je veux encore rouler des hanches,

je veux me saouler de printemps

je veux m'en payer des nuits blanches

à cœur qui bat, à cœur battant

avant que sonne l'heure blême

et jusqu'à mon souffle dernier

je veux encore dire "je t'aime"

et vouloir mourir d'aimer

Barbara

mercredi 28 octobre 2015

Larry Brown : Père et fils

     Larry Brown est un écrivain américain du Mississipi, disparu en 2004. Ce roman "Père et fils" montre combien il était attaché au Sud et savait décrire des personnages cabossés par la vie tout en exprimant un grande humanité.
     Il sait analyser avec simplicité et efficacité la réalité et donne à ces personnages l'humanité qui leur est refusée. 
     Dans une petite ville tranquille du Mississipi, Glen est de retour chez lui. Il a passé trois ans en prison pour avoir écrasé un enfant alors qu'il était ivre. 
     C'est un homme rempli de haine et de violence qui monte dans la voiture de Puppy, son frère qui est venu le chercher. Sa mère est morte quand il était en prison, et il en veut à son frère et son père, Virgil de ne pas avoir posé une pierre tombale.
     De vieilles histoires  aussi resurgissent, avec le barman violent du coin et puis le shérif qui s'occupe un peu trop de sa petite amie, son père qui a toujours trompé sa mère. Rien ne vient apaiser l'état d'esprit de Glen y compris son fils qu'il refuse de connaître.
     C'est dans ce coin du Mississipi où tout semble d'apparence calme que deux meurtres sont commis. La difficulté à trouver les coupables amène Glen à régler ses comptes avec le passé.
     C'est un roman très fort tout en nuances, violence et lenteur, beauté et outrages où les personnages ont des secrets enfouis dans un passé commun et qui n'arrivent pas à se reconstruire.
     Ils trimballent avec eux des vies ambiguës et pas très brillantes dont les anciens démons viennent encore hanter leur quotidien.
     L'auteur nous dépeint la vie dans un Sud aux relents de ségrégation et où les hommes et les femmes subissent un monde en pleine agonie. Des portraits de personnages saisis dans leur caricature mais que l'auteur a rendu magnifiques.
     C'est un texte très saisissant et percutant, un roman noir à l'écriture serrée et percutante. De la grande littérature.
Larry Brown - Père et fils - Editions Gallmeister - 416 Pages - 11 Euros
     

Amanda Sthers : Les promesses

     Entre Paris et la Toscane, entre passion et solitude, les regrets d'un amour insaisissable et les promesses d'une vie, Amanda Sthers nous promène sur le fil d'une destinée, celle d'un homme Alexandre, entre ombre et lumière.
     Donnant la voix au narrateur, Alexandre ou Sandro selon le pays, elle déroule tout ce qu'une vie comprend de loupés et de réussite avec délicatesse et humour.
     Né d'un père italien très riche et d'une mère française très pauvre, Alexandre est l'héritier de cette famille bourgeoise richissime et porte l'espoir d'une vie réussie. Son grand-père Nonno, attaché aux traditions, le lui rappelle sans cesse.
     La vie d'Alexandre bascule à 10 ans à la mort de son père par noyade . Il rentre alors en France avec sa mère et se retrouve avec une existence sans repères.
     Envoyé pour un temps chez son grand-père il essaiera en vain, de retrouver la légèreté lumineuse des vacances familiales mais s'en échappera pour mener son destin.
     L'amitié fidèle de ses deux amis l'accompagneront tout au long de sa vie avec mariage, naissance, divorce mais aussi nouvelles amours.
     Jusqu'au jour où Alexandre dans un éblouissant coup de foudre rencontre l'amour de sa vie, Laure. Un amour qui restera platonique, de fuites en rendez-vous manqués, marqué par les promesses aux autres et à la vie.
     L'enterrement de Laure qui ouvre le livre, renvoie Alexandre à ses souvenirs.
     Amanda Sthers se glisse avec beaucoup de justesse dans la peau d'un homme pour montrer ses doutes, sa vie, ses passions.
     Entre passé et présent, elle déroule l'existence d'un homme qui n'a pas compris tout de suite que le temps passait vite et qu'il a manqué sa plus belle histoire d'amour.
     Passionné d'incunables, Alexandre poursuit une sorte de quête pour retrouver un livre d'Italo Calvino ayant appartenu à son père.
Les passages concernant les explications sur les spécialistes des incunables avec la recherche, l'achat et la vente, ainsi que les détails de ces livres rares sont très intéressants.
     C'est un beau roman sur les illusions d'une vie durant laquelle Alexandre devient de plus en plus nostalgique et mélancolique. C'est la recherche de l'amour mais aussi d'un certain idéal, pourtant il fallait si peu pour qu'il y arrive, juste bouger.
Amanda Sthers - Les promesses - Editions Grasset - 306 Pages - 19 Euros




