je veux encore rouler des hanches,

je veux me saouler de printemps

je veux m'en payer des nuits blanches

à cœur qui bat, à cœur battant

avant que sonne l'heure blême

et jusqu'à mon souffle dernier

je veux encore dire "je t'aime"

et vouloir mourir d'aimer

Barbara

lundi 18 février 2019

Jean-Claude Grumberg : La plus belle des marchandises

     100 pages d'émotion pure 100 pages pour raconter ce qui ne peut exister et qui pourtant un jour a été fait par l'homme 100 pages pour ne pas oublier.
     "La plus belle des marchandises" est un conte. C'est marqué sur la couverture, mais alors c'est un conte des temps modernes celui qui a fait exploser l'humanité.
     Dans les bois vivent un pauvre bûcheron et sa pauvre bûcheronne, parce qu'il en faut un bois dans les contes. Dans la plus profonde des forêts là ou existent la peur, le froid et la faim et où vivent des hommes soumis travaillant pour des vainqueurs vert de gris.
     Un train traverse la forêt profonde, à des heures régulières tous les jours il passe. La pauvre bûcheronne rêve d'enfant et d'amour à donner, et elle a faim aussi.
    Il paraît que c'est un train de marchandises, alors c'est un conte on peut rêver et un jour un petit paquet est jeté par une main anonyme, un petit paquet enveloppé d'un fichu de prières d'or et d'argent.
     C'est un bébé, une petite fille, c'est l'amour qui revient l'amour que l'on donne et celui que l'on reçoit. Mais le mal s'abat tout autour.
     Bien sûr, on sait tous que ce train qui passe si régulièrement comme jamais les trains n'ont été aussi ponctuels, est un des nombreux trains qui sillonnent l'Europe pour transporter les Juifs et autres indésirables mourir dans les camps de la mort.
     Jean-Claude Grumberg s'est malheureusement nourri de son histoire personnelle pour  perpétrer le devoir de mémoire. Les mots dits se lisent avec respect et émotion.
      Dans ce très beau texte, il nous raconte une histoire de famille et de main tendue d wagon  par amour qui va sauver son enfant et de celle qui va  recevoir,  l'aimer et le porter à la vie.
      L'épilogue  que l'auteur nous délivre est puissante et bouleversante.
      Oui les contes ça existent, et celui là plus que jamais alors faisons le lire et étudier dans les écoles. Raconter cette main qui s'échappe du wagon de marchandises pour honorer la mémoire de tous ceux qui ont souffert et sont morts sous le joug nazi.
       A lire absolument,
Jean-Claude Grumberg - La plus précieuse des marchandises - Editions Seuil - Parution Janvier 2019 - 128 Pages - 12 €

dimanche 17 février 2019

Bénédicte Belpois : Suiza

     Le premier roman de Bénédicte Belpois s'inscrit dans la rentrée littéraire de Janvier et offre une lecture d'une grande sensibilité. C'est un véritable coup de cœur.
     C'est un roman confession qui débute comme l'explication d'un fait divers par Tomas, le héros un solitaire taiseux, veuf depuis une vingtaine d'année, d'une femme pour laquelle il n'éprouvait pas d'amour.
     Tomas est très riche, il possède des terres et du bétail en Galicie. A 40 ans il aime soigner ses eucalyptus pour la pâte à papier.
     Depuis des années avec Ramon, il a l'habitude de finir la journée au bar du village.
     Mais Tomas vient d'apprendre qu'il est atteint d'un cancer. Obsédé par sa mort imminente, il commence les traitements sans en parler autour de lui.
     Au café il y a Suiza, la nouvelle serveuse. Elle est belle comme un soleil et d'une sensualité absolue.
      Elle arrive de Suisse, on sait qu'elle a quitté le foyer en stop pour voir la mer. Elle est présentée comme simple d'esprit, un peu trop naïve mais terriblement attirante.
     Quand il croise son regard , Tomas éprouve une pulsion et une attirance purement sexuelle.                 L'auteur s'empare d'une histoire qui débute dans des relations de sexe très violentes. Mais avec beaucoup de maîtrise elle analyse les sentiments amoureux qui évoluent.
     Dans une nature chaude et lumineuse, la relation de Tomas et Suiza se transforme en histoire amoureuse profonde.
     Les autres personnages illuminent le paysage malgré leur passé douloureux et l'auteur propose une fin remarquable à cette histoire hors du commun.
      La confession de Tomas est coupée par des chapitres en italique où Suiza prend la parole avec toute sa fraîcheur. Le texte sonne juste.
       Très beau roman, une écriture sensible.
Bénédicte Belpois - Suiza - Editions Gallimard - Parution Février 2019 - 256 Pages - 20 €

