je veux encore rouler des hanches,

je veux me saouler de printemps

je veux m'en payer des nuits blanches

à cœur qui bat, à cœur battant

avant que sonne l'heure blême

et jusqu'à mon souffle dernier

je veux encore dire "je t'aime"

et vouloir mourir d'aimer

Barbara

lundi 16 juin 2014

J.M.G. Le Clézio : Tempête

Novella, un très joli terme italien apprécié particulièrement par les anglo-saxons , et un genre littéraire choisi par  Le Clezio pour raconter deux histoires très intenses.
Entre la nouvelle et le court roman, notre Prix Nobel de Littérature nous emmène au confins de l'âme, si les questionnements se succèdent , il sait nous transmettre une chose importante :" Nous ne sommes que de passage, alors soyons humbles."
La première novella donne le nom à l'ouvrage, Tempête, et se passe sur une île au nord de la Corée.
Là-bas des femmes perpétuent une tradition très dure, celle de plonger en apnée, pour pêcher coquillages et poulpes.
Un travail qui leur est réservé puisque les hommes ne plongent pas.
Kyo, un ancien photographe de guerre, se réfugie sur l'île, hanté par le passé.
Il a été témoin d'un viol pendant la guerre par des soldats et il n'a rien fait pour l'empêcher.
A quoi sert de témoigner, d'écrire quand on n'intervient pas dans un épisode de violence ?
Traînant sa culpabilité, Kyo va renaître à la vie et l'espoir grâce à la compagnie d'une petite fille, June, dont la mère est plongeuse.
Fille sans père, il sera pour elle, la tendresse et elle deviendra pour lui la réponse à ses doutes et la renaissance pour continuer la vie.
Dans la deuxième novella, une femme sans identité, Le Clézio donne la parole à une petite fille qui se découvre adoptée et qui vit un exil douleureux après le retour d'Afrique avec ses parents.
Un long monologue, sur l'identité, la place de la vérité dans la vie et où le témoignage de l'enfant illumine le récit.
Les deux  novellas en nous faisant traverser les tempêtes de l'âme nous délivrent des messages d'espoir et de renouveau.
Lire Le Clézio, éternel voyageur,  c'est lire le monde et ça fait du bien.

vendredi 13 juin 2014

Bret Easton Ellis : Zombies

13 nouvelles composent ce recueil qui exprime par son ton incisif et brutal,  tout l'univers de Bret Easton Ellis.
Un style qui percute et bouscule, entre vie et mort, les personnages traînent dans un vide affectif et social sidéral.
La brièveté et le concentré des histoires permettent de ne pas se perdre dans la lecture  et de rester attentif aux nuances que l'auteur distille.
Un monde, celui qu'affectionne Ellis depuis toujours, où l'illusion n'existe même plus et où le désenchantement devient permanent.
Des héros, qui s'appellent presque toujours Brenda ou Bruce, interchangeables et pathétiques, dans une vie où rien d’intéressant  ne peut arriver et qui perdent les derniers repères de leur vie.
Ennui, fric, sexe, vodka et lexomil occupent les journées de ces Zombies dépressifs.  Leurs conversations  inlassablement toujours au bord d'une piscine de maisons cossues, dans des îles paradisiaques ou à bord de voiture de luxe peuvent lasser, mais le lecteur rentre ici dans un univers sans issu, et on est mal à l'aise.
Si la violence est absente de ces récits, et qu'au fond il ne se passe rien, Bret Easton Ellis nous livre à travers ses lignes l''origine de son oeuvre.
Il y a aussi beaucoup d'humour et l'écriture résolument nouvelle et syncopée marque son style.
Malgré des détails souvent glauques et des personnages au bord de tous les gouffres ou peut être à cause de tout ça, c'est une lecture qui ne laisse pas indifférent.
Ces nouvelles permettent de découvrir et d'appréhender l'univers complètement déjanté et perdu de Bret Easton Ellis.