vendredi 23 octobre 2015

Alice Zeniter : Juste avant l'oubli

     Un roman déroutant et très complexe qui sollicite le lecteur sur différents sujets comme la pérennité d'un couple, la connaissance d'un écrivain à travers ses oeuvres, l'énigme d'une mort . Le tout baigné dans l'ambiance si particulière de la vie insulaire.
     Alice Zeniter campe son dernier ouvrage dans les îles étranges et fascinantes des Hébrides.
     Le lecteur est entraîné dans une atmosphère de huis clos tourmenté avec un groupe d'intellectuels fétichistes se retrouvant régulièrement sur l'île pour débattre de leur auteur préféré, Galwin Donnel. 
     Maître incontesté du polar, Donnel a vécu sur cette île en solitaire, depuis son douloureux divorce où il a trouvé la mort d'une façon tragique et mystérieuse. Son corps n'a jamais été retrouvé.
     Emilie, passionnée par son oeuvre est invitée au colloque sur l'île pour participer à une conférence où elle interviendra sur "les femmes" dans ses romans.
     Franck son petit ami depuis 8 ans la rejoint. Infirmier,très impliqué dans son travail, il va profiter de ce séjour pour lui demander de vivre avec lui.
     L'auteur mêle habilement l'histoire compliquée et à fleur de peau de ce couple avec ses non-dits étouffants et la vie chaotique d'un auteur de fiction à travers les universitaires et intellectuels présents qui traquent les moindres "scoop" du mythe.
     En utilisant Wikipédia, la presse, des extraits de livres, des interviews Zéniter crée un écrivain imaginaire tout à fait crédible. C'est réussi. On se prend à noter et vouloir livres ses livres.
     Elle mêle dans des styles d'écriture complètement différents plusieurs histoires qui s'entrecroisent et nous interroge sur ce qu'un écrivain donne ou veut bien donner de lui dans un roman.
     Différents niveaux d'histoires, des personnages en filigrane pour un roman tout en subtilité, qui envoûte le lecteur .
Alice Zeniter - Juste avant l'oubli - Editions Flammarion - 285 pages - 19 Euros



vendredi 9 octobre 2015

Alexandre Seurat : La Maladroite

Alexandre Seurat s'empare d'un fait divers effroyable, celui du calvaire d'une petite fille de 8 ans, enfant maltraitée et battue à mort par ses parents. Elle s'appelait Marina, elle est morte en 2009 sans  que rien ni personne vienne  adoucir un seul jour de sa très courte existence.
Un premier roman très fort et très émouvant où l'auteur donne à cette petite fille martyre, le prénom d'une princesse sans étoile, d'une princesse sans royaume, Diana.
Le livre s'ouvre sur la disparation de Diana, 8 ans et de la description de la petite fille le jour de son enlèvement. Très précise, pour une fillette absente depuis longtemps.
Tout au long de ce court récit des  personnes qui ont connu l'enfant témoignent et racontent, comment elle était et ce qui a pu arriver.
De la grand-mère qui n'avait plus de nouvelles aux institutrices qui remarquaient et notaient ses dégradations physiques en passant par les services sociaux et les gendarmes, les témoignages se succèdent et les blancs et les silences font mal.
Effroi, parce que tout le monde savait et qu'il fallait peut de choses pour la sauver : une administration moins lourde et moins bornée, une action plus conséquente des acteurs sociaux et une urgence que personne n'a donné à cette affaire.
Effroi parce que nous voyons nous aussi les bleus sur le corps, les doigts tordus, la démarche en canard, et le regard de cette petite fille perdue.
Le style se maintient dans une distance ne permettant ni pathos, ni voyeurisme et ça c'est bien.
L'auteur a choisi certainement de ne montrer aucun sentiment extérieur et donne une version très clinique et administrative en enchaînant les récits comme on lirait un procès-verbal.
Il restera une fois le livre l'image de cette petite fille pas comme les autres, la maladroite comme disait ses parents car elle se cognait partout, une enfant martyre et un regard auquel personne n'a répondu.
Et une  question se pose lancinante : que fait-on actuellement face à une situation d'enfance maltraitée ?
Alexandre Seurat - La maladroite - Editions du Rouergue la Brune - 124 pages - 13.80 Euros


