne lui est épargné des scènes épouvantables, sa mère le confie à la famille du psychiatre qui la soigne, le docteur Finch.
       Adopté par la famille, il va vivre une adolescence où "le problème c'est que  personne ne lui dira ce qu'il faut faire mais surtout ce qu'il ne faut pas faire".
      Et là, le lecteur pénètre dans un univers encore plus déjanté et psychotique que celui des patients que ce fameux docteur soigne.
      En effet, Finch prône une totale liberté sexuelle pour les enfants et de ce fait livre sa fille de 13 ans à un patient de 40 ans, il entretient des relations intimes avec ses malades,  il offre des cocktails de médicaments à Augusten pour ne pas aller en classe. Et c'est avec son consentement qu'Augusten, à peine pubère, aura sa première expérience sexuelle avec un ancien patient âgé de 30 ans.
      Tout dans cette famille est déjanté et le retour de la mère d'Augusten dans sa vie correspond à  quelque chose d'effrayant d'irresponsabilité.
       Le ton reste pourtant enjoué, et l'auteur ne met aucune distance dans ses propos et dans le ton.
      Le lecteur constate alors que le seul moyen pour lui de survivre et de comprendre, c'est de tout noter dans son carnet, écrire pour ne pas oublier, écrire pour continuer. L'écriture pour continuer.
     Comment les adultes détruisent parfois, abusent sans y prendre garde et comment les enfants essaient de grandir ensuite. 
     Auguten Burroughs dit tout et le dit avec un humour dramatique et un ton qui fait de lui un écrivain remarquable.
      
      
      

vendredi 13 septembre 2013

Véronique Ovaldé : La grâce des brigands

Dans son huitième roman Véronique Ovaldé nous emporte dans la fulgurance d'une vie, celle de Maria Christina fuyant une famille austère et hermétique , entre une mère bigote et folle, un père indifférent frisant l'autisme et une soeur débile et jalouse, pour devenir la secrétaire-maîtresse d'un écrivain flamboyant sur le retour dans la Californie des années 1970. 
Elle a grandi dans le nord canadien, froid et brumeux, à Lapérouse, une ville improbable, dont elle a eu envie très tôt de s'éloigner.
L'obtention d'une bourse d'études lui permettra de s'installer loin sous le soleil et de réaliser ainsi ses rêves de petite fille.
Talentueuse et célèbre grâce à son roman, "la vilaine soeur", le passé la rattrape alors par le coup de fil de sa mère dont elle était sans nouvelle depuis plus de 10 ans.
C'est son voyage de retour vers le grand nord, dans son ancienne maison "rose" qui lui donnera l'émancipation complète  de tous les carcans qui la retiennent encore malgré elle.
A travers la voix d'un narrateur inconnu, originale note littéraire, nous entrons dans la vie d'une jeune fille attachante dans sa volonté de vivre libre. Nous découvrons une jeune femme désabusée aussi, prise au piège d'un écrivain mondain et trop pygmalion mais qui l'aidera  à se réaliser dans l'écriture.
Véronique Ovaldé, dresse le portrait d'une femme avant tout moderne à la limite de la désillusion.
Les réflexions de son héroïne sont pertinentes et drôles et la découverte de la sexualité dans les bras de ce vieil écrivain est à la fois triste et très caustique.
Mais tout est dit dans une phrase peut être la plus importante du livre (enfin pour moi) : "Les livres servent, comme on le sait, à s'émanciper des familles asphyxiantes"
Hommage est rendu ici dans ce livre à la lecture et à l'écriture et c'est très bien.
    

