je veux encore rouler des hanches,

je veux me saouler de printemps

je veux m'en payer des nuits blanches

à cœur qui bat, à cœur battant

avant que sonne l'heure blême

et jusqu'à mon souffle dernier

je veux encore dire "je t'aime"

et vouloir mourir d'aimer

Barbara

mercredi 23 janvier 2019

Julia Kerninon : Ma dévotion

     Sur 300 pages, Julia Kerninon nous tient en haleine avec un  monologue qui nous raconte  la dévotion d'une femme pour un homme. 
     Je l'ai lu comme on écoute une longue confession et l'effet est très particulier. Si je ne suis pas attirée par les romans d'amour, celui-ci m'a intéressé par le suspense et la tension qui rendent cette dévotion très vénéneuse.
     Helen rencontre par hasard à Londres Franck, qu'elle n'a pas revu depuis plus de 20 ans. Autrefois ils étaient amis et amants mais toujours amis.
      Ils se sont connus à l'adolescence à Rome et ont fui leur famille respective peu aimante,  pour partir étudier à Amsterdam dans l'appartement de famille d'Helen.
     Très vite, elle sait qu'elle veut faire une carrière dans les livres, devient une critique littéraire reconnue et plus tard ouvre sa maison d'édition. Elle travaille dur,  tandis que Franck prend son temps pour choisir, goûter la vie et  se décider sur le tard à devenir artiste peintre. Il sera effectivement un peintre très célèbre.
      Commence pour eux à Amsterdam, une vie d'étudiants, de jeunesse, c'est la bohème. Ils sont là l'un pour l'autre et Helen gère tout. Petit à petit elle accepte les écarts et les copines de passage de Franck. Après tout ils sont amis, c'est trop solide eux deux.
     Jusqu'au jour où Franck rencontre la femme de sa vie Anna et où commencent  des périodes d'éloignement y compris quand Helen se marie. Mais ils continueront à se retrouver, à vivre ensemble. Ils ne se perdent jamais complètement. Mais ils ne formeront jamais le couple amoureux qu'Helen espère toujours.
     Les années passent et c'est en Normandie qu'on les retrouve pour leurs dernières années de vie communes jusqu'en Janvier 1995 où un drame se produit. Car évidemment drame il y a.
     Le roman est construit en huit chapitres qui relatent leurs existences. Des moments clefs et fondateurs d'un parcours de vie tortueux où les mensonges sont tus volontairement et où l'on regarde que ce que l'on veut bien voir. Franck reste beau libre mais il est un menteur cruel pour Helen toute à sa dévotion.
     Helen sur ce trottoir, pendant plusieurs heures, va dépecer leurs vies et raconter ce qui s'est passé.
     Un livre haletant d'une grande maîtrise à l'écriture fluide et au suspense bien mené.
 Julia Kerninon - Ma dévotion - Editions du Rouergue - Parution Août 2018 - 304 Pages - 20 €
      

lundi 21 janvier 2019

Isabelle Desesquelles : Je voudrais que la nuit me prenne

   
    Clémence vit l'été de ses huit ans, elle fêtera son anniversaire en Août.
      Elle grandit tranquillement et doucement dans une maison au milieu d'une nature belle et sauvage.
      Elle vit dans l'amour absolu de ses parents qui s'aiment aussi et le montrent. La légèreté accompagne sa vie de moments infiniment délicieux. C'est l'odeur de la tarte aux pommes que fait sa maman, ce sont les départs pour l'école main dans la main de son papa instituteur, amoureux des mots.
      Les journées s’égrainent au fil de saisons dans un amour si beau et une douceur éclatante que ça durera toujours.
     Clémence nous raconte Just, son amoureux depuis la maternelle et sa grand-mère adorée mais aussi sa cousine.
     Elle raconte les caresses et les baisers, les chansons que sa mère fredonne et les livres qu'ils lisent ensemble.
     De l'amour à n'en plus finir, voilà le livre, la biographie d'une petite fille heureuse.
     Sauf qu'à un moment, la petite fille prend un autre ton, plus sérieux et grave, rempli de nostalgie et de souvenirs. La profondeur du ciel lui rappelle ceux qui sont partis et que les étoiles illuminent, pour toujours les retrouver.
     Le lecteur est perturbé, l'univers  devient sombre. Pourquoi ? Les histoires de Clémence ne sont plus une impression de l'enfance mais une analyse fine de la précarité du bonheur.
     Le livre a basculé dans une autre émotion et la tension devient intense au fil des pages.
    Je n'en dirai pas plus, c'est un livre qui nous chavire par la beauté d'un invincible amour, fil conducteur magique de ce roman qui a été récompensé par le Prix Fémina des Lycéens 2018.
    Petite Clémence lumineuse que l'on a du mal à oublier. 
Isabelle Desesquelles - Je voudrais que la nuit me prenne - Parution Août 2018 -  Editions Belfond - 208 Pages - 18 €

