je veux encore rouler des hanches,

je veux me saouler de printemps

je veux m'en payer des nuits blanches

à cœur qui bat, à cœur battant

avant que sonne l'heure blême

et jusqu'à mon souffle dernier

je veux encore dire "je t'aime"

et vouloir mourir d'aimer

Barbara

dimanche 31 mars 2019

Orhan Pamuk : La femme aux cheveux roux

     Depuis toujours Orhan Pamuk, le grand auteur turc et prix Nobel de Littérature ne cesse de clamer son amour pour Istanbul, sa ville et à travers la force de son écriture et  sa passion des mots, nous offrir la magie de l'Orient dans la plus belle des nostalgies.
     Avec "La femme aux cheveux roux", il nous sert un récit profond, bien que plus ramassé, sur les relations père/fils sur  fond de mythes avec une histoire d'amour et d'abandon contemporaine.
     Cem, se rêvait écrivain mais, le départ de son père du domicile familial le contraint de vite gagner de l'argent pour payer ses études.
      Pendant l'été 1985, il se rend dans le petit village d'Orongon au sud d'Istanbul pour travailler avec un maître puisatier.
      Mais avant son départ, il découvre dans une librairie de la ville, les mythes et légendes à travers l'histoire d'Oreste qui a tué son père.
      Durant ce dernier été de l'adolescence , Cem travaille avec le maître puisatier qui lui apprend la technique ancestrale pour trouver l'eau, source de vie et de civilisation. Peu à peu cet homme comblera l'absence et le silence de son père.
      Sous le ciel d'Orient, le puisatier et l'adolescent se transforment en conteurs et invitent les mythes et légendes dans leurs soirées étoilées.
       Une troupe de théâtre se produit dans le village et Cem tombe amoureux fou d'une femme aux cheveux roux qui en fait partie, ils vivront une brève et intense relation passionnelle, mais un drame l'oblige à quitter précipitamment son travail d'été et le petit village.
       Un roman habilement et somptueusement construit, qui nous emporte sur plusieurs décennies de l'histoire de la Turquie à travers la vie de Cem et de ses multiples rebondissements.
      De placer les légendes de la mythologie dans le quotidien des différents personnages nous permet de toucher l'universalité.
      Un très beau roman sur la transmission, l'amour, le temps avec une écriture plus que jamais séduisante, à lire absolument.
Orhan Pamuk - La femme aux cheveux roux - Editions Gallimard -Traduit du Turc par Valérie Gay- Aksoy - Parution mars 2019 - 304 Pages - 21 €

samedi 16 mars 2019

Delphine de Vigan : Les gratitudes

     Delphine de Vigan poursuit sa réflexion sur les sentiments humains.
     Un an après "Les loyautés" (analysé dans le blog) où elle parlait de l'alcoolisme des jeunes adolescents , elle explore ici la reconnaissance, celle de tous les jours que l'on ne montre pas forcément ou alors trop tard.
      Un texte court met en scène trois personnages qui vont trouver un réconfort dans une affection commune.
       Michka, une vieille dame arrive à un moment douloureux de sa vie où les mots se perdent pour ne plus revenir. Elle ne peut plus rester chez elle et doit aller dans une maison de retraite.
      Désormais, elle reste dans sa chambre. Marie une voisine qu'elle a connue enfant la soutient et lui rend visite.
      Jérôme, l'orthophoniste s'occupe d'elle et essaie que sa mémoire et ses mots continuent de l'habiter encore un peu.
      Mais trop vite, son monde devient petit et Michka ne possède plus l'énergie pour continuer. Les mots lui manquent et les conversations deviennent décousues. La peur survient face à l'inéluctable fin.
       Pourtant sa mémoire résiste et avant de partir, elle voudrait retrouver les personnes qui l'ont sauvée pendant la guerre, elle, la petite juive.
        Avec une profonde délicatesse, Delphine de Vigan lie les destins de ses personnages sans entrer dans les détails d'une vie et le lecteur ressent leur attachement profond.
        Chaque personnage reprend la narration pour se répondre dans un roman d'une grande sensibilité et les non-dits nous touchent alors davantage.
        Il est question d'un sujet difficile et douloureux celui de la maladie et de la fin de vie. Les mots qui ne reviennent plus ou mal, le corps affaibli, la peur qui s'installe devant le vide qui arrive et cette vie que l'on ne peut retenir.
       Ce n'est pas gai, mais c'est beau. De Vigan transmet la beauté des sentiments dans des personnages attachants et la lecture en est plus lumineuse encore.
Delphine de Vigan - Les gratitudes - Editions JC Lattès - Parution Mars 2019 - 192 Pages - 17 €