lundi 9 septembre 2013

Claudie Gallay : Une part de ciel

Il y a Carole, Philippe et Gaby, frère et soeurs éloignés par la vie, par le choix aussi de Carole de partir, il y a 10 ans, de quitter Val de Seuls, hameau situé près du parc de la Vanoise.
Trois semaines avant Noël, elle revient parmi les siens, attendre leur père. Signalant à chaque fois son retour d'escapade par l'envoi d'une boule enneigée,  ils se retrouvent là comme avant, comme le faisait leur mère à attendre le retour du père prodige. Des boules enneigées, symbole d'une fin d'abandon, l'impression que tout va reprendre sa place. C'est vrai que la collection de boules est impressionnante !
Comme toujours dans une famille, il y a des choses à raconter, à ressasser, à rappeler. Pour  trouver et se retrouver aussi, en levant les non-dits et l'éternel secret familial littéraire, qui fait du lecteur un ami de ces personnages un peu secoués.
Carole vit à Saint-Etienne tandis que Philippe et Gaby sont restés dans la montagne. Chacun son chemin, sa route et pourtant dans l'attente d'un père toujours sur le départ,  les souvenirs effleurent, l'enfance est loin et le temps a passé, pour qui pour quoi ?
Même si Claudie Gallay nous habitue avec ses personnages au parcours douloureusement difficiles, elle nous émeut toujours par les histoires fortes qu'elle écrit.
Que ce soit le combat pour sauvegarder une région d'un modernisme ravageur ou le rêve de Philippe de baliser le passage d'Hannibal sur son éléphant dans la région, ou de la fidélité de Gaby à Ludo petit voyou, en passant par Carole et sa traduction de la vie de Christo artiste et porte parole de l'art éphémère, le lecteur prend part à la vie de ces hommes et femmes.
Roman de l'intime, il est servi par la plume complexe et douloureuse de Claudie Gallay.
Elle a le talent de taire et de ne pas s'attarder sur ce qui fait souffrir et donne l'importance aux gestes les plus communs.
Toute comme la vie, remplie souvent de rien, parce que trop fait souvent mal.



samedi 7 septembre 2013

Valentine Goby : Kinderzimmer

   Le livre débute dans une classe de lycéens avec l'intervention de Françoise, rescapée du camp de concentration de Ravensbrück. Elle raconte pour que l'oubli n'arrive jamais.
   Mais les souvenirs l'envahissent et elle redevient Mila la résistante, toute jeune femme, arrêtée en 1944 et mise dans un train avec 400 autres. Passionnée de musique et enceinte, elle arrive au camp et découvre l'innommable, l'inconcevable.
   Le quotidien est décrit, dépouillé, détaillé dans les plus petits gestes de survie de Mila et de ses compagnes d'enfer.
   Les mots frappent, happent, salissent pour dire la violence, la peur, la faim, le froid, les coups. De l'Apppell à 3 h 30 dans la nuit, la glace, la neige au coucher dans des châlits grouillant de  la pire des vermines, Mila découvre une nouvelles existence, apprend un nouveau vocabulaire, des codes qu'aucune civilisation ne pourra jamais écrire.
   La solidarité, infime et fragile, réchauffe et permet de rêver, la Marseillaise murmurée et les recettes de cuisine récitées sur le ton d'un humour désespéré permettent à ces femmes la traversée de l'horreur.
   Mila accouche et découvre la Kinderzimmer, la chambre des enfants. Dans un autre lieu, un autre temps c'est l'évocation de tendresse, d'amour et douceur infinie. Ici, Mila est confrontée à  l'autre réalité, celle du camp, des bébés de trois mois pas plus, ils sont vieux déjà, à bout et en manque de tout.
   Avec cette naissance, c'est un peu de la normalité d'avant qui entre dans le camp, un espoir ténu.
   L'écriture de Valentine Goby est remarquable, elle prend le lecteur par la main et lui dit regarde, c'est toi Mila.
   Avec elle, nous apprenons la langue du camp, les mots pour décrire l'abject, la façon de se tenir droite pendant l'Appell et chantonnons aussi pour vivre. Nous sentons, suffoquons les effluves    crasseuses et morbides.
   L'expérience est dure, elle râpe, elle brûle. Le livre devient par ce jeu de syntaxe brillant, ces mots scandés, ces descriptions sans concession, une aventure littéraire.
   Le camp vu par des femmes, par leur corps transformés et mutilés.
   Difficile et impitoyable témoignage où l'oubli ne peut advenir.