je veux encore rouler des hanches,

je veux me saouler de printemps

je veux m'en payer des nuits blanches

à cœur qui bat, à cœur battant

avant que sonne l'heure blême

et jusqu'à mon souffle dernier

je veux encore dire "je t'aime"

et vouloir mourir d'aimer

Barbara

dimanche 28 mai 2017

Eric Vuillard : L'ordre du jour

     Avec un récit bref et précis, Eric Vuillard, nous donne à penser sur le rôle de l'écrivain face au passé et à l'Histoire. Comment dire, écrire, raconter. 
     "La littérature permet tout", aussi l'auteur va faire revivre sous nos yeux et d'une façon saisissante les rencontres politiques et diplomatiques qui ont eu lieu entre 1933 et 1939 et ont permis d'installer la folie nazie, doctrine qui a enflammé l'Europe. 
     Elles se sont déroulées sous les yeux des allemands, des gouvernements européens, conciliants, jamais dupes en tout cas.                   L'envers de notre Histoire, la vraie.
     La première rencontre se passe à Berlin le 20 Février 1933, un jour normal. Une date pas vraiment retenue. Et pourtant ce jour là, les 24 représentants des plus grandes industries allemandes sont invités par Göring, Président du Reichstag, à rencontrer Hitler. Grâce à leur soutien financier, des entreprises familiales vont permettre au parti nazi de triompher. 
     Jamais inquiétées, ni pendant ni après la guerre, ces industries toujours familiales existent et perdurent.
     Vuillard sait d'une façon précise raconter le principal, l'essentiel qui a échappé sur le moment et nous glace en le lisant.
     20 Novembre 1937, une rencontre hallucinante où Göring invite Lord Halifax qui joue la diplomatie conscient que l'avenir de l'Europe est sombre mais le moment est agréable, entre gens qui aiment le bon vin et les parties de chasse.
      D'autres repas mondains, d'autres rencontres diplomatiques se passeront  dans les salons et même au  10 Downing Street et rien n'empêchera la fureur de s'abattre sur l'Europe.
      Un livre intense qui nous prend aux tripes parce qu'on se trouve au cœur de l'Histoire et on prend conscience que l'indifférence, l'ignorance et les accommodements ont toujours installé le mal.
Eric Vuillard - L'ordre du jour - Editions Actes Sud -  150 Pages - 16 €

samedi 27 mai 2017

Maggie O'Farrell : Assez de bleu dans le ciel

     Maggie O'Farrel construit dans son dernier roman une étonnante mosaïque familiale et  colorée de personnages attachants et nous promène dans le temps sur 3 générations et sur plusieurs continents et pays. 
     Dépaysement total et lecture passionnante sur l'amour, le couple, les enfants et la solitude, celle que l'on vit parfois au milieu des autres. 
     Le point central c'est l'Irlande, magique et envoûtante, dans un lieu improbable occupé par une curieuse maison et un couple tourmenté, loin de tout.
     Daniel est un brillant linguiste, charmant, portant déjà des souvenirs pesants, elle, c'est Claudette une ex-star de cinéma, qui volontairement au faîte de sa gloire a tout quitté pour vivre dans ce coin perdu avec son petit garçon. C'est la rencontre des contraires, ils se marient et ont deux enfants.
     Mais le passé rattrape Daniel, alors qu'il doit se rendre à New-York visiter son père malade.
     Un amour ancien où la culpabilité et les non-dits vont venir perturber son existence et poser une ombre sur son couple.
     Daniel peut perdre beaucoup dans cette recherche du paradis perdu.
     L'histoire ou plutôt les histoires sont étonnamment bien menées, chaque chapitre titré indique le lieu et la date ainsi que le nom du personnage à qui l'auteur donne la parole. Il explique un moment de vie, un instant capital de son existence où les choses ont basculé. La chronologie n'est pas importante. 
     Les épisodes s'enchaînent et le lecteur comprend, analyse le comportement et la psychologie des protagonistes. C'est leurs vies que l'on voit défiler et l'auteur par son écriture subtile et profonde nous touche par la finesse de son analyse sur l'amour, le mariage et le pardon.
     C'est un très beau roman rempli de drames et d'humour. A lire.
Maggie O'Farrel - Assez de bleu dans le ciel - Editions Belfond - Traduit de l'anglais (Irlande) par Sarah Tardy - 496 Pages - 22 € 


