je veux encore rouler des hanches,

je veux me saouler de printemps

je veux m'en payer des nuits blanches

à cœur qui bat, à cœur battant

avant que sonne l'heure blême

et jusqu'à mon souffle dernier

je veux encore dire "je t'aime"

et vouloir mourir d'aimer

Barbara

mercredi 29 avril 2015

Jean Luc Seigle : Je vous écris dans le noir

   En s'emparant d'un fait divers des années 50, le meurtre très médiatisé de Félix Bailly par Pauline Dubuisson, Jean-Luc Seigle signe un portrait émouvant et profond d'une femme au destin brisé.
   Le fait divers a d'ailleurs inspiré à Clouzot un film, La Vérité, où Bardot dans le rôle de Pauline, explose de féminité et de sensualité troublante. Sorti en 1962, il montrait d'elle l'image d'une femme légère et manipulatrice.
   L'auteur, ici écrit à la première personne et prend l'identité de cette femme, pour raconter à travers des cahiers jamais retrouvés, ce qu'elle aurait pu écrire.
   Un travail de recherche, où l'empathie que l'on ressent pour son personnage n'empêche nullement le désir de comprendre et d'approfondir une vie détruite par la faute des hommes.
   Étudiante en médecine, âgée de 23 ans elle tue son amant. A son procès en 1953, la peine de mort est demandée.Condamnée à perpétuité, sortira 9 ans plus tard pour bonne conduite.
   Beaucoup d'injustice et d'acharnement s'abattent sur Pauline. Aucune femme n'est condamnée à mort pour un crime passionnel. C'est surtout son passé que l'on juge,ses moeurs légères, sa liberté, et aussi toutes les femmes tondues à la libération comme elle.
   Victime des hommes, de son père d'abord qui la jette dans les bras dans médecin allemand pour pouvoir nourrir sa famille.Cette relation passionnelle avec son père est la première blessure.
   Arrêtée, battue, violée, tondue à la libération, elle est une fois encore livrée à la haine et la violence des hommes.
   C'est cette vérité que Pauline tentera toute sa vie de dire, et contre laquelle se briseront toutes ses illusions.
   Jean-Luc Seigle émeut par son écriture et sa recherche de vérité. Son style reste toujours fluide et très fort.
   Il y a beaucoup d'émotions dans ce texte, une grande compassion qui nous submerge.
   Bien sûr, Jean-Luc Seigle invente ce qu'elle aurait pu écrire ou dire. Il comble les silences.
   Mais il le fait en nous mettant face à une femme pour laquelle personne n'a eu d'attention, ni de pardon.
   Au fur et à mesure, le récit livre des moments de grande cruauté, quand on découvre le visage du père pas si aimant que ça, l'enfer carcéral, le délitement familial, les amours en fuite.
   Pauline fera tout pour être reconnue, aimée. Elle sera mais mal, très mal.
   La sortie du film de Clouzot la contraint à s'exiler au Maroc. Dernière ligne droite, dernier amour et encore la vérité qu'elle voudra dire et qui va la chavirer à jamais.
   Une vie noire, un destin injuste, une indifférence totale de la part d'une société qui voulait régler ses comptes.
   Jean-Luc Seigle avec maîtrise nous montre toute l'ambiguïté de cette femme qui finalement a toujours été seule.
Jean-Luc Seigle - Je vous écris dans le noir - Editions Flammarion - 240 pages - 18 Euros

