je veux encore rouler des hanches,

je veux me saouler de printemps

je veux m'en payer des nuits blanches

à cœur qui bat, à cœur battant

avant que sonne l'heure blême

et jusqu'à mon souffle dernier

je veux encore dire "je t'aime"

et vouloir mourir d'aimer

Barbara

vendredi 27 novembre 2015

Marisha Pessl : Intérieur nuit

     Sept ans après son premier et talentueux roman (La physique des catastrophes), Marisha Pessl revient avec un nouveau registre, celui du thriller. Tous les ingrédients sont là. Suspens, mystère, rebondissements à n'en plus finir. 
     Scott est un reporter sur la touche depuis sa dernière interview en 1979, du maître du film d'horreur, le réalisteur Cordova où il a été piégé dans ses informations. 
     Mythique et très diabolique, Cordova  ne livre rien de sa vie très privée. Ses films parlent pour lui et dans ce domaine , ses fans ont beaucoup d'imagination.
     Le suicide de sa toute jeune fille, Ashley, pianiste surdouée, donnera l'occasion à Scott de savoir qui est véritablement Cordova, quels étaient les rapports entre le père et sa fille, et que devient le réalisateur, où est-il ?
      Aidé par deux jeunes qui ont vu Ashley quelques jours avant sa mort, il va mener dans les profondeurs d'une enquête qui les obligera à se dépasser.
     Ecrit de façon très cinématographique, l'auteur a fait beaucoup de recherches sur le cinéma, sur la magie.
     Le roman est dense et ressemble à une quête où chacun va se découvrir, et où le malaise persiste jusqu'à la fin dans la recherche de Cordova.
     L'originalité de ce roman initiatique et rempli de mystère, tient dans les pages de documents officiels, extraits de site internet qui mène le lecteur à suivre l'enquête en rendant les personnages réels.
     Peut être un peu trop long, trop de rebondissements aussi qui repoussent à chaque fois la découverte de la vérité et beaucoup de mots en italique mais il faut reconnaître que ça ne gêne pas. La construction littéraire est intéressante.
     Un thriller romanesque à l'humour noir qui frôle le fantastique de façon très sophistiquée.
     Et puis il y a New-York, ville sublimée remplie de délires et de fantasmes, qui nous fait vibrer tout au long de ce récit.
     A lire comme une expérience.
Marisha Pessl - Intérieur nuit - traduit de l'anglais (américain) par Clément Baude - Editions Gallimard - 720 pages - 24.90 Euros




lundi 23 novembre 2015

Tobie Nathan : Ce pays qui te ressemble

Egypte 1925: l'orient immémorial possède encore un goût de rêves et de magie et le Caire est la ville de tous les possibles, de toutes les cultures.
Les communautés se côtoient dans la fierté de leur différence et le respect de chacun. Juifs et Musulmans ensemble, Egyptiens d'abord.
Egypte 1956 : l'islamisme radical des Frères Musulmans sonne la fin des espoirs et les Juifs sont chassés d'Egypte.
Aujourdh'hui, Zahor donne la voix à ce récit bouillonnant et truculent qui nous raconte à travers sa vie de petit juif du vieux ghetto du Caire, l'histoire étonnante de ses parents mais aussi ses rencontres avec des personnages qui l'ont marqué.
Entre le conte oriental envoûtant, rempli de superstitions, de prières magiques, et l'Histoire du pays pendant la guerre mondiale, le lecteur est pris par une lecture très colorée et nostalgique.
Zahor, dont les parents ont formé un couple improbable, lui aveugle à la mémoire phénoménale et récitant le cantique des cantiques et elle un peu possédée, s'est vu confié à une nourrice musulmane dès sa difficile naissance.
Entre jeteuses de sort et pouvoirs des fétiches, il grandit dans le souvenir de sa soeur de lait Masreya.
Les aventures de la vie vont les faire se retrouver, s'aimer, d'un amour interdit par le Coran et dont l'exil marquera la fin.
Et puis, l'amitié forte avec ses amis, complices malgré leur divergence,  l'amènera à reconsidérer son destin.
Tobie Nathan nous plonge dans une page très discutée de l'histoire de l'Egype, dans les coulisses de la vie du roi Farouk, dernier pharaon, et de personnages aux destins ravagés.
Entre passé et présent, entre récit vrai et imaginaire, nous assistons à la fin d'un monde qui n'existe plus. 
L'écriture est fluide et malgré quelques longueurs les mots sont puissants et le récit trouve un écho étrange dans une actualité bouleversée.
La dernière page à elle seule résume admirablement bien le livre et fait vibrer d'émotion.
Zahor prononce les mots des exilés, ceux qui un jour sont partis de leur pays, obligés de tout quitter, pour ceux-là : "Si j'ai quitté l'Egypte, l'Egypte ne m'a jamais quitté".
Tobie Nathas - Ce pays qui te ressemble - Editions Stock - 536 Pages -22.90 Euros