Atiq Rahimi : Les porteurs d'eau

     Très attendus sont les mots de Atiq Rahimi, romancier franco-afghan,  et son dernier roman nous comble par son intensité littéraire.
     Déjà avec Singé Sabour, Pierre de patience, le Prix Goncourt 2008 (analyse dans le blog 22 11 08), l'auteur nous avait subjugué par son éloquence et sa poésie qui nous emportait dans une histoire aux tonalités de conte persan.
     Le roman se concentre ici sur une journée, celle du 11 mars 2001 où les destins de deux hommes vont basculer à jamais. 
     Deux hommes que le monde sépare et qui ne se croiseront jamais mais qui pourtant partagent les mêmes origines et le même poids ancestral.
     Tom est un exilé afghan qui vit à Paris. Travaillant comme commercial, il se rend ce matin très tôt à Amsterdam en voiture. 
Mais aujourd'hui il ne reviendra plus, il a décidé de quitter sa femme. Il va retrouver à Amsterdam sa toute jeune et mystérieuse maîtresse.
       Tom, qui a francisé son prénom n'en peut plus de porter ses racines, son passé.  Dans un ultime geste de liberté, il fuit sa vie avec sa femme afghane, il quitte tout ce qui le retient à son pays. 
        Durant cette journée, il comprendra dans les bras d'une autre, que l'on ne peut pas abolir son histoire et ses racines.
     Yûsef, lui vit à Kaboul. Il est tôt , il doit se lever dans le matin glacé. Il est le porteur d'eau. Avec son outre, il va à la source et rapporte l'eau à la mosquée pour les ablutions des fidèles. Les Talibans veillent et distribuent les coups de fouet si le travail n'est pas accompli.
     Yûsef, porte le poids de son passé dans sa charge de porteur d'eau, il est solitaire et parle peu. Comme le veut la tradition, il doit s'occuper de sa belle sœur dont le mari est parti mais il en tombe amoureux.
     Grâce à elle, il ressent de nouveaux sentiments inconnus jusqu'alors et que la religion interdit.
     Le 11 mars 2001, les Talibans en quelques secondes font exploser les deux Bouddhas souriant géants de Bayiam anéantissant des siècles d'un passé culturel et originel.
    Atiq Rahimi nous plonge sur l'histoire et le passé de son pays que les Talibans veulent détruire. Il nous parle de l'exil et de la liberté. Il nous invite à un jeu d'amour et de désir dans une société brutale avec des mots empreints d'une grande justesse.
Atiq Rahimi - Les Porteurs d'eau - Edtions P.O.L. - Parution Janvier 2019 - 288 Pages - 19.5 €
    
     

Laura Kasischke : Eden Springs

     Inspiré d'une véritable histoire, "Eden Springs" s'empare de la vie de Benjamin Purnell, un prédicateur très charismatique ayant fondé une secte, la Maison de David,  en 1903 dans le Michigan. 
      Durant 20 ans, les adeptes viendront du monde entier rejoindre le roi Benjamin dans l'endroit qu'il a baptisé Eden Springs.
     Il promet non seulement la vie éternelle mais aussi la jeunesse éternelle. Entraînant avec lui de nombreuses jeunes filles, toutes de blanc vêtues, folles de lui.
     Entre roman historique et faits réels, l'auteur nous décrit le quotidien d'une communauté religieuse idéalisant une vie au plus près de la nature,  ne mangeant pas de viande, vivant des fruits de leur verger. La communauté ouvre aussi un parc d'attraction qui connaît un grand succès.
     Ni violence, ni sexe sauf pour Benjamin attiré de plus en plus par la beauté et les jeunes filles qui le vénèrent. 
     Le sujet est intéressant, le lecteur sait que quelque chose de grave s'est passé à travers la lecture de documents de procès, de coupures de presse relatifs à la mort suspecte d'une fidèle. Le fossoyeur découvre le corps d'une toute jeune fille d'à peine 17 ans .Commence alors une enquête et la fin de Benjamin.
     Les chapitres s'ouvrent sur un document réel et l'auteur le termine en apposant ses mots. Kasischke invente des  personnages et des situations, elle met en forme l'histoire, assez effroyable dans un quotidien qui paraît paisible.
     Mais il manque quelque chose à ce livre pour qu'il soit plus abouti. La lecture est perturbée par la construction littéraire faite de documents. Certes les photos de la communauté à la fin du livre donnent une intense et troublante vérité et la postface de Lola Lafon est très efficace.
     Les amateurs de Laura Kasischke retrouve ici l'ambiance particulière de ses romans évoquant le trouble et l'emprise de la sexualité, la jeunesse et ce fil si ténu entre la vie et la mort.
     Benjamin représente la partie pourrie du rêve américain dans ses abus et ces vies sacrifiées. 
     L'auteur sort de l'oubli ces femmes abusées et soumises qui ont été fascinées par lui.
 Laura Kasischke - Eden Springs - Editions Page à Page - Traduit de l'américain par Céline Leroy - Parution Août 2018 - 172 Pages - 18 €