je veux encore rouler des hanches,

je veux me saouler de printemps

je veux m'en payer des nuits blanches

à cœur qui bat, à cœur battant

avant que sonne l'heure blême

et jusqu'à mon souffle dernier

je veux encore dire "je t'aime"

et vouloir mourir d'aimer

Barbara

dimanche 30 avril 2017

Jim Harrison : Les Jeux de la nuit

     Jim Harrison aimait le Montana, la nature, la pêche et l'exubérance des grands espaces. Son oeuvre est un hommage éternel à la beauté de ces paysages et aux hommes et femmes qui y vivent.
     Dans "Les jeux de la nuit", trois longues nouvelles, il nous emmène une fois encore au Montana et au Texas en passant par le Canada.
     La nature y est toujours très présente, peut-être moins éclatante, plus obsédante et douloureuse.
     Il met en scène trois personnages dont la solitude profonde est d'une grande émotion.  
     Dans la première nouvelle, "La fille du fermier", Sarah découvre le Montana avec ses parents, c'est une jeune fille solitaire. Elle joue du piano, lit beaucoup, n'a pas beaucoup d'amis. Après une soirée très arrosée, elle est agressée. Elle connaît le coupable et veut le retrouver. La vengeance s'empare de sa vie.
     Dans "Chien Brun, le retour", tout est dit. Pour les amateurs de Jim Harrison, c'est le métisse indien, l'ami cher au cœur de l'auteur qui le fait vivre au fil de ses romans. Plus que jamais célibataire endurci, il s'occupe d'une enfant handicapée au Canada où il est entré illégalement. Beaucoup de femmes s'agitent dans son existence et il n'est pas avare de sexe. L'auteur se défoule complètement, c'est cru, vulgaire et obsessionnel. Mais le désespoir et la solitude occupent tellement l'espace que les situations sont tristement cocasses.
     La dernière nouvelle donne le titre au roman. Elle est de loin pour moi la plus aboutie et la plus complexe. Tout est là du grand auteur. la nature forte , la pêche, les feux au bord de la rivière et des héros à la recherche d'un horizon paisible, seuls toujours. 
     L'histoire est celle de Samuel, enfant de "parents ratés", qui verra son comportement se modifier à chaque pleine lune après avoir été mordu par un louveteau. Une maladie qui se concrétise par un excès d'appétit et de sexe. Le mythe du loup-garou dans le Montana.
     Jim Harrison a utilisé toujours les mêmes thèmes, la nature, l'alcool, la bouffe et le sexe mais il s'empare si bien des personnages, hommes ou femmes, qu'il nous fait vivre leur solitude et leur désespérance au plus profond de leur âme. La rédemption est difficile dans cette nature âpre.
     L'écriture est juste et quand elle est un peu paillarde c'est la douleur qui en ressort. Celle d'une Amérique qui blesse et oublie les fragiles et les marginaux. Elle les oublie le long de ces routes infinies ou dans ces grands espaces où il n'est plus souvent possible de rêver.
Jim Harrison - Les Jeux de la nuit - Editions Flammarion 2010 - Traduit de l'américain par Brice Matthieussent - 333 Pages - 21 €

Otsuichi : Rendez-vous dans le noir

     Une découverte d'auteur quand elle fonctionne c'est un plaisir, et Rendez-vous dans le noir de l'auteur japonais Otsuichi en fait partie.
     L’héroïne Michiru vit seule depuis la mort de son père. Victime d'un accident de la route, elle a perdu la vue. 
     Quelque fois son amie, Kazue, lui rend visite et l'accompagne pour faire les courses ou marcher un peu, sinon la solitude et le noir l'accompagnent.
     Dans sa maison, elle a organisé son existence dans une sorte de rituel monacal dont elle ne veut pas sortir. 
     Un jour pourtant, elle perçoit une présence, un souffle, une cassure dans le rythme, une vibration dans l'air ou sensation différente. 
    Elle habite près d'une gare où un meurtre a été commis et l'assassin est activement recherché.
     Alors est elle en danger ? Non  bien sûr que non, je ne vais pas le dire...
     Il y a dans ce thriller psychologique, un raffinement et une épure digne des romans japonais.
     Malgré, un suspense angoissant, une douceur émane des personnages, rien n'est frontal tout est à découvrir.
     La force de ce roman est dans l’extrême fragilité de Michiru qui va malgré cette indicible présence continuer comme si de rien n'était et faire preuve de délicatesse et de compréhension.
     C'est aussi une réflexion sur la solitude, l'enfermement, l'isolement et la rencontre inattendue.
     L'auteur prend le temps de nous présenter les personnages avec leur questionnement et nous prenons le temps d'observer.
     L'intrigue est subtile et le dénouement nous surprend. Alors ? à lire. 
Otsuichi - Rendez-vous dans le noir - Editions Picquier/Poches 2014  - Traduit du japonais par Myriam Dartois- Arko - 208 Pages - 8.50 €
         