jeudi 25 mai 2017

Tanguy Viel : Article 353 du Code Pénal

     L'article 353 du code pénal donne la possibilité aux juges de se fier à leur intime conviction plus qu'aux preuves, article que le juge utilisera dans  ce roman captivant où souffle une tension très soutenue.
     Années 90 dans le Finistère. Martial Kermeur est un ancien ouvrier de l'arsenal de Brest au chômage. C'est un brave homme mais il s'est fait avoir par Lazenec, un promoteur immobilier, et a tout perdu dans un investissement immobilier sensé rapporter gros aux habitants de la ville. C'était une arnaque, et sa femme le quitte, son fils porte sur lui un regard critique et Martial s'enfonce.
     Un jour, il invite Lazenec à une partie de pêche en mer, il le pousse à l'eau. Il vient de commettre un crime.
     Face au juge, il raconte, remonte le fil de sa vie, explique, analyse, regarde la vérité, constate l'inévitable fin. Le flot des mots, la parole donnée, chamboulée, nous happe littéralement.
     Une parole de taiseux devant un  juge qui écoute, questionne de temps en temps et relance la confession par des mots légaux, ceux du code pénal.
     C'est un face à face bouleversant tant  les aveux sont intimes. L'accusé parle en son âme et conscience, de la manipulation, des affronts subis, du mal fait pour toujours à sa famille.
     Le livre questionne sur de nombreux sujets, politiques, sociaux, juridiques bien sûr. Il raconte aussi la Bretagne frappée par le chômage. L'univers de ces hommes courageux et touchants qui se livrent  certains soir la boisson aidant.
     Tanguy Viel nous peint la Bretagne et la précision de ses descriptions est surprenante. La rade de Brest est détaillée avec justesse, il en fait un personnage.
     L'humour se mêle au récit du quotidien de gens simples et nous écoutons la parole libérée de Martial.
     C'est un récit fort, l'auteur nous met presque à la place du juge silencieux qui pousse Martial dans ses mots, le fouille au plus profond de son âme.
     Nous vivons un moment de vérité intense, l'histoire est intime, resserrée. Il y a eu une arnaque , c'est vrai mais de là à tuer un homme.
     Alors le juge prend la parole à la fin....
     Un très bon livre.
Tanguy Viel - Article 353 du Code Pénal - Les  Editions de Minuit - 176 Pages - 14.50 €

vendredi 19 mai 2017

Dario Franceschini : Ailleurs

     Dario Franceschini, ministre de la culture en Italie est aussi un écrivain. Découvert avec son magnifique et intense ouvrage, "Dans les veines, ce fleuve argent"(dans le blog du 18 novembre 2013), j'avais hâte de retrouver le charme de son écriture magique.
     La vérité et le mensonge étroitement liés, façonnent l'existence d'une famille de notables respectés, notaire de père en fils.
     Se sentant près de la mort, le notaire Ippolito Dalla Libera, convoque son fils unique, Iacopo, notaire lui aussi. Il lui révèle le secret de sa vie ainsi que sa dernière volonté : voir une fois réunis ensemble auprès de lui les 53 enfants qu'il eus dans sa vie d'homme infidèle en dehors de son respectable mariage.
     Commence alors pour Iacopo, la découverte des amours cachées de son père dans le même quartier de Ferrare, celui des prostituées et des voleurs.
     Un monde nouveau s'ouvre pour le fils, sur l'autre rive du Pô, un monde bouillant et coloré, un monde tumultueux et chaleureux, une vie intense, insoupçonnée.
     Une femme va le conduire et le plonger, lui le notaire sérieux, le mari fidèle dans la plus délicieuse transgression.
     Et là, le roman s'illumine de mille feux.
     Franceschini joue avec les mots, avec l'intense. Les paysages nous captivent, la volupté nous chavire, la découverte de l'interdit  séduit et le désir embrase.
     Dans une langue suave et délicate, l'auteur nous montre que l'insensé est possible et que le désir  peut encore survenir.
     Le héros nous touche par l'homme nouveau qu'il devient et par la volonté de continuer sur les chemins qu'il a toujours évités en abandonnant le passé.
     L'Italie est sensuelle dans toute sa beauté.
     Un excellent moment de lecture, ici les âmes sont belles, alors ça fait du bien, forcément.
Dario Franceschini - Ailleurs - Editions Gallimard, Collection l'Arpenteur - traduit de l'italien par Chantal Moiroud - 240 Pages - 19 €


