je veux encore rouler des hanches,

je veux me saouler de printemps

je veux m'en payer des nuits blanches

à cœur qui bat, à cœur battant

avant que sonne l'heure blême

et jusqu'à mon souffle dernier

je veux encore dire "je t'aime"

et vouloir mourir d'aimer

Barbara

lundi 24 septembre 2018

Bernard Malamud : Le tonneau magique

     Bernard Malamud, disparu en 1986 était un écrivain new yorkais. Ce monument de la littérature a notamment été l'inspirateur de  Philip Roth.
     Aujourd'hui son oeuvre fait l'objet d'une  nouvelle traduction, et c'est bien.
     Nous sommes donc heureux de découvrir ou de relire un auteur d'une grande richesse humaine.
     Le tonneau magique est un recueil de 13 nouvelles étonnantes  mais aussi une expérience littéraire intéressante pour pénétrer l'univers de cet auteur.
     13 histoires qui racontent l'existence de juifs modestes immigrés dans le New-York des années 50. Sauf trois nouvelles qui nous emportent en Italie à la même époque.
Les personnages sont souvent cordonniers, épiciers, boulangers, petits commerçants et possèdent tous une authentique envie  de s'en sortir.
     Ils portent en eux la certitude qu'un jour le miraculeux peut arriver pour changer leur existence..
     Malamud  évoque des existences petites et désespérantes mais ils les dépeint sans pathos, avec une grande humanité et malgré la misère et les difficultés la chute est bourrée d'humour, ce qui rend l'espoir possible.
     La nouvelle sur le cordonnier qui rêve de marier sa fille à quelqu'un de cultivé et riche, est un hommage aux livres et à la lecture.
     Manischevitz, un personnage truculent, est tellement désespéré qu'il en appelle à Dieu qui va lui répondre. Mais les apparences sont trompeuses parfois...
      Un livre émouvant parce que rattrapées par l'Histoire, les vies de ces personnages restent marquées par la mémoire de ceux qui ne sont pas revenus.
Bernard Malamud - Le tonneau magique - Editions Rivages - Traduit de l'Américain par Josée Kamoun - 265 Pages - 20.50 €

mardi 18 septembre 2018

Tiffany Tavernier : Roissy

     Un premier roman étonnant et percutant, une belle rentrée littéraire pour cette auteure, que l'on découvre avec un grand plaisir.
     L'aéroport international de Roissy c'est le monde en partance, une foule en mouvement. Anonymes qui se ressemblent scrutant les écrans, la tête dans les étoiles d'un nouveau départ.
     Roissy et ses éternels voyageurs.
     Ce n'est pas cette histoire que raconte ici Tiffany Tavernier. Elle dépeint le portrait d'une femme qui reste, qui ne part pas ou plus. 
     Nous la suivons ici dans ce court roman poignant, elle que l'on ne regarde pas d'habitude.
     Elle s'appelle Anna et erre dans Roissy depuis plusieurs mois, d'un terminal à l'autre. Elle est sans mémoire et fait tout son possible pour la retrouver.
     En attendant elle fait très attention de ne pas se faire prendre par la sécurité, elle côtoie les SDF qui habitent dans les sous-sols, apprend les codes de l'aéroport et son vocabulaires. Elle met en place une routine pour survivre.
     Un jour, elle rencontre Luc, il vient tous les jours attendre l'arrivée du vol Rio-Paris, sa femme a disparu. Lui voudrait oublier le vol, le crash et son chagrin d'avoir perdu son amour.
     Alors de cette improbable rencontre je ne dirai que la possibilité de l'espoir.
     La force de ce roman est de nous faire voir l'envers, les coulisses d'un monde que l'on ne voit pas et la souffrance de ces âmes perdues qui se croisent.
     Anna est bouleversante dans l'angoisse du quotidien fatiguant et des vies qu'elle invente. Elle souffre quand des bribes de souvenirs viennent par vague la hanter.
     L'écriture est tout en retenue mais reste très visuelle. La construction littéraire captive par la rencontre de personnages attachants vivant dans cet entre-deux monde, ceux qui ne partent pas.
     Un livre magnifique d'émotion.
Tiffany Tavernier - Roissy - Editions  Sabine Wespieser - Parution  Août 2018 -  280 Pages - 21 €