vendredi 15 février 2019

Rosella Postorino : La goûteuse d'Hitler

      Rosella Postorino s'empare d'une histoire vraie pour raconter un épisode de la deuxième guerre mondiale en s'inspirant du témoignage de Margot Wolk, la dernière goûteuse d'Hitler.
     En 1943, Hitler est reclus dans sa tanière en Prusse Orientale (Allemagne maintenant) et poursuit la guerre sur le front russe. Enfermé dans sa paranoïa, il est persuadé qu'on cherche à l'empoisonner.
     Une brigade de 10 femmes allemandes est recrutée contre rémunération pour goûter tous les repas du Furher. Chaque jour, un bus vient les chercher à leur domicile et sont conduites dans une ancienne école transformée en caserne.
     Parmi elles et contre sa volonté, l'héroïne Rosa Sauer est une jeune femme allemande dont le mari combat sur le front russe.
     Le roman alterne les scènes de dégustations forcées et surveillées  par des soldats SS et les événements déterminants de la folie nazie avant la guerre jusqu'à l'attentat manqué d'Hitler en Août 44.
     Rosa Sauer est un personnage attachant, ballottée dans la barbarie de l'Histoire elle se bat pour survivre malgré la peur et la violence. 
     Les personnages qui l'entourent, que ce soit Elfriede une autre goûteuse ou Ziegler, le capitaine du camp nous montrent un peuple abusé et meurtri à la fois bourreau et victime.
    Un roman écrit avec une plume sincère qui ne juge pas mais dépeint l'humanité au cœur de la page la plus noire de l'Histoire allemande parmi les fanatiques du Furher.
     Le lecteur est au plus près du monstre, dans son refuge et dans sa folie. La lecture devient angoissante devant la réalité des faits.
    Un moment de lecture intense avec une héroïne qui a vu comme tant d'autres leur famille et leur vie sacrifiées en raison des guerres et de l’absurdité des hommes.
Rosella Postorino - La goûteuse d'Hitler - Traduit de l'italien par Dominique Vittoz - Parution Janvier 2019 - 400 Pages - 22 €

jeudi 14 février 2019

Philippe Besson : Un certain Paul Darrigrand

     Lors d'un déménagement, Philippe Besson retrouve dans un carton une ancienne photo de lui avec un ancien amoureux. Cette photo est prise pendant un séjour sur l’Île de Ré en hiver 1988.
      Alors qu'il est étudiant en droit à Bordeaux, il rencontre sur le campus Paul Darrigrand. Au premier regard, c'est le coup de foudre, tout est consommé. Mais Paul, de 3 ans son aîné, est marié.
     Ils vont vivre une passion amoureuse. Elle est forcément clandestine. Cette même année, Besson tombe gravement malade.
     Entre passion amoureuse et maladie, entre les études et les séjours à l'hôpital, cette année très particulière reste pourtant la plus année année de la vie de l'auteur.
     Celle où il a rencontré et aimé un certain Paul Darrigrand. 
     L'auteur s'empare du passé pour raconter  l'âme et les corps.
     Moins fort que la découverte de son premier amour dans "Arrête avec tes mensonges", Besson poursuit sa veine autobiographique très intime avec une réflexion profonde sur la création littéraire.
     Il nous plonge au cœur de la passion amoureuse adultère dans laquelle il vit entre désir et jalousie, il souffre de n'être pas unique pour l'être aimé.
     Philippe Besson se répète à souhait en interpellant le lecteur à qui il raconte ses souvenirs amoureux.
     Il écrit pour ne pas oublier, pour dire que ça a existé, il multiplie le "je" devenant le confident du lecteur. Il sait manier la fulgurance des sentiments, le doute qui vient et l'absence.
     De longs (trop) passages entre parenthèses ramènent le lecteur dans la fin des années 80 par le biais de faits divers et d’événements politiques de l'époque.
     Un livre sans grande profondeur malgré la délicatesse et la finesse de l'observation, il manque l'essentiel l'intérêt du récit. Trop mécanique sans grande émotion.
Philippe Besson - Un certain Paul Darrigrand - Editions Julliard - Parution Janvier 2019 - 212 Pages - 19 €     

