je veux encore rouler des hanches,

je veux me saouler de printemps

je veux m'en payer des nuits blanches

à cœur qui bat, à cœur battant

avant que sonne l'heure blême

et jusqu'à mon souffle dernier

je veux encore dire "je t'aime"

et vouloir mourir d'aimer

Barbara

mercredi 26 février 2014

Ian McEwan : Opération Sweet Tooth

Ian McEwan possède un talent incontestable pour distiller dans ses romans un souffle intimiste où l'ambiguïté règne parfaitement dans une humanité aux prises avec ses abîmes et ses doutes.
Dans cet époustouflant roman, il nous sert en plus, une page d'Histoire, celle de l'Angleterre des années 1970, en pleine dépression culturelle et sociale où la guerre froide exacerbe le monde politique.
Avec un humour féroce, il raconte les débuts de Serena,  étudiante très  brillante juste diplômée de Cambridge, recrutée par le fameux MI5, service très secret de sa Majesté. Belle, sensuelle et surtout lectrice avide et gourmande, Serena veut croquer la vie et les hommes. 
Elle se verra confiée une mission, appelée opération Sweet Tooth qui a pour but de soutenir et financer des écrivains aux idées non communistes.
Serena doit se rapprocher de Tom Haley, écrivain prometteur dont elle tombe amoureuse.
Ce livre foisonnant et captivant possède différents niveaux de lecture.
L'auteur par son style égale les grands romans d'espionnage tels ceux de Ian Fleming ou John le Carré et place son récit dans une Angleterre meurtrie par une crise économique et qui voit l'Irlande entrer dans un conflit sanglant. Londres pullule d'espions et le terrorisme éclate, mensonges et trahisons se succèdent alors que la création artistique n'a jamais été aussi flamboyante.
Le monde assiste à son prodigieux changement.
Si le livre s'inspire de faits réels, ceux du recrutement volontaire ou pas par le MI5 d'intellectuels afin de dénoncer les idées communistes, il devient un vibrant hommage à la littérature, à la lecture, à l'écriture et surtout à la création littéraire, au rôle de l'écrivain et à la force des livres.
C'est aussi une vibrante passion amoureuse que l'on découvre en épiant les personnages.
Le lecteur a dans ce livre, un rôle important et c'est toute la finesse et l'intelligence de Ian McEwan qui dans les dernières pages nous donne une leçon époustouflante de lecture.
La fin est grandiose et à l'instar de ces héros, l'auteur a réussi à nous manipuler façon MI5.
Bravo !

vendredi 14 février 2014

Nadeem Aslam : Le jardin de l'aveugle

Nadeem Aslam, écrivain d'origine pakistanaise est âgé de 47 ans et vit en Angleterre. Ces romans sont toujours empreints d'une poésie riche et sensible. Il raconte avec douleur et beauté son pays et ses idéologies  à travers des personnages attachants portés par l'amour et la compassion pour un monde de cendres.
Son troisième roman se situe après les attentats du 11 septembre où en Afaghanistan et au Pakistan, vont s'affronter dans la haine et la violence musulmans intégristes et modérés et les américains qui voient des ennemis partout, aidés par les seigneurs de guerre motivés par l'argent.
Guerre sainte ou djihad c'est avant tout une tragédie où règnent la corruption, l'oppression faite aux femmes, l'idéologie extrémiste et où les intérêts  financiers et économiques très complexes nous dépassent.
Emportée par cette violence quotidienne, la famille de Rohan est victime à son tour  de l'intolérance qui jaillit dans chaque camp. 
Dans ce qui fut son jardin du paradis, dans sa maison, le vieux patriarche perd doucement la vue et se souvient de sa femme disparue et de sa propre intransigeance.
Directeur d'une école qu'il voulait libre et ouverte, il s'est vu démis de ses fonctions à l'arrivée des talibans.
Son fils, Jeo, étudiant en médecine, se rend en Afghanistan avec Mikal son frère de coeur, pour aider les musulmans victimes de la guerre. Leur passé commun est rempli d'émotions, de couleurs, d'idéal, mais aussi meurtri par l'amour  de la  même femme, celle de Jeo.
Le talent de conteur de l'auteur bouleverse le récit et rend plus intense les scènes insoutenables de guerre et de violence.
Dans ce coin du monde où toute la beauté a été ravagée par les hommes, de belles rencontres demeurent.
Comme ces femmes qui luttent malgré tout et relèvent la tête, fières, parce qu'elles sont les premières à mourir dans cette guerre.
Ces hommes qui traversent l'Histoire,  si dérisoires face à eux mêmes.
La poésie  est à couper le souffle dans les détails d'une nature  plus forte que tout , dans les couleurs du jardin de Rohan, dans les odeurs des fleurs.
L'intrigue est dense et les rebondissements multiples, il en reste un cri de douleur et d'amour de l'auteur pour son pays en souffrance.