dimanche 16 avril 2017

Amy Gentry : Les filles des autres

    8 ans après avoir été kidnappée en pleine nuit dans la maison familiale, sous les yeux horrifiés de sa petite sœur Jane, Julie qui avait à l'époque 13 ans, sonne à la porte de chez elle.
    Elle apparaît vieillie, vraiment très mal en point. Passées la stupeur et la joie des retrouvailles inespérées, suivent les visites à la police, les entretiens et rendez-vous à l'hôpital et les divers examens. 
    La famille se pose alors et essaie de reconstruire tout ce qui a été détruit cette maudite nuit. Le questionnement et le doute viennent hanter Anna, la mère, alors que Tom le père et Jane essaient de vivre pleinement le retour de Julie.
    Mais au fait qui est Julie ? Est-elle même vraiment Julie ?
    Oui du suspense il y en a et de la psychologie aussi. Amy Gentry se saisit d'une intrigue déjà vue et lue pour innover en construisant une trame romanesque assez inattendue.
    Refusant habilement le test ADN qui aurait stoppé net l'histoire, elle instille le doute chez la mère et le lecteur d'une façon subtile.
    Alternant passé et présent, elle nous fait vivre les émotions au cœur de la famille qui explose la nuit de l'enlèvement.
    On suit et c'est l'intérêt de ce livre, le parcours hallucinant de ces jeunes qui ont fugué, que la vie a paumé, que des fous ont kidnappé et on vit avec eux. Les mots, les expériences, les descentes aux enfers sont balancés sans atermoiement, c'est dur et  brutal.
    Et puis, il y a ceux qui restent, qui attendent, qui souffrent qui ne réclament qu'un corps à enterrer.
Les associations de victimes, la presse implacable, tout est analysé avec une véracité déconcertante.
    Un livre d'une psychologie profonde où la mère se perd et perd son mari et sa cadette. Le doute et la culpabilité sont au quotidien pour cette femme perdue qui en arrive à rejeter sa fille.
     L'originalité réside dans le fait des nombreux retours dans le passé d'une façon implacable où les voix de toutes ces filles résonnent dans des épisodes souvent sordides. Toutes ces filles qui se ressemblent tant.
     Un bon livre à découvrir, d'abord le premier livre d'Amy Gentry à suivre certainement....
Amy Gentry - Les filles des autres - Editions Robert Laffont La Bête Noire - Traduit par Simon Baril - 336 Pages - 19.50 €

samedi 15 avril 2017

Jake Hinkson : L'enfer de Church Street

     Aux Etat-Unis, à la sortie d'une petite épicerie, Geoffrey Webb se fait agresser par un truand qui en veut à son argent. Nullement effrayé, Geoffrey, lui promet de l'argent, lui demande une fois monté dans sa voiture de l'écouter raconter l'histoire de sa vie.
     Et le lecteur monte avec lui, à ses côtés et va entendre son terrible récit.
     Celui d'un homme ordinaire et malveillant, à l'âme noire, aux instincts les plus bas, un personnage vil et malsain. Il rejoint  une communauté baptiste,  et en digne représentant de Dieu trouve la la plus honnête façon d'assouvir ses penchants pour le sexe et le porno.
     Au rythme de la balade en voiture en direction de Little Rock en Arkansas, calé dans le siège passager, nous sommes atterrés par les événements  racontés avec cynisme.
      Jeune aumônier à Little Rock à l'église baptiste, il sait parler et manipuler son monde.
     Sexe, hypocrisie, mensonge, meurtres vont s'intensifier au fil du récit et de l'existence de cet homme qui fera tout pour se hisser au sommet de cette communauté religieuse.
      Jake Hinkson règle ses comptes avec la bigoterie, la religion et les hypocrites. Elevé dans une communauté religieuse baptiste, il peut en parler. Il n'épargne personne.
      C'est une critique violente et sans concession des croyances religieuses et du danger de la manipulation.
      Malgré une écriture sèche, le récit commence lentement. Il va crescendo ensuite pour finir dans une noirceur suffocante.
      L'auteur crée une sorte d'anti-héros complètement cynique qui distille son poison tout au long d'un récit hautement maîtrisé.
Jake Hinkson - L'enfer de Church Street -  Editions Gallmeister, NeoNoir - Traduit par Sophie Aslanides - 236 Pages - 15 Euros -