Jim Harrison : Péchés capitaux

     Jim Harrison revient ici avec son héros, l'inspecteur Sunderson, découvert avec Grand Maître, son précédent roman. "Péchés Capitaux" le voit à la retraite installé dans un bungalow qu'il vient d'acheter dans le Nord du Michigan.
     Amoureux de la pêche, il compte couler des jours paisibles avec son vieux copain.
     Mais rien n'est simple dans la vie de cet homme divorcé, père adoptif d'une trop jolie jeune fille aimant la bouffe, l'alcool et le sexe, le tout avec excès bien sûr.
     Si beaucoup de meurtres sont commis et qu'une enquête devient indispensable pour l'ex inspecteur Sunderson, l'intrigue ne mène pas ce roman, à la limite elle n'a pas grand intérêt.
     Il est question ici de violence, la violence profonde qui fait partie selon l'auteur de la constitution américaine, son huitième péché capital.
    L'auteur lui même amoureux des grands espaces, de la nature et de la pêche nous raconte une fois de plus l'Amérique dans ses paradoxes. L'ultra puritanisme abrutissant face à la réalité violente de la société habitent ce livre.
     Les personnages sont à l'image de Harrison et portent en eux une réflexion profonde sur la vie, la vieillesse, l'alcool, les thèmes chers à l'auteur.
     L'auteur évoque aussi la littérature et son pouvoir, l'inspecteur Sunderson s'y laisse prendre et écrire sur ce fameux huitième péché capital.
     Alors peut-être pas, le meilleur Harrison si l'on recherche une intrigue et un suspense bien ficelés, mais un excellent roman pour ceux qui aiment ce grand auteur qui atteint ici la perfection dans son style.
     Un style à lui, unique, que l'on découvre plus direct, rempli d'humour et de désespoir à l'image de cette Amérique où il vit.
     A lire pour ce Grand Monsieur,
Jim Harrison - Péchés capitaux - Editions Flammarion - traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Brice Matthieussent - 350 pages - 21 Euros



samedi 3 octobre 2015

Toni Morrison : Délivrances

     "Délivrances" est le 11ème roman de Toni Morrison,  auteur remarquable et Prix Nobel de la Littérature en 1993. A la différence des autres romans celui-ci est ancré dans une Amérique contemporaine. 
     L'auteur évoque ici, avec un regard triste et profondément pessimiste, les violences faites à l'enfance, la négligence perverse des adultes trop égoïstes pour comprendre  et les failles irrémédiables que de tels comportements entraînent. 
      Sur fond de racisme et de discrimination, elle brosse le portrait d'une Amérique au  prise avec ses démons de toujours.
     A sa naissance Lula-Ann est beaucoup trop noire, trop sombre. Pour ses parents, mulâtres au teint très clair, c'est un outrage, une catastrophe. Le père quitte le foyer et la mère sera dans l'incapacité de donner le moindre amour à sa fille.        Sa couleur de  peau lui renvoie le plus profond dégoût. La douleur de la peau trop noire.
     Adulte, Lula-Ann est devenue Bride, une très belle femme à la peau superbement sombre.
     Quand son amoureux, Booker la quitte en lui faisant comprendre qu'elle n'est pas la femme qu'il veut, Bride se sent moralement et physiquement anéantie. Le passé revient la bousculer et elle se lancera sur les routes de sa vérité en quittant pour un temps son travail.
     Des délivrances, il y en aura pour elle la petite fille qui a tout fait, y compris une accusation terrible pour sentir la main de sa mère toucher sa peau, pour Booker qui pansera ses blessures et fera le deuil de son frère victime de la folie des adultes. Délivrance du mensonge pour permettre de continuer un peu moins mal qu'avant.
     Beaucoup d'enfants habitent ce roman, enfants meurtris, enlevés, violés, pas aimés, blancs et noirs, vivant ou pas.
     Toni Morrison martèle les douleurs, crie les innocences bafouées, revendique la couleur de peau et avec audace et sensibilité fait de ses romans un hymne à la mémoire des Noirs.
     Dans un récit à l'écriture épurée, Toni Morrison mêle le fantastique comme toujours et c'est un plaisir. Il rend la réflexion plus profonde, et montre combien l'oubli et le pardon sont difficiles.
     C'est l'histoire d'un beau couple aussi, celui de Bride et Bokker qui balaie les mensonges pour sortir des non-dits et qui porte en eux désormais un espoir lumineux.
     A lire parce que Toni Morrison possède une sensibilité unique.
Toni Morrison - Délivrances - traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Christine Laferrière -Editions Christian Bourgois - 200 pages - 18 Euros