je veux encore rouler des hanches,

je veux me saouler de printemps

je veux m'en payer des nuits blanches

à cœur qui bat, à cœur battant

avant que sonne l'heure blême

et jusqu'à mon souffle dernier

je veux encore dire "je t'aime"

et vouloir mourir d'aimer

Barbara

jeudi 23 septembre 2021

Sorj Chalandon : Enfant de salaud



    La rentrée littéraire est l'occasion pour Sorj Chalandon de raconter l'histoire de son père et surtout de l'homme qu'il était pendant l'occupation allemande.

   L'auteur en 1987 est alors journaliste à Libération et à ce titre couvre le procès  Klaus Barbie. Il va utiliser ces semaines d'audience historique pour mettre en scène son père et lui  réclamer la vérité sur ses actes pendant la guerre.

   Le mot" traitre" représente pour Chalandon le fil rouge de son œuvre et il nous offre ici le cri de détresse de l'enfant qui demande une dernière fois : Papa qu'as tu fait pendant la guerre, qui étais tu ?

   L'auteur n'interroge pas sur la monstrueuse culpabilité de Barbie surnommé "Le bourreau de Lyon" et défendu par Vergès dans un procès historique où les actes de barbarie sont détaillées et où les victimes survivantes rendent un ultime témoignage. 

   Il invite son père au cœur de ce procès pour le mettre face à ces errements et mensonges et le somme une dernière fois de dire la vérité.

   Ayant récupéré son dossier judiciaire le condamnant en 1945 à un an de prison et cinq ans de dégradation nationale, Chalandon veut savoir la vérité. Héros ou collabo ? Est-il un enfant de salaud ?

   Mêlant petite et grande histoire, l'auteur rend ici un témoignage poignant contre l'oubli des atrocités de la Shoah et du devoir de mémoire. Mais c'est aussi le cri d'un homme réclamant la vérité qui dresse le portrait d'un père violent, manipulateur et mythomane. 

   Une dernière fois l'auteur tend la main à cet homme. Sorj Chalandon n'aura pas toutes les réponses mais il aura tenté de le comprendre.

   Une écriture remarquable où le lecteur ressent l'émotion intense du passé du père pesant toujours sur l''auteur mais aussi la culpabilité d'avoir espionné ce passé. L'auteur nous parle des regrets des rendez-vous manqués avec son père.

   A lire absolument,

Sorj Chalandon - Enfant de salaud - Editions Grasset - Parution Août 2021 - 336 Pages - 20.90 €

dimanche 11 juillet 2021

Taylor Brown : Le fleuve des rois

 


La lecture du dernier livre de Taylor Brown est une épopée magistrale au long cours sur  l'Altamah River, fleuve mystérieux et mythique de Géorgie. Le récit, intense et  maîtrisé, nous entraîne sur trois époques différentes. Avec des héros peu communs, nous remontons le fleuve dont les eaux abritent de bien  mystérieuses et envoûtantes légendes.

Deux frères, Lawton et Hunter, que tout sépare, décident de descendre en kayak l'Altamah River pour répandre dans l'océan les cendres de leur père. Ce sera un moment de retrouvailles et de reconnaissance après une longue absence. C'est le lieu de vie de leur enfance, les souvenirs surgissent.

L'occasion pour eux d'essayer de comprendre la disparition de leur père, homme mystérieux et secret, ancré dans cette nature sauvage. Nous le suivons dans ses années de jeunesse, dans sa passion amoureuse sur ce fleuve qui fait chavirer les nuits et les âmes.

L'auteur donne aussi la parole à  Jacques Le Moyne de Morgues, cartographe et dessinateur mandaté  par le roi Charles IX en 1564 pour une mission de reconnaissance dans le Nouveau Monde, terre fascinante et inconnue. Nous vivons l'installation et la colonisation de ces premiers colons sur la terre indienne. Les dessins de le Moyne  accompagnent le récit le rendant captivant.

Une descente de  fleuve majestueuse et violente. L'auteur magnifie la nature hostile mais attachante et la présence du fleuve qui abrite une vie intense avec ses maisons flottantes et sa faune incroyable.

Dans la  forêt primitive de cyprès qui borde l'Altamah River, l'auteur nous sert un plaidoyer ambitieux et intelligent sur cette nature que l'homme n'a eu de cesse de saccager.

Une réflexion profondément humaine sur la place de l'homme, sa relation avec la nature, sur le bien et le mal dans les méandres d'un fleuve qui seul continue son chemin vers l'océan.

Alors embarquez, amis lecteurs !

Taylor Brown - Le fleuve des rois - Editions Albin Michel - Traduit de l'américain par - Parution Mai 2021 - 464 Pages - 22.90 €




mardi 15 juin 2021

Piergiorgio Pulixi : L'île des âmes



 L'auteur italien  Piergiorio Pulixi signe ici un roman policier ethnique,  profond et envoutant dans une région mystérieuse et sauvage de la Sicile, Barbagia.