samedi 9 février 2019

Eric Vuillard : La guerre des pauvres

     Eric Vuillard s'empare de faits historiques pour créer une histoire vraie. 
     Les mots sont choisis, maniés et décortiqués pour rendre ici la puissance de la révolte des pauvres gens. Il arrive à donner aux dialogues un ton actuel.
     La naissance de l'imprimerie à Mayence au 15ème siècle a permis la traduction et la diffusion de la Bible. Elle est traduite dans la langue que le peuple comprend, et non plus avec le latin élitiste. 
     Les livres se sont répandus et la connaissance du monde a fait prendre conscience de la réalité des uns par rapport aux autres.
     Depuis de nombreuses révoltes de paysans se sont déroulées en Europe. Le peuple relève la tête, pose des questions, interpelle les riches.
     A travers la vie très romanesque de Thomas Munzter, Eric Vuillard donne la parole à ceux que l'Histoire oublie.
     Munzter a été un pasteur et théologien en Allemagne. Il a écrit le Manifeste de Prague en 1521 où il exhorte les pauvres à ne plus se soumettre à l'ordre social et religieux. Avec eux il va mener le mouvement de la révolte luthérienne face aux religieux et aux princes.
     Réprimés dans la violence ces soulèvements marquent un changement et des nouvelles voix se font entendre.
     Eric Vuillard mène avec talent un récit court et bien  rythmé qui interpelle avec l'actualité et qui fait réfléchir aussi à l'importance et la puissance des livres qui disent le monde. 
Eric Vuillard - La guerre des pauvres - Editions Actes Sud - Parution Janvier 2019 - 80 Pages - 8.50 €

mercredi 6 février 2019

Sophie Van der Linden : Après Constantinople

     "Après Constantinople" est un court roman qui plonge le lecteur dans un Orient fantasmé et envoûtant. L'histoire est mystérieuse et le narrateur nous la raconte d'une façon originale et intense.
      Au début du 19ème siècle, une délégation d'artistes français est invitée à Constantinople pour un échange culturel.
      Georges Henri François est peintre et il décide de quitter le groupe afin d'acheter des fustanelles, jupe du costume traditionnel des hommes des Balkans. Son voyage va l’emmener hors des sentiers habituels, aux confins de l'empire Ottoman au pied des montagnes, dans une mystérieuse fabrique.
      Perdu dans la nature, reclus dans une grande maison, il fait la connaissance de l'intendante du domaine qui accepte de lui céder des fustanelles s'il accepte de réaliser des fresques pour certaines salles du domaine.
     Mais le peintre est perturbée par cette femme Noire, par sa présence ensorcelante et énigmatique tout comme l'histoire de sa vie. Elle est charismatique et les conversations échangées vont ébranler sa vision du monde et de l'Orient.
          Sophie Van der Linden emmène le lecteur dans des contrées inconnues avec des détails géographiques époustouflants et une étude psychologique des personnages d'une grande finesse.
     Les observations sont décrites par un artiste et nous assistons à la création d'une oeuvre. Les couleurs, les matières et la lumière nous troublent et l'on est pris d'une certaine langueur.
     L'Orient, la place des femmes et l'art autant de thèmes intelligents mis en valeur par une écriture et une intrigue subtile.
     Ça fait du bien de retrouver un roman où l'imaginaire nous saisit hors du temps et de l'espace.            A  lire absolument pour une belle échappée !
Sophie Van der Linden - Après Constantinople - Editions  Gallimard - Parution Janvier 2019 - 160 Pages - 19 €