je veux encore rouler des hanches,

je veux me saouler de printemps

je veux m'en payer des nuits blanches

à cœur qui bat, à cœur battant

avant que sonne l'heure blême

et jusqu'à mon souffle dernier

je veux encore dire "je t'aime"

et vouloir mourir d'aimer

Barbara

dimanche 28 février 2016

Gaëlle Josse : L'ombre de nos nuits

     A Rouen, pour passer le temps entre deux trains, une jeune femme se rend au musée des Beaux-Arts. Elle s'arrête devant le tableau de Georges de la Tour, Saint Sébastien soigné par Irène.            Submergée par l'émotion, elle repense à la passion amoureuse qu'elle a vécue et qui l'a laissée au bord du gouffre.
     Le tableau représente une scène entre ombre et lumière où le regard lumineux et bienveillant d'Irène sur Sébastien et la présence discrète de deux personnes symbolisent silence et profondeur.
     Lunéville, Janvier 1639. Le peintre Georges de la Tour, recherche le silence et l'isolement dans son atelier pour travailler.          C'est dans la chaleur de cette pièce qu'alimente un feu de cheminée, qu'il s'achemine vers son oeuvre dans une rencontre sensuelle. Des souvenirs d'amours clandestines le réconfortent d'une vie trop paisible souvent.
     Laurent, son apprenti doué, découvre les malheurs d'un amour non partagé avec Claude, la fille de son maître, le modèle d'Irène. 
     Ces trois voix vont raconter leur histoire, hors du temps, dans l'espace pictural.
     C'est une traversée du miroir. Un peintre voué tout à son art, allant présenter son tableau au Roi de France, nous livre ses pensées sur la vie au 17ème siècle,  la création artistique et les techniques utilisées. C'est aussi la difficulté de la transmission qui est expliquée ici.
     La jeune femme du musée se souvient de la passion non partagée pour un homme qui a été le plus grand amour de sa vie. 
     Comment peut-on s'abîmer dans une relation qui dès le départ fait souffrir ?
     Dans un style toujours très pur et poétique, Gaëlle Josse, nous décrit la beauté sombre et lumineuse de la passion amoureuse.
     Avec précision, l'auteure nous transporte en d'autres temps et d'autres lieux. Les histoires se croisent avec douceur et finesse.
     Sans nous perdre, nous suivons cette lumière si particulière et fascinante qui éclaire les romans de cette amoureuse des nuances.
Gaëlle Josse - L'ombre de nos nuits - Editions Notabilia - 192 Pages - 15 Euros




mardi 23 février 2016

Hampaté Bâ : L'étrange destin de Wangrin

     Amadou Hampaté Bâ était  ethnologue et  écrivain . Défenseur de la tradition orale en Afrique auprès de l'Unesco. C'est le conteur malien qui prend la parole dans ce très beau roman "L'étrange destin de           Wangrin" pour rendre un hommage éblouissant à son ami.
     Il a écouté son ami lui raconter ses mémoires pour ensuite mettre par écrit son fabuleux destin.
     Wangrin est un personnage insaisissable à la fois agaçant et peu sympathique mais dont les aventures attachent le lecteur. 
     C'est aussi  la vie en Afrique coloniale avec ses injustices et son hypocrisie et aussi  la compréhension de la culture africaine remplie de respect pour la famille avec l'importance de la mère.
     Né dans un famille de chefs, Wangrin, se voit inscrit dans l'école des otages, institution coloniale permettant ainsi  de surveiller les tribus.
     Intelligent, il en sort major et devient instituteur. Rusé et ambitieux, il est nommé interprète auprès de l'administration coloniale et se rend indispensable.
     Son but est d'obtenir plus de pouvoir et devenir très riche. 
     Il va passer sa vie à arnaquer le monde. D'abord les colons blancs qui veulent s'enrichir mais aussi ses compatriotes.
     Les escroqueries et les tromperies le mèneront dans des situations très délicates et compliquées où il finira lui aussi par se faire avoir à son tour.
     Mais l'histoire de Wangrin c'est aussi celle de la connaissance de l'être humain. Wangrin possède à jamais la culture africaine mais il acquiert la culture européenne qu'il utilise intelligemment.
     Racontée à la manière des griots maliens, la vie de Wangrin est bourrée d'anecdotes truculentes et d'aventures extraordinaires.
     Rythmée comme les contes africains, l'écriture est merveilleuse et Hampaté Bâ nous transporte dans une Afrique mystérieuse où soufflent magie et sorcellerie.
     Hampaté Bâ avait déclaré : "En Afrique, quand un vieillard meurt, c'est une bibliothèque qui brûle".
     L'auteur rend ici un hommage à son ami et donne à jamais à la tradition orale en Afrique sa plus grand valeur.
Hampaté Bâ - L'étrange destin de Wangrin - Editions 10/18 - 365 pages