vendredi 15 mars 2019

Antoine Choplin : Partiellement nuageux

     Dans le sud du Chili, en plein pays Mapuche, Ernesto est astronome dans un modeste observatoire à Quidico au Chili, en territoire Mapuche.
     L'installation est vieillissante,  et à ce titre il se rend à Santiago pour commander une nouvelle pièce.
     Loin du monde, il observe le ciel à infini et entretient des relations tranquilles avec les derniers indiens du coin. 
      Ernesto a la tête dans les étoiles.
     Mais ses déplacements à  Santiago le conduisent à chaque fois au musée de la Mémoire, qui expose les photos des martyrs des années sanglantes de Pinochet.
     Il y retrouve le visage de Pauline, sa lumineuse fiancée disparue pendant cette période. 
     Lors de sa dernière visite il croise le chemin d'Ema, elle aussi a  dans sa vie un disparu.
     La rencontre amoureuse va se dérouler de façon sensible sur fond de souvenirs douloureux. Les promenades dans les paysages magnifiques des montagnes chiliennes nous envoûtent.
     "Partiellement nuageux" le dernier opus d'Antoine Choplin nous entraîne dans l'Histoire de la dictature du Chili et sur les traces des portés disparus ainsi que le difficile travail de résilience.
     Comme à son habitude, l'auteur économise les mots et le souffle. Il nous porte dans un texte court d'une grande nostalgie avec deux personnages simples mais profonds aux parcours pourtant différents.
      Il laisse au lecteur la maîtrise des mots pour le porter à la réflexion. Avec un mot il ouvre la porte de la souffrance et de la violence, avec un autre il nous donne la possibilité d'une rédemption.
      Les histoires de chacun sont différentes et Antoine Choplin nous touche particulièrement par la façon qu'il a de voiler les détails avec pudeur.
Antoine Choplin - Partiellement nuageux - Editions de La Fosses aux Ours - Parution Janvier 2019 - 140 Pages - 16 €
     
     


vendredi 8 mars 2019

Adeline Dieudonné : La vraie vie

     Adeline Dieudonné est une jeune auteure belge. Dans son premier roman "La vraie vie" absolument surprenant et bouleversant,elle nous raconte l'histoire d'une petite fille dont on ne saura pas le prénom. Avec elle nous pénétrons dans son univers de banlieue, dans sa famille apparemment très ordinaire.
     La jeune narratrice a 10 ans au début de l'histoire et nous la suivons pendant 5 ans. Dès les premières lignes elle nous présente sa maison, son père, sa mère et surtout son petit frère, Gilles qu'elle adore.
     C'est banal, et pourtant il y a une chambre spéciale dans cette maison, la chambre des cadavres.... On est accroché.
     Puis le  quotidien ordinaire se teinte de gris, le gris des maisons du lotissement "Le Démo" où elle habite près d'un bois.         Son père est un homme sévère et peu affectueux, il aime regarder la télé le soir en buvant son whisky, et la chasse toutes les chasses et puis il se défoule souvent sur sa femme aussi.
      La mère subit, la narratrice la compare à une amibe. Elle n'aime que ses chèvres. Elle encaisse, ne dit rien mais prépare les repas.
     Et puis il y a Gilles, le petit frère, avec lequel la petite fille s'échappe pour inventer une vraie vie ailleurs et puis ils vont manger des glaces. C'est l'enfance on peut encore rêver de possible.
     Un jour, un drame arrive justement avec le vendeur de glaces et le petit frère est profondément perturbé. 
      Ce drame nous ouvre les failles d'un univers douloureux, où la quête semble impossible.
La petite fille, attirée par la chimie, cherchera par tous les moyens à rendre le sourire à Gilles.
      Il y a beaucoup de poésie dans ce drame social d'une noirceur accablante. La fillette possède une belle intelligence et pendant cinq été elle évolue dans une réalité sauvage et hostile qui vacille.
      Un très beau roman qui bouleverse où l'on frôle le drame à chaque page. Il y a un peu de Brel dans cette histoire, "Chez ces gens là...on ne rêve pas, non"
      A lire, pour veiller sur cette petite fille.
Adeline Dieudonné - La vraie vie - Editions de l'Iconoclaste - Paru Août 2018 - 270 Pages - 17 €