je veux encore rouler des hanches,

je veux me saouler de printemps

je veux m'en payer des nuits blanches

à cœur qui bat, à cœur battant

avant que sonne l'heure blême

et jusqu'à mon souffle dernier

je veux encore dire "je t'aime"

et vouloir mourir d'aimer

Barbara

vendredi 25 mars 2016

Isabelle Bunisset : Vers la nuit

     Isabelle Bunisset nous livre un premier roman très original et fouillé. Spécialiste de Céline, elle plonge le lecteur dans l'âme noire et funeste de l'auteur le plus décrié de son temps,  pour son dernier voyage au bout de sa plus longue nuit, celle de sa mort.
   Dans sa chambre à Meudon , le 30 juin 1961, Céline termine son "Rigodon", testament littétaire pour Gallimard.
     Entouré de son amour de danseuse, Lucette, de ses chats et de ses chiens, il entame un long monologue intérieur pour raconter la dérision d'une vie, l'amour de la littérature et surtout du style.
     On retrouve cette fameuse petite musique que le style sait nous faire entendre.
     Acculé dans ses convictions les plus haineuses, il interpelle et règle ses comptes avec les hommes, tous les hommes qui n'ont pas reconnu son talent.
     Vivant à peine de son travail de médecin, il reste pourtant fier de ses opinions, des combats menés même si l'innocence a été perdue.
     Le lecteur se partage entre compassion pour cet homme qui a connu son heure de gloire et qui ensuite s'est retrouvé conspué et qui maintenant est seul et aversion devant l'auteur illustre pour son discours et ses positions antisémites qu'il proclame toujours.
     L'auteur nous fait lire du Céline, à la première personne, on entend sa voix, ses mots en excès, sa rancoeur, son ton geignard. Oui l'homme avait du style et il s'anime quand il en parle.
     Isabelle Bunisset a écrit du Céline, c'était osé pour un premier roman, et au début la lecture nous surprend. On doute, et puis on lit.
     Très réussi, très érudit. La lecture est alerte et nous fait découvrir les grands moments de la vie de Louis Ferdinand.
Isabelle Bunisset - Vers la nuit - Editions Flammarion - 15 Euros - 144 Pages

mercredi 23 mars 2016

Pierre Assouline : Golem

     Avec un titre symbolique, Golem, et une quatrième de couverture qui promet une intrigue policière sur fond d'étrange opération chirurgicale, le dernier roman d'Assouline a tout d'une excellente lecture.
     Gustave Meyer, le héros est un vieil homme souffrant de maux de tête récurrents et d'épilepsie. C'est aussi un homme solitaire et un grand joueur d'échec, reconnu sur les échiquiers internationaux.
     Son neurologue et ancien camarade de classe, l'a opéré pour ses problèmes de santé et le suit régulièrement.
     En sortant de son cabinet, la police lui apprend la mort de sa femme et le soupçonne d'être le meurtrier.
     Quand il comprend que son ami lui a fait une mystérieuse opération, Meyer ne voit pas d'autre solution que de fuir .
     Le récit nous emporte sur ses traces en Europe Centrale où le héros va tenter de comprendre son état et d'apporter des réponses aux transformations de son âme.
     La première partie, la plus longue, est la plus  prenante et la plus convaincante. Le meurtre de l'épouse de Meyer, une femme qui ne cesse de dénoncer les magouilles des laboratoires, les recherches sur l'intelligence artificielle, sur l'homme qui devient un sorcier médical nous montre un monde où l'actualité rattrape la fiction.
     La seconde partie du roman,  nous perd dans une recherche d'identité, d'origine et d'Histoire, un peu trouble. Le récit devient alors une longue réflexion sur la transformation de l'homme par une nouvelle intelligence artificielle et le mythe du Golem, source de la tradition juive, revu et corrigé par des points de vue modernes.
     Dommage, si le texte reste d'une construction et d'une érudition irréprochables, la lecture est rendue difficile par beaucoup de références historiques, par des messages et on a du mal à savoir où veut en venir l'auteur.
     Peut-être l'accumulation de situations, d'explications scientifiques et beaucoup de mystère, empêche de croire aux personnages.
     Une re-lecture ? 
Pierre Assouline - Golem - Editions Gallimard, Blanche - 272 Pages - 19 Euros