vendredi 7 février 2014

Edouard Louis : En finir avec Eddy Bellegueule

Edouard Louis, 21 ans élève de l'Ecole Normale Supérieure, signe ici son premier roman. 
Dans un témoignage troublant et émouvant, il raconte son histoire, vraie, celle du rejet d'un jeune homosexuel, lui , dans son village de Picardie profonde.
Grâce au théâtre et à la littérature, il prendra son envol loin de son milieu social et brisera ainsi le déroulement de vies misérablement semblables de génération en génération.
La question que pose Edouard Louis dans ce livre, c'est : "les lois de la reproduction sociale sont-elles inébranlables ?"
Alors sans juger, il dit et raconte une fiction vraie et bouleversante. Le récit puise sa force et sa véracité dans la construction littéraire faite de l'analyse et du style de l'auteur. C'est tout le talent d'un écrivain remarquable.
Issu d'un milieu très modeste, son père est au chômage et sa mère auxiliaire de vie, des frères et soeurs, Eddy par le regard des autres d'abord apprend sa différence, ensuite au plus profond de lui, quand son corps confirmera ses désirs, il s'en ira.
Son attitude maniérée, sa démarche délicate, son physique trop fin et ses goûts le mènent à un bannissement lent et inévitable.
Battu, haï, méprisé, humilié, il vit une adolescence sans concession, où le mépris de lui et de ce qu'il ressent, le jette dans un monde sans pitié.
Edouard Louis analyse une France, que l'on pensait celle de Zola, une France basique qui n'aime pas les pédés et le clame avec fierté parce que c'est ça être un homme, un dur, un vrai mec ! 
Les filles deviendront caissières, vendeuses, coiffeuses comme leur mère ou mieux enceinte à 17 ans, elles pourront alors ressasser les erreurs commises pour en arriver là.
Mais, elles n'ont pas fait de bêtises, c'est juste qu'elles n'avaient pas le choix. Toute leur vie a été construite pour prendre cette trajectoire. Imparable.
L'auteur raconte les soirées au café où il faut être bourrés, l'école haïe parce que c'est pas être un dur, l'usine qui attend toutes les générations, la télé regardée des journées entières,le foot symbole de gloire mais aussi le manque de culture et d'ouverture d'esprit.
Et puis dans un style admirable, l'auteur alterne deux langages comme deux mondes dissociés à jamais.
La langue de son enfance, en italique, violente, absente de douceur, sans mot et celle du jeune homme brillant et sensible qu'il est devenu.
Cette confrontation de vocabulaire accentue la force et la douleur qui ont du être les siennes pendant des années où il a essayé d'être comme eux, un dur, pour ne pas souffrir.
Un livre qui chavire parce que l'histoire est celle d'un jeune homme du 21 ème siècle, un livre qui brise parce que la douleur d'être différent a été vécue et qu'elle l'est encore de nos jours.
Une écriture maîtrisée, un style remarquable et une histoire loin, bien loin des biographies aux clichés tapageurs.