mardi 10 juin 2014

Ito Ogawa : Le restaurant de l'amour retrouvé

Dans son roman au titre un peu désuet, "Le restaurant de l'amour retrouvé", Ito Ogawa ne raconte pas une histoire d'amour.
Son héroïne, Rinco, a été abandonnée par son ami indien et découvre le soir leur appartement complètement vide.
Ce choc lui fait perdre la voix. Elle décide alors, n'ayant pas d'autre possibilité, de retourner vivre chez sa mère, dans sa province natale. Une femme qu'elle ne voit plus depuis 15 ans.
Excellente cuisinière, Rinco va ouvrir un restaurant à côté de la maison familiale. Pour elle, cuisine et bien être vont ensemble.
Après un entretien avec les clients, Rinco élabore pour eux un repas adapté à leurs besoins qui va leur apporter des choses surprenantes.
A la manière d'un conte japonais, ce roman contient beaucoup de douceur et de délicatesse.
Si l'histoire est un peu prévisible et la narration très simple, elle ne bascule pas pour autant dans le désespoir larmoyant et laisse le lecteur baigner dans une atmosphère magique pleine de poésie.
L'auteur rend un bel hommage à la cuisine japonaise, où les descriptions gastronomiques mettent l'eau à la bouche du lecteur. Les odeurs des herbes fraîchement coupées nous invitent à une balade dans la campagne, la viande grillée nous parvient avec les odeurs d'épices ainsi que le fumet de la soupe qui cuit doucement.
C'est un roman sympathique,  un brin trop doucereux à mon goût, mais qui dégage une telle gentillesse de la part de son héroïne, que l'on passe un bon moment de lecture.
La scène finale avec le cochon est une véritable surprise de violence et aussi d'amour intense.
C'est à l'image des romans japonais où la poésie la plus épurée côtoie une certaine brutalité.
Enfin, ce livre nous parle de valeurs comme l'amour, le retour, le pardon, la solidarité, et ça fait du bien aussi.
Et puis si on pouvait trouver l'épice, l'ingrédient magique pour adoucir la vie et les cœurs ? pourquoi pas ?

lundi 9 juin 2014

J. Robert Lennon : Mailman

Avec son premier roman traduit en France, J. Robert Lennon nous invite à suivre les péripéties très ordinaires mais très perturbées d'Albert Lippincott, un anti-héros pour qui l'insignifiant est source d'une véritable inquiétude et qui passe à côté de la quintessence de la vie.
Il avait pourtant bien commencé, Albert. Alors qu'il devenait un brillant étudiant en chimie, il est pris d'une envie brûlante et psychologique grave, de mordre l’œil de son  professeur.
Interné en psychiatrie, ce grand malade atteint  de névrose galopante va épouser l'infirmière et se reconvertir en facteur à sa sortie de l'hôpital.
En 2000, devenu Mailman, il est divorcé, vit seul, fait quelques rencontres et aime avant tout se plonger dans la lecture du courrier qu'il subtilise à la distribution lors de sa tournée de facteur.
A 57 ans, il plonge inéluctablement dans une débâcle profonde tant sur le plan professionnel que personnel et médical. Le lecteur va ainsi le suivre dans sa dernière et mémorable tournée.
Dans des flash-backs surprenants, Mailman nous dévoile sa vie remplie de vide et d'obsessions, où ses tentatives sociales, par eemple une aide dans l'humanitaire ou un rapprochement avec ses parents,  échouent lamentablement.
Il passe à côté de tout, insignifiant, transparent, inintéressant.
Lennon nous raconte avant tout une petite ville de Louisiane, Nestor, semblable à beaucoup d'autres aux Etats-Unis, sublime et pathétique où les habitants s'abîment dans un superflu dérisoire.
Une ville où la solitude et l'apparence ravagent les êtres quand ils sont trop fragiles, ne leur donnant aucune chance de s'en sortir. Une certaine image de l'Amérique.
Une écriture savoureuse qui réussit à nous rendre sympathique cet homme  vide de tout, qui attire les ennuis et qui tout au long du livre, cache son mal être et reste au bord de sa folie.
Utilisant un ton noir humoristique, nous comprenons les fêlures de cet homme et le plaignons.
Un livre qui choque par la démence qui rode, par la folie ordinaire de ce facteur, par la solitude de cet homme qui n'a fait que rater sa vie.
Malgré ses presque 700 pages, ce livre ne se lâche pas et l'on souhaite tendre la main à ce héros décalé dans sa vie.