dimanche 14 février 2016

Jean-Marie Laclavetine : Et j'ai su que ce trésor était pour moi

     "Et j'ai su que ce trésor était pour moi" est un très élégant roman sur la passion amoureuse, celle de l'amour et de la littérature. De temps en temps ça fait du bien de se laisser envelopper et caresser par les mots d'un écrivain enchanteur tel que Jean-Marie Laclavetine.
      Dans une chambre d'hôpital, la nuit, Marc tient la main de Julia. Elle est dans le coma. Un ordinateur coincé sur ses genoux, il lui raconte des histoires pour tenter de la réveiller.
     C'est l'histoire d'amour de Marc, la cinquantaine, écrivain renommé avec la belle Julia, toute jeune écrivaine.
     Elle lui a remis son premier manuscrit lors d'une soirée, le coup de foudre et la folle envie de se revoir.
     Ils vont se revoir, s'aimer et conclure un pacte. A chaque fois qu'ils se voient à tour de rôle, ils doivent inventer une histoire et l'écrire. Mais Julia est mariée.
      Ses absences deviennent une souffrance à couper le souffle pour Marc, le vieux tigre. Jusqu'au jour où il décide de savoir...et de ce fait nous aussi.
Jean-Marie Laclavetine a la manière la plus belle pour faire de cette femme dans le coma, une belle endormie et de cette chambre aux lueurs vertes des appareils de contrôle un palais des mille et une nuits.
     Le lecteur est envoûté et écoute lui aussi ces récits d'aventures et d'amour remplir la nuit d'hôpital. 
     De multiples histoires se bousculent et se mêlent, Marc change parfois la fin, les personnages se retrouvent dans plusieurs histoires, les prénoms se répercutent. On est perdu et puis on retrouve le rythme, l'envolée, la bulle littéraire magique et bienveillante. On guette le réveil de la belle aussi.
     Au milieu de ces histoires , certaines sont paisibles d'autres troublantes et vives, Marc nous raconte son histoire d'amour. Et c'est beau.
     La littérature pour guérir, pour aimer,  c'est un beau thème. Le tourbillon de récits est bien mené et attache le lecteur dans une fiction qui rattrape la réalité. La plume de Laclavetine, poétique et malgré tout pleine d'humour, nous enchante.
     J'ai beaucoup aimé, le "je commence" du début et le "je commence" de la dernière phrase. C'est beau. On perçoit une non-fin. Le titre est mystérieux aussi mais devient évident.
     Une envolée d'histoires, des mots qui nourrissent, ne vous privez pas, lisez le.
Jean-Marie Lacalvetine - Et j'ai su que ce trésor était pour moi - Editions Gallimard - 288 Pages
      
        