lundi 15 mai 2017

Haruki Murakami : Des hommes sans femmes

     Il y a 9 ans, Haruki Murakami publiait un recueil de nouvelles "Saules aveugles, femmes endormies", aujourd'hui avec "Des hommes sans femmes", il reprend la forme courte. Et c'est bien.
     Nous retrouvons l'épure qui lui va si bien et l'ambiance  particulière qu'il a su créer et qui marque son oeuvre.
     7 nouvelles avec pour fil rouge, un thème cher à l'auteur, les relations compliquées entre les hommes et les femmes.
     Ici il est question d'hommes qui vivent sans femmes, ou qui ont vécu avec des femmes et qui pour des raisons toutes différentes se retrouvent seuls.
     Pourtant, nous croisons des femmes à chaque nouvelle. Elles sont libres, audacieuses, compliquées et les hommes subissent leurs états d'âme et leurs mensonges.
     Ces femmes disparues de la vie des hommes, restent pourtant très présentes que ce soit en souvenirs ou en rêves.
     Beaucoup de mélancolie, de solitude, d'instants à jamais enfuis parcourent les histoires.
     L'émotion est là quand nous suivons la trace de ce brillant chirurgien esthétique, célibataire endurci et savourant la vie et les femmes jusqu'au jour où il tombe amoureux fou d'une maîtresse et alors...
     La nouvelle, Samsa amoureux, est étonnante et nous plonge dans le fantastique , un clin d’œil surprenant à Kafka et sa Métamorphose. Murakami nous montre son talent magique.
     Le bar de Kino, au fond d'une impasse où un mari trompé essaie de changer de vie mais survient l'étrange et l'univers envoûtant nous happe comme le héros.
     Beaucoup de références émaillent les nouvelles, qu'elles soient musicales, au jazz , aux Beatles mais aussi littéraires comme à Hemingway pour le titre.
     Même si elles sont peut-être inégales entre elles, juste un peu, le lecteur retrouve le climat étrange qui s'en dégage, cette nostalgie des moments où on a été heureux et qui n'existent plus, la solitude qui pèse et cet instant où même dans le quotidien la magie peut surgir.
      A lire, parce qu' il n'est pas possible de dévoiler toutes les nouvelles.
     A lire, parce que Murakami nous captive avec la beauté de ses histoires d'hommes (et femmes), il nous invite à un rêve envoûtant et nous apprécions une fois de plus une très belle création littéraire.
Haruki Murakami - Des hommes sans femmes - Editions Belfond - Traduit du japonais par Hélène Morita - 304 Pages - 21 €

vendredi 12 mai 2017

Kent Haruf : Les gens de Holt County

     Pour avoir placé toute son oeuvre dans le Colorado cher à son âme et en imaginant cette petite ville de Holt, Kent Haruf rend un hommage vibrant et sincère aux gens simples qui y vivent.
     Nous retrouvons dans "Les gens de Holt County", certains personnages qui nous avaient tant fait vibrer dans "Le chant des plaines"(dans le blog 06 Avril 2017).
     Aux héros qui nous ont émus dans le premier volet, viennent s'ajouter d'autres à qui l'auteur donne la parole avec beaucoup de compassion.
     De nouveau les deux vieux frères célibataires, s'occupent de leur ferme et croulent sous le travail, pourtant ils s'ennuient depuis que Victoria est partie étudier en ville, loin d'eux, emmenant sa petite fille avec elle.
     Un drame va toucher la vie des deux frères inséparables à nos yeux et Victoria revient à la ferme mais repartira à l'université.
     Et puis il y a les autres. Betty et Luther, un couple avec deux petits enfants. Ils vivent dans un mobil home, incapables de se prendre en charge. Ce sont des assistés, ils dépendent des aides sociales, sont suivis par une assistante. Le jour où l'oncle de Betty vient squatter chez eux, ils sont incapables de protéger leurs enfants de sa méchanceté crasse.
     Un petit garçon de 11 ans prénommé DJ dont le court passé pèse sur une enfance dure,  s'occupe tant bien que mal tout seul de son grand-père, il trouve refuge chez une petite copine qui vit avec sa mère et sa sœur.
     Tous les deux essaient de construire un monde plus paisible,  oubliant que seuls les adultes décident et qu'ils doivent quitter l'enfance trop vite.
     Le lecteur vit avec ces gens au plus profond de leur quotidien, dans leur solitude face à une société qui oublie de les entendre. 
     Kent Haruf détaille une Amérique rude, âpre comme les paysages du Colorado.
     Les personnages sont authentiques dans leur désespoir, dramatiquement violents, des vrais naufragés, mais l'auteur sait chercher au fond d'eux-mêmes l'ultime sursaut d'humanité.
     Une écriture sobre et lumineuse, un texte qui respire la vérité, un auteur touchant par la poésie qu'il évoque.
Kent Haruf - Les gens de Holt County - Editions Robert Laffont Pavillons Poche - Traduit de l' Américain par Anouk Neuhoff - 477 Pages - 11.50 €