jeudi 6 avril 2017

Kent Haruf : Le chant des plaines

     Kent Haruf est un écrivain américain disparu en 2014 peu de temps avant la parution de son dernier livre "Nos âmes la nuit" (analysé sur ce blog le 17 octobre 2016). Son écriture m'avait particulièrement émue et je voulais la retrouver dans ce livre qui a connu un immense talent.
     "Le chant des plaines" c'est Holt une petite bourgade perdue dans le Colorado, très très chère au cœur de cet auteur magnifique.
    La vie dans cette Amérique profonde est difficile mais les valeurs humaines sont abordées par Haruf avec beaucoup de délicatesse.
     Dans ce coin paumé, où les plaines s'étendent à l'infinie, où le vent dans les éoliennes nous chante une mélopée envoûtante, où les troupeaux piétinent et s'impatientent, l'existence est simple et compliquée à la fois.
     Le roman est construit en chapitres qui donnent la parole à différents narrateurs et raconte avec une grande pudeur le quotidien et l'intime de ces personnages ordinaires aux âmes belles et fortes. 
     Ils sont courageux et deviennent vite attachants, même si certains ne sont pas très glorieux.
     Les héros sont ici des frères, vieux célibataires bourrus, vivant dans leur ferme et s'occupant de leurs bêtes. C'est aussi Tom Guthrie, professeur dans l'école de Holt, il élève ses deux petits garçons depuis que sa femme, dépressive a quitté la maison. C'est l'histoire de Victoria, jeune indienne métisse, de 17 ans enceinte parce qu'un soir elle a aimé un irresponsable.
     Le lien sera Maggie Jones, une femme au grand coeur et d'une belle humanité.
     Les destins se croisent dans cette petite ville et les destinées se dévoilent doucement.
     Une plongée dans l'Amérique très profonde et dans le quotidien de personnages vrais, voilà ce qui fait la force de ce roman sur l'espoir.
     Kent Haruf nous touche parce qu'il décrit avec beaucoup de respect et de tendresse, ces êtres bousculés et un peu seuls.
     A travers une écriture authentique et sobre, il nous emporte dans un univers très émouvant où se révèlent les failles et les espérances de chacun.
     Un roman lumineux qui nous étreint sans aucun sentimentalisme, et ça c'est une réussite.
Kent Haruf - Le chant des plaines - traduit de l'américain par Benjamin Legrand - 448 pages -
10.90 €


mercredi 5 avril 2017

Zeruya Shalev : Douleur

     Zeruya Shalev donne ici la parole à son héroïne et ne va plus la lâcher.
      Iris a la quarantaine, c'est une belle israélienne vivant à Jérusalem. Elle est très compétente et efficace dans son travail de directrice d'école, c'est une femme courageuse.
     Dix ans auparavant, elle a été victime d'un attentat terroriste et son corps garde à ce jour les séquelles et les douleurs de l'accident.
     Son mariage s'use doucement, elle est mariée à un homme acharné d'échecs en ligne, branché sur son ordinateur, manquant juste de présence pour sa femme. 
     Deux enfants qui ont grandi, une fille partie vivre à Tel Aviv et un fils encore un peu là, avant de partir effectuer le service militaire.  
     Au final, une femme fragile et qui doute dans sa vie  familiale. Elle est encore plus déstabilisée quand elle retrouve à l'hôpital son grand amour de jeunesse, médecin, spécialiste de la douleur.
     Il l'avait abandonnée à l'époque. Elle renoue avec lui et retrouve le passé perdu et l'amour dont elle a tant besoin. C'est alors que sa fille a de gros problèmes.
     Le livre est un profond et magnifique portrait de femme, un émouvant témoignage sur le poids du passé et les douleurs de la vie détaillées dans ce qui existe de plus intime dans son existence.
     L'intime, l'auteure sait en parler et l'analyse avec une infinie douceur et une précision implacable.
    Elle place cette jeune femme à la croisée de sa vie, remplie de doutes et tiraillée par une grande culpabilité envers sa famille qu'elle veut quitter.
     Vivre une nouvelle vie, rattraper le temps perdu, Iris nous est racontée dans ses atermoiements.
     Shalev nous raconte la réalité de la vie en Israël pour une famille, entre les risques de guerre et d'attentats, et la douleur d'une mère de voir partir ses enfants et accomplir le service militaire. Elle nous place au cœur de l'anxiété vécue par Iris.
     J'ai beaucoup aimé ce moment unique dans le désert, presque irréel d'espoir et de pureté, dans le restaurant tenu par une famille arabe, cet instant d'entente et de réconciliation que l'auteure nous a servi.
     Une très belle écriture qui fouille les sentiments et qui nous emporte. Un très beau roman, peut-être méritait-il une fin plus subtile.
Zeruya Shalev - Douleur - Traduit de l'hébreu par Laurence Sendrowicz - Editions Gallimard -
404 Pages - 21 €