vendredi 12 février 2016

Olivier Adam : La renverse

       Installé depuis 10 ans en Bretagne, le narrateur, Antoine vit en solitaire. Il a voulu fuir son passé en quittant ses parents et la maison familiale d'une petite ville de province près de Paris.
       Dans sa fuite, il a laissé derrière lui le scandale qui a fait exploser son quotidien.
      C'est justement son passé qui lui revient à l'heure des informations dans un café. Il apprend la mort par accident de JF Laborde.  Le sénateur-maire et ancien ministre avait été éclaboussé par une sombre histoire politico-sexuelle.
     La mère d'Antoine était à l'époque adjointe aux affaires scolaires, nommée par Laborde elle était aussi sa maîtresse.
     Tous les deux sont accusés de viols sur deux jeunes femmes dans les locaux de la mairie.
     JF Laborde construit sa défense faite de manipulation et de menace et s'en sortira blanchi. 
     Pourtant de révélations intimes en révélations sordides, l'affaire s'étale à la une de tous les journaux et enflamme la commune. L'enquête met à jour certaines vérités sociales dérangeantes pour toutes les familles.
         Son père est un homme mutique, froid, témoignant peu d'amour pour Antoine et son jeune frère, Camille. Par contre il voue pour sa femme une indéfectible adoration.
     La mère d'Antoine joue sur les apparences, sur son statut de petite bourgeoise. Sa relation avec le maire lui a permis d'obtenir un emploi très en vue dans la commune. Méprisant les autres, elle multiplie les absences à la maison et montre le visage d'une femme à l'égoïsme monstrueux.
     Mais en apparence la famille ressemble à une famille modèle.
     Antoine revient ainsi sur les lieux de son enfance ravagée afin de comprendre comment sa famille en est arrivée là  et obtenir des explications aux silences et non-dits de ses parents.
     Comme un revenant, Antoine entreprend le chemin inverse. Les souvenirs qui le hantent vont lui permettre, non pas d'avoir des réponses à tout ,mais de pouvoir continuer son chemin vers la lumière et la vie.
     Dans son dernier opus, Olivier Adam donne la parole à un personnage fragile, taciturne et sombre, à la dérive de la vie. C'est l'histoire d'une fuite en avant ou comment se reconstruire quand on a rien vu venir et que le monde s'effondre.
     Malgré une histoire sombre souvent glauque, l'auteur nous offre une Bretagne magnifiée et l'on sent son amour pour ces paysages.
     Les personnages sont attachants, enfants bafoués par des adultes hypocrites et égoïstes.
     Avec une plume rapide, un style direct, Olivier Adam nous sert un livre émouvant et un récit touchant.
Olivier Adam - La renverse - Editions Flammarion - 268 Pages - 19 Euros

mardi 9 février 2016

Philippe Claudel : L'arbre du pays Toraja

     L'arbre de Toraja se trouve en Indonésie, sur l'île de Silawesi, et c'est une sépulture. Dans son tronc est creusée une cavité qui recueille la dépouille d'un jeune enfant. Ensuite la tombe va être fermée en mêlant branchages et lianes. Ainsi, l'arbre se referme et garde le corps pour mieux continuer à s'élever et vivre.
     Belle et sombre métaphore qui donne à la construction du livre de Claudel, un souffle d'une grande beauté et nous fait retrouver ici le style de l'auteur que nous aimons tant.
     Le narrateur revient d'un voyage au pays des Toraja. Cinéaste, la cinquantaine, il travaille sur le scénario d'un prochain film, La fabrique intérieure.
     La mort de son meilleur ami et éditeur, Eugène, le choque profondément et le plonge au coeur de lui-même, le conduisant à des réflexions profondes sur l'existence même.
     Il s'interroge sur la vie, sur les corps qui vieillissent, la maladie qui dégrade, la mort qui surgit et fait disparaître les êtres aimés.
     Comment peut-on continuer ?
     Cherchant à comprendre l'apparition de la maladie sur un corps, il rencontre une jeune femme médecin, Elena qui devient l'illumination de sa vie.
     Malgré leur divorce, il est resté très proche de son épouse Florence.
     Deux femmes dont les portraits restent une lumière dans son existence.
     Au coeur de ce livre, Claudel nous entraîne dans des méditations profondes et obsédantes : la mort, l'engagement amoureux. Malgré ses thèmes sombres, le livre reste un chant à la vie et à l'amour, surtout l'amour.
     Comment faire face au temps qui passe, aux êtres qui s'en vont, que restent-ils de nous ?
     Les phrases sont fluides, longues et magnifiques. Claudel mêle passé et présent pour nous montrer l'inéluctable.
     Les sentiments sont décortiqués avec pudeur et sincérité.
     Un très beau livre que l'on a envie de reprendre, pour retrouver les mots, le style de cet auteur de talent qu'est Philippe Claudel.
     Pour ne citer qu'un seul passage : "Poursuivre sa vie quand autour de soi s'effacent les figures et les présences revient à redéfinir constamment un ordre que le chaos de la mort bouleverse à chaque phase du jeu. Vivre, en quelque sorte, c'est savoir survivre et recomposer".
Philippe Claudel - L'arbre du pays Toraja - Editions Stock - 216 Pages - 18 Euros