mercredi 9 mars 2016

Louise Erdrich : Le pique-nique des orphelins

     Louise Erdrich est la voix de la culture et de la littérature amérindienne, tout comme Toni Morrison l'est pour la culture afro-américaine.
     Porte parole et auteure reconnue, Louise Erdrich défend et met en lumière la vie et les destins de ces indiens d'Amérique dont est issue sa mère et explore toujours les conflits entre indiens et blancs dans ses romans.
     Aujourd'hui la collection Terres d'Amérique d'Albin Michel, nous offre une nouvelle traduction pour ce deuxième roman de l'auteur paru en 1986. Une réédition de grande qualité  qui nous permet de découvrir encore une fois cette grande auteure.
     L'histoire débute à Minneapolis dans les années 30 avec une chronique familiale de plus de 40 ans à travers les destins épiques de trois orphelins et par les voix de personnages très particuliers qui se font écho dans le récit.
     En 1932 après la grande crise, une femme Adélaïde, se retrouve seule à la rue avec ses trois enfants. Son amant et père de ses enfants, vient de mourir. Il était marié et a toujours entretenu cette double vie.
     S'abandonnant à un coup de tête, elle abandonne sa progéniture dont le dernier est un bébé, lors d'une fête foraine pour suivre un bel aviateur.
     C'est sur un douloureux et dramatique abandon que va se nouer une intrigue remplie de secret toute particulière et qui nous tient en haleine pendant tout le livre.
     Mary et Karl les deux aînés vont voir leur chemin se séparer. Le bébé est enlevé et adopté par un couple en manque d'enfant.
     Mary retrouve sa famille à Argus et tiendra la boucherie de sa tante maternelle, Karl continuera seul et affrontera un univers où l'amour de sa mère sera pour lui une perpétuelle douleur.
     Trois enfants au prise avec le monde, trois chemins qui ne veulent ou ne peuvent plus se croiser.
Sur trois générations, les personnages de cette fresque familiale avancent sur un fil, entre folie et sagesse, entre liberté et carcan.
     Nous traversons aussi d'une manière très inattendue, la vie de ces personnages sur plusieurs époques dans une atmosphère typiquement américaine.
     Loin des clichés, Louise Erdrich nous fournit un roman fouillé où l'amour est âpre presque animal et où les êtres ne sont pas forcément sympathiques mais cachent de douloureuses fêlures et des secrets envahissants.
     A lire ou relire. En 1986, le livre paraissait sous le titre "La branche cassée".
Louise Erdrich - Le pique-nique des orphelins - Editions Albin Michel - Traduit de l'américain par Isabelle Reinbarez - 467 Pages - 24 Euros



dimanche 6 mars 2016

Richard Flanagan : La route étroite vers le nord lointain

     Les Éditions Actes Sud nous propose une couverture très glamour bien trompeuse.
     Le livre de l'écrivain tasmanien, Richard Flanagan, nous emporte dans un tourbillon de souffrances et de gouffre sans fond, un voyage au bout de l'enfer.
     Au milieu de la deuxième guerre mondiale, les Japonais ont édifié un projet ahurissant et fou, celui de construire une ligne de chemin de fer reliant la Birmanie et le Siam.
     Cette "ligne", gigantesque et monstrueuse en pleine jungle hostile devient alors le chantier de la mort pour des milliers de leurs prisonniers australiens.
     C'est l'histoire de leur esclavage, de cette entreprise indigne et inhumaine que devient la guerre quand des hommes la dirigent. 
Les journées sont remplies de maladies épouvantables, de peur, d'épuisement par la faim et les brimades continues.
     Les scènes sont insoutenables tant la cruauté devient l'humaine condition dans cet enfer. Le climat éprouvant de la mousson aggrave encore plus la précaire santé des détenus.
     Dans le chaos le plus total, Dorrigo Evans, médecin australien , va tenter de soigner,  d'adoucir et d'accompagner le quotidien de ces hommes.
     A travers l'histoire de sa vie avant et après la guerre, nous allons savoir ce que deviennent ces hommes qui ont vécu une telle abomination mais aussi ce que vivent leurs bourreaux.
     Pour Dorrigo Evans, une parenthèse lumineuse éclaire le récit, celle de son amour fulgurant pour une jeune femme. Un amour interdit. 
     Survivre au camp, sera pour lui une façon de continuer et faire semblant d'exister auprès d'une famille et d'être plus seul que jamais malgré les conquêtes féminines et la reconnaissance professionnelle. Seul le souvenir d'un certain regard bleu ravive des souvenirs fantomatiques d'une mémoire qui s'efface.
     Richard Flanagan écrit ici un livre dense par sa construction, puissant par la façon qu'il a de plonger dans les âmes humaines et même inhumaines.
     Victimes et bourreaux sont mis à nus et l'après guerre sera pour ces hommes un rappel incessant de souvenirs, un abîme de grande solitude.
     Les descriptions crues et dures rendent le récit authentique, le souffle coupé  on ne peut lâcher la lecture.
     L'auteur joue aussi une certaine poésie et luminosité , en évoquant par exemple la beauté saisissante des haïkus après la description de l'horreur.
    A lire absolument.
Richard Flanagan - La route étroite vers le nord lointain - traduit de l'anglais (Australie) par France Camus-Pichon - Edition Actes Sud - 432 Pages - 23 Euros