dimanche 9 septembre 2018

Michel Moutot : Séquoias

     Michel Moutot, dans un rythme effréné, nous emporte dans une formidable épopée qui débute en 1830, celle des chercheurs d'or.
     A travers l'histoire de la famille Fleming, chasseurs de baleine de père en fils,  le lecteur entame un voyage fascinant sur mer et sur terre et assiste à la construction d'une ville, symbole du rêve américain.
     Prodigieux roman d'aventures, d'histoire, de l'Histoire où le lecteur est catapulté dans une chasse à la baleine au large du Brésil dès l'ouverture du  roman qui le laisse sonné par les odeurs, les bruits et la fureur.
     Les frères Fleming, natifs de l'île de  Nentucket sur la côte est des Etats-Unis, récupèrent le bateau à la mort de leur père.
     Mais les affaires sont difficiles sur l'île et obligent Mercartor, l'aîné, à prendre de nouvelles orientations pour payer les créanciers.
     L'Amérique récupère des nouveaux états cédés par les mexicains et qui regorgent de mines de métaux précieux.
     Dans le pays du rêve américain et de tous les possibles, la fièvre de l'or attire des aventuriers chercheurs d'or et surtout d'un avenir meilleur du monde entier.
     A bord du Freedom, Mercartor, embarque des candidats à la fortune. Ils arrivent dans un petit hameau de pêcheur, Yerba Buena et construisent la ville qui deviendra San Francisco.
      Le texte fourmille d'aventures autour des mines d'or et d'un peuple bâtisseur qui travaille sans relâche.
      Certains feront fortune , d'autres connaîtront de tristes destins mais tous font partie de la fabuleuse aventure de la conquête de l'ouest.
     Un livre passionnant et très bien renseigné, qui se lit avec avidité. Le titre Séquoias interroge avec la photo de la couverture, il y a une explication...Lisez...
Michel Moutot - Séquoias - Editions Seuil - Parution le 05 Avril 2018 - 496 Pages - 21.50 €



Thomas B. Reverdy : L'hiver du mécontentement

     Le roman se situe à Londres pendant l'hiver. Un hiver particulièrement froid, où Candice, une toute jeune femme, entre ses livraisons à vélo et ses répétitions de Shakespeare, traverse une ville secouée par la crise politique.
     Janvier 1979, c'est la grève générale, la société est bloquée et le parti travailliste au pouvoir se fait bousculer par une certaine Margaret Thatcher encore inconnue.
     Certes la crise est mondiale et les événements politiques s'enchaînent sur fond de communisme, pétrole et guerre.
     Les années 80 arrivent et plus rien ne sera plus comme avant.
     Nous suivons Candice qui profite de petits boulots pour payer ses cours d'art dramatique. 
     Pour elle, jouer le rôle de Richard III avec une troupe de filles est audacieux. et important.
     Seulement Candice est insignifiante, dans un tel contexte il est inconcevable de penser le monde comme ça.
      Peut-être méritait-elle une profondeur mais on n'arrive pas à la trouver intéressante.
     Ensuite lire les actualités qui se sont passées dans les années 80 pourquoi pas ? Autant lire le journal.
       "L'hiver du mécontentement" vient d'une parole prononcée par Richard III qui montre l'intemporalité du pouvoir et de sa violence.
       Je n'ai pas réussi à m’intéresser à ce roman malgré la qualité de l'observation de la société par l'auteur.
Thomas B. Reverdy - L'hiver du mécontentement - Editions Flammarion - Parution 22 Août 2018 - 224 Pages - 18 €
       