vendredi 20 novembre 2015

Christine Angot : Un amour impossible


      Christine Angot revient sur la fulgurante passion amoureuse de ses parents. Ils vont vivre une relation très particulière.
      Années 50, Chateauroux.
     Rachel est secrétaire et issue d'un milieu populaire et campagnard. Pierre, interprète à la base militaire, est un intellectuel et sa famille fait partie de la grande bourgeoisie.
     Ils vivront une passion qui pourtant dès le départ comportent des limites : pas de mariage, "ils appartiennent à des mondes qui ne se mélangent pas". Pas question d'enfant non plus.
     Un amour très pervers fait d'admiration pour la mère et de rejets pour le père, une emprise épouvantable sur Rachel qui mettra des années à s'en sortir.
     A la naissance de Christine, le couple se sépare puis le père reprend contact avec la mère mais ne veut pas reconnaître l'enfant. Quand il le fera ce sera la fin de leur relation. 
      Les visites très perturbantes de son père mais surtout les vacances où il abusera d'elle, abîment la tendresse et l'amour qu'elle porte à sa mère. Une mère qui n'avait rien vu ou ne voulait rien voir.
      Dans son dernier roman, "Un amour impossible", Christine Angot adopte un ton plus retenu pour évoquer, à travers son enfance, l'histoire de ses parents, Rachel et Pierre.
     Exercice difficile. Le roman fictionnel qu'affectionne particulièrement cette auteure crée  souvent beaucoup de polémiques  dans le monde littéraire. Souvent cru, direct, et émotionnellement choquant, il est sans doute le moyen de prédilection pour soigner ses maux.
     En tout cas ici il n'y a pas de confessions déballées inutilement, seule persiste l'émotion et beaucoup de dignité ressort de ces pages.
     L'auteure dresse une très belle analyse de sa relation avec sa mère. Dans une ultime discussion avec elle, faite de rancoeur et de tendresse, elle trace le portrait de son père, manipulateur et dominateur. 
     Si ce n'est pas le roman qui apaise tout à fait, il en prend le chemin et montre aussi de l'auteure un côté très sensible et touchant.
     Et surtout il interroge sur cet amour impossible qui pourtant fait vibrer les coeurs et les corps jusqu'à la souffrance.
Christine Angot - Un amour impossible - Editions Flammarion - 218 pages - 18 Euros
    
     


mercredi 18 novembre 2015

Laurent Seksik : L'exercice de la médecine

     Léna vit à Paris où elle exerce dans un grand hôpital la spécialité de cancérologue. Médecin réputé, elle mène une vie plutôt solitaire, meurtrie par une douloureuse histoire d'amour.
     Elle s'occupe de son père Tobias. Arrivé à la fin de sa vie, il a toujours inculqué à sa fille l'amour de la médecine. Un art et une passion qui se transmettent dans la famille Kotev depuis plusieurs générations. 
     En traversant les époques et les pays du fonds de la Russie à Berlin, en passant par la Provence, le lecteur suit la destinée des juifs d'Europe, éternels fugitifs, éternels maudits.
     Des époques sombres qui montrent combien la barbarie a toujours un visage humain.
     Dans la Russie tsarine, Pavel parcourt la campagne pour sauver des vies. Les juifs sont cantonnés à un territoire et la moindre félure dans le pouvoir entraîne des représailles envers les juifs, coupables de tous les maux. 
    A Berlin, son fils aîné, Mendel, âgé de12 ans poursuit des études que la Russie leur refuse. Le IIème Reich protège et donne la liberté aux juifs.
     Mendel, accompli le rêve de son père en devenant professeur de médecine à l'hôpital de Berlin. Il ne reverra jamais sa famille assassinée dans un pogrom.
     Les nazis au pouvoir l'obligent à se réfugier en provence avec sa femme et son fils, Tobias.
     Tobias ne pourra pas être médecin en raison de  la folie nazie,mais reste ancré en lui ce savoir, cet amour de la médecine à transmettre absolument.
     Léna l'accomplira elle aussi, et l'occasion lui sera donnée de retrouver une partie de la famille restée en Russie, elle aussi médecin dans l'âme.
     Livre étonnant et bouleversant, qui rend hommage à ces hommes et ces femmes qui consacrent chaque jour à soigner, à sauver des vies.
C'est une profonde observation de l'exercice de la médecine, et de la profonde humanité de ceux qui la pratiquent.
     Plusieurs réflexions habitent cet ouvrage intelligent.
     La part du savoir mais aussi son impuissance et ses limites, la transmission et le devoir de mémoire, l'héritage familial comme un fardeau ou comme une force pour entreprendre.
     Et puis l'auteur dans sa profonde sensibilité et la justesse de ses mots, nous met face à l'Histoire en parcourant l'histoire de cette famille juive dans la tempête qui s'est abattue sur l'Europe et qui à travers le temps s'abat sur eux.
     Rester humain, rester vrai c'est le message de ce livre et ça fait du bien.
Laurent Seksik - L'exercice de la médecine - Editions Flammarion - 380 pages -  20 Euros