Le meurtre d'une jeune fille retrouvée la gorge tranchée, portant le masque d'un animal et couverte d'une peau de mouton fait resurgir des meurtres anciens similaires qui n'ont jamais été résolus.

Portée par les croyances et la culture nuragique qui s'est développée sur l'île à l'époque du paléolithique, l'enquête nous emmène dans des cultes et rituels ancestraux dans une île rude qui forge les âmes.

L'inspecteur Moreno Barrali a fini sa carrière, rongé par un cancer et par ces affaires qu'il n'a jamais pu résoudre. Cet  homme  a consigné pendant près de 40 ans ses recherches, ses indices et il va les transmettre à l'équipe des deux inspectrices efficaces et téméraires qui viennent d'arriver.

Chaque personnage possède un caractère fort malgré des parcours de vie difficiles.

La construction de ce roman aux paragraphes courts emmène le lecteur dans une aventure palpitante.

D'abord par le ton et le rythme soutenu, l'auteur nous décrit des scènes de crime assez crues et très violentes en alternant des passages de grande poésie sur l'île avec la description d'une nature éternelle ainsi que des  passages intimes sur la vie de ses personnages.

La première partie est très fouillée, remplie d'indices et de descriptions qui posent l'histoire mais le roman s'accélère vraiment dans la deuxième partie pour entamer une enquête folle et sombre qui entraîne le lecteur au cœur des ténèbres.

L'histoire prend alors une dimension angoissante et l'intrigue évolue dans un intense suspense tout aussi passionnant qu'addictif et l'auteur nous surprend avec une fin insoupçonnée.

Le seul petit bémol vraiment petit ce sont les mots et expressions en sarde pas toujours traduits qui ralentissent le rythme de la lecture. 

Sinon le dépaysement est total et les éditions Gallmeister ont fait une sortie réussie en Sardaigne avec un choix excellent. C'est une très belle idée d'ouvrir leur collection à d'autres chemins que ceux de l'Amérique pour le seul plaisir de la lecture.

A lire absolument,

Pergiorgio Pulixi - L'île des âmes - Editions Gallmeister - Traduit de l'italien par Anatole Pons-Remaux -Paru Avril 2021 - 544 pages - 25.80 €


mercredi 19 mai 2021

Colombe Schneck : Deux petites bourgeoises



Colombe Schneck avec beaucoup de délicatesse dresse le portrait de deux jeunes bourgeoises parisiennes, Esther et Eloïse.

Elles se connaissent depuis 1977, en sixième. Elles fréquentent la même institution scolaire, l'Ecole Alsacienne et répondent aux mêmes codes, partagent les mêmes vacances ultra protégées, sont snobs parce qu'elles ne le savent même pas.

Bref, des petites filles à papa, bourgeoises depuis plusieurs générations, même si le parcours de leurs parents est différent.

Elles gravitent dans la même sphère et ont du mal à voir qu'ailleurs existent d'autres gens.

L'auteur nous plonge dans les symboles de la bourgeoisie mais nous raconte surtout l'amitié entre deux jeunes filles, leurs interrogations sur le passage à l'âge adulte, sur les tempêtes qui secouent leur famille et leur couple.

Bourgeois ou pas nous vivons à l'intérieur de nous les mêmes angoisses, les abysses. L'amitié, l'amour, la maladie et  la mort que l'on ne peut accepter concernent tout le monde.

Colombe Schneck le fait avait beaucoup de nostalgie avec un style bien à elle et grâce à ces jeunes femmes nous traversons toute une époque politique et sociale.

C'est léger et grave à la fois, une belle lecture.

Colombe Schneck - Deux petites bourgeoises - Editions Stock - Parution Avril 2021 - 148 Pages - 17 €


mardi 11 mai 2021

Nancy Huston : Arbre de l'oubli

 


Magnifique roman choral, Arbre de l'oubli, nous montre avec les mots de Nancy Huston toute la difficulté d'une destinée.

Avec beaucoup de subtilité et de sensibilité, l'auteur donne vie à deux familles, l'une juive les Rabenstein, l'autre protestante les Darrington. Sur trois générations et avec des points de vue différents, elle aborde avec intelligence beaucoup de thèmes et de questions.

Que ce soit la filiation, la quête d'identité, le fait d'appartenir à une famille, l'esclavage, le racisme et tout ce qui touche à une vie emporte le lecteur dans  l'ombre et la lumière de personnages ancrés dans leur quotidien et touchés par l'Histoire.

La complexité et l'originalité de la construction narrative impliquent davantage le lecteur dans l'histoire des personnages, de l'enfance à l'âge adulte avec les doutes et les failles qui les habitent.

A travers des voix différentes, des lieux et les époques qui changent, un style et un ton différent, Nancy Huston nous explique toute la difficulté de s'affranchir du passé pour construire son chemin.

Joël Rabenstein, brillant anthropologue et Lili Rose sa femme née Darrington, profondément athées ont eu une fille Shayna, jeune métisse, par procréation pour autrui.