vendredi 7 septembre 2018

Maylis de Kerangal : Un monde à portée de main

     Maylis de Kerangal aime à explorer les univers particuliers qui nous entourent. 
     Dans son dernier roman de la rentrée littéraire, elle nous emmène cette fois,  découvrir celui du trompe-l'oeil dans la peinture et nous pose ainsi la question: "fait-on de l'art quand on copie le monde ?", et bien sûr raisonne en parallèle la position de l'écrivain face à la fiction.
     Paula, la narratrice est inscrite dans une école de peinture à Bruxelles. Elle se lie d'amitié avec Jonas, son colocataire,  et Kate. Leurs histoires vont se mêler tout au long du récit mais c'est par Paula que le lecteur suit leurs parcours.
     La connaissance de la technique du trompe-l’œil dans cette école est très intense et demande une force physique étonnante ainsi qu'une attention finalement toute saisissante à ce qui nous entoure.
     Car pour copier le marbre ou le bois,  il faut connaître son origine, il faut apprendre le monde.
     L'auteur donne la parole à une toute jeune femme, un peu paumée au début, qui entre en peinture pour mieux entrer dans la vie. Et ça fonctionne bien.
     Nous suivons l'apprentissage de ces jeunes artistes et assistons aux difficultés rencontrées quand ils commencent leur travail.
     Avec leurs expériences  très différentes, de l'appartement cossu aux décors de théâtre en passant par les studios de Cineccita, l'auteur nous invite dans une découverte artistique très cadencée qui ne lasse pas.
     Comme un écho à la création et aux origines du monde, Paula finalisera son expérience par sa participation au fac-similé de la grotte de Lascaux.
     "Un monde à portée de main" est écrit dans un style vif et précis, nous faisant ainsi voyager dans le temps grâce à l'art mystérieux et envoûtant du trompe-l’œil et de la trajectoire de ces jeunes artistes prometteurs.
     Très réussi.
Maylis de Kerangal - Un monde à portée de main - Editions Gallimard (Verticales) - Parution le 16 Août 2018 - 288 Pages - 20 €

mardi 4 septembre 2018

Jérôme Ferrari : A son image

     Pour cette rentrée littéraire, le dernier opus de Jérôme Ferrari nous emmène en Corse, loin des ambiances de vacances pour évoquer l'image d'une enfant du pays, Antonia.
     La belle Antonia, grandit sur l'île et partage l'existence et les combats nationalistes de ses jeunes amis, pourtant elle va partir.
     Elle suivra la guerre dans les Balkans et captera le monde qui s'effondre dans ses photos.
     Quand elle revient tout a changé et pourtant les hommes restent les mêmes. Antonia choisit de devenir photographe de mariages.
     C'est autour de son cercueil que le livre débute vraiment et le prêtre qui est aussi son oncle, nous raconte l'histoire solaire et fulgurante d'Antonia.
     C'est lui qui lui a donné la passion de l'art photographique, c'est dire le chagrin qui l'étreint.
     Le livre se construit au rythme du déroulement de la messe d'obsèques, Jérôme Ferrari déploie son style d'une grande pureté et d'une beauté inclassable.
     Il nous parle de l'art bien sûr et de la photo qui fige et pourtant témoigne du monde, il nous raconte la famille avec ses valeurs et ses peines, il nous fait état des combats qui jamais ne cessent et  il nous dit surtout l'instant où tout bascule et c'est beau.
     La beauté et la chaleur de l'île avec sa violence et ses secrets captivent le lecteur tout en interrogeant  la guerre et l'amour, la mort et la vie.
     Les thèmes que l'on retrouve chez Ferrari sont ici sublimés par une héroïne solaire et par l'île, personnage insaisissable du roman.
Les retours en arrière apportent une profonde nostalgie dans la lecture.
J'aurais aimé connaître un peu plus Antonia, elle méritait peut être quelques lignes supplémentaires, mais sans doute est ce mieux ainsi, elle nous échappe.
Jérôme Ferrari - A son image - Editions Actes Sud - Parution Août 2018 - 224 Pages  - 19 €