Ils n'auront de cesse de se libérer de leur passé et croyance familiale tout en étant concernés par les événements de leur époque.

Un grand roman qui se lit avec beaucoup d'attention et dont l'écho très actuel nous poursuit une fois la lecture terminée.

On aurait aimé faire un bout de chemin avec Shayna , jeune femme lumineuse.

Un livre ambitieux qui interroge et nous montre combien la littérature est nécessaire.

C'est l'occasion de lire ou relire "Lignes de faille" de l'auteur auquel m'a fait pensé "Arbre de l'oubli".

Nancy Huston - Arbre d'oubli - Editions Actes Sud - Parution mars 2021 - 320 Pages - 21 €


mercredi 5 mai 2021

Kate Quinn : La chasseresse



L'auteur nous plonge dans un passionnant roman à travers l'histoire de trois personnages confrontés aux horreurs de la guerre qui, après le procès de Nuremberg, décident de retrouver les criminels nazis enfuis.

Ian, journaliste anglais a été confronté à la mort de son frère, assassiné par la maîtresse d'un haut dignitaire nazi. Coupable de tortures et de meurtres d'enfants, elle a réussi à fuir et devient la cible que Ian et Tony jeune juif américain traquent avec acharnement.

Nina va les aider, elle a eu affaire à cette femme, surnommée la Chasseresse. De nationalité russe, Nina a fait partie d'une escadrille de femmes pilotes chargée de bombarder les sites allemands.

Une nuit son avion s'écrase en territoire ennemi. Obligée de se cacher sa vie ne tient qu'à un fil, elle rencontre cette femme, s'en sortira mais ne l'oubliera pas.

Ensemble ils retrouvent sa trace qui les conduit aux Etats-Unis, à Boston après la guerre.

A Boston où Jordan jeune américaine, passionnée de photos et d'une folle envie d'indépendance , fait la connaissance de sa nouvelle belle-mère. Une jeune femme dont personne ne connaît le passé.

Leurs chemins vont se croiser et la trame romanesque est certes très bien menée avec un suspense croissant.

L'histoire de ces femmes pilotes est unique, surnommées "les sorcières de la nuit",  montre que pendant les guerres les femmes ont su défendre leur pays.

Beaucoup de thèmes sont évoqués ici grâce aux personnages attachants portant des blessures profondes et vraies, comme Nina  pilote et femme sublime et téméraire.

Nous tremblons pour elle au fin fond de la Sibérie au bord de ce lac d'où émergent les pires légendes auprès d'un père alcoolique et violent.

Mais aussi pour le peuple russe qui souffre des injustices du parti qui  surveille et oblige les dénonciations.

Nous sommes confrontés à une Amérique d'après guerre soucieuse de combattre les communistes et oublier la guerre qui est maintenant finie que de traquer les nazis en fuite.

Un magnifique roman qui nous emporte au cœur de l'Histoire. A lire absolument.

Kate Quinn - La chasseresse - Editions Hauteville - Traduit de l'Américain par Agnès Joubert - 704 pages - 19.50 €

jeudi 22 avril 2021

Emuna Elon : Une maison sur l'eau



 Entre Jérusalem où il vit  et Amsterdam où il est né, nous suivons les traces de Yoel Blum célèbre écrivain israélien venu justement dans sa  ville natale pour la promotion de son dernier livre.

En visitant le musée de l'holocauste, il découvre sur un court film de l'époque, sa mère tenant dans les bras un bébé qui n'est pas lui.

Commence alors pour lui une quête de la vérité sur sa famille, sur ce qu'il ressent depuis son enfance, sur ses peurs, ses angoisses et sa difficulté à dévoiler ses sentiments.

Sa sœur restée en Israël lui donnera quelques pistes sur ce passé dans ce pays où ils avaient promis tous les deux, à leur mère, de ne jamais retourner.

Une histoire bouleversante et éblouissante dans une ville ravagée par la guerre où les Juifs sont poursuivis, spoliés et déportés. L'histoire de cette famille s'inscrit dans l'incohérence absolue qu'engendrent les massacres des Juifs dans les pays occupés par l'Allemagne nazie.

La force et l'originalité de ce roman est la proximité des années de guerre dans une ville qui perd tous ses repères comme les familles juives qui y vivent, et les chemins empruntés dans cette même ville de nos jours par un écrivain à la recherche de son histoire familiale.

Un paragraphe sur une époque, un interligne et une autre époque prolonge la vie des protagonistes à travers la quête du héros.

Ecrit superbement, malgré quelques longueurs que l'on oublie vite, il  reste  la découverte ou redécouverte d'Amsterdam, une balade prodigieuse de nos jours et dans l'Histoire.

Un coup de cœur énorme pour cette découverte d'auteur, Emuna Elon, traduite pour la première fois en France et qui porte la voix des disparus.

A lire.

Emuna Elon - Une maison sur l'eau - Editions Albin Michel - Traduit de l'Hébreu par Katherine Werchowski - Parution mars 2021 - 336 Pages