dimanche 12 avril 2015

Caroline Tiné : Le fil de Yo


     Depuis deux ans, Yo travaille comme infirmière psychiatrique dans une clinique pour dépressifs. Elle s'occupe de malades avec leurs phobies, leurs phases de délires, leurs tocs mais aussi leurs moments de calme où ils se trouvent confrontés à une grande détresse.
     La prise en charge de ses "fous", comme elle les appelle simplement, l'aide à combler ses vides et à tenir à distance un passé trop lourd à porter.
     Atypique dans ses méthodes, Yo fait pourtant preuve d'une grande empathie et d'une écoute remarquable vis à vis de ces personnes souffrant de fêlures profondes. Sensible, elle est très efficace pour soulager leurs angoisses. Les fameux mots qui savent soigner les maux.
     Mais la psychologie de Yo ne s'arrête pas à la porte du pavillon bleu dont elle a la charge. Le soir, elle se rend dans son café préféré et là, à sa façon elle apporte douceur et calme.
     Deux univers se côtoient et se rencontrent.
     La clinique psychiatrique qui représente un monde où les patients souffrent mais guérissent aussi, parfois et le monde de Yo, fragile et forte à la fois, qui  apporte légèreté et calme dans leur souffrance.
     L'arrivée d'une nouvelle malade, Agathe, vient perturber l'équilibre de Yo et secouer son "fil"intérieur qui la maintient droite.
      Ecrit avec beaucoup de sensibilité et de vérité, Caroline Tiné a su avec un thème lourd, comme la maladie et les désordres psychiatriques, nous raconter des moments de vie de grande beauté.
      Les personnages sont attachants, douloureux dans leurs angoisses et lumineux quand la lucidité revient et il en ressort une étonnante impression de calme à la lecture de ce livre.
      Yo, jeune femme dont on connaît au fil des pages sa vie déjà trop remplie, fait partie de ces personnes que l'on rencontre et que l'on croit forts, alors qu'ils ne sont que larmes et fêlures.
       Dans ce roman doucement mélancolique, le lecteur laisse ses préjugés sur la folie, fascinante et effrayante,  pour l'aborder d'une manière humaine.
       Un livre construit de façon claire avec des chapitres courts, à l'écriture très délicate.
       Une découverte intéressante.
Caroline Tiné - Le fil de Yo -  Editions JC Lattès - 250 pages - 18 Euros

Russel Banks : Un membre permanent de la famille

     Remarquable auteur américain, Russel Banks nous offre ici un recueil de nouvelles tout à fait brillant et émouvant.
      Difficile l'exercice de la nouvelle, elle doit nous intriguer dès les premiers mots, nous emporter tout au long de la courte histoire et nous chavirer au final.
    Transmettre l'essentiel en très peu de pages, Russel Banks l'a fait avec talent.
     En observateur de l'humain, l'auteur met en scène des personnages de la middle class, américains blancs et noirs. Ils ont tous en commun une vie banale qui leur échappe, une solitude chargée de peur, d'impuissance et d'échec.
     Ils avancent dans la vie au bord de toutes les ruptures et en marge d'une société qui ne les voit plus.
     Ce sont des tranches de vies qui ont basculé à un moment précis.            Divorce, séparation, manque d'argent, racisme, les personnages se révèlent tout au long de ces récits à travers douleur et espoir.
     Noyés dans des quotidiens souvent insignifiants, ils sont en quête d'humanité et lutte chacun à sa manière pour ne pas sombrer.
     Si ces instantanés de vie sont parfois sombres et cruels, Russel Banks arrive à ne pas donner dans le larmoyant en mettant assez de justesse pour  que le lecteur se sente en immersion totale.
     L'écriture est magnifique, au plus près de ces hommes et femmes qui souffrent ou ont beaucoup trop souffert.
     J'ai aimé "Ancien Marine", l'histoire d'un père au prise avec la vie et ses fils, "Fête de Noël" montre la solitude et la blessure d'un homme quitté, "Transplantation" m'a émue dans les dernières lignes.
     Je vous laisse découvrir ces nouvelles et trouver dans ces vies blessées qui est le membre permanent de la famille.
     Très beau, à lire.
Russel Banks - Un membre permanent de la famille - Editions Actes Sud - 238 pages - 22 Euros


lundi 6 avril 2015

Chimamanda Ngozi Adichie : Americanah

     Chimamanda Ngozi Adichie nous régale avec les aventures d'une jeune femme nigérianne, Ifemelu. Tout au long de ce roman dense et époustouflant, ce prénom résonne comme une note envoûtante. Le temps se pose quand on le prononce.
     Ifemelu c'est toute l'Afrique contenue dans ces sonorités tout à fait féminines.
     Du Nigéria qu'elle quitte à la fin de sa scolarité aux USA où elle se rend pour continuer ses études, nous la suivons essayer de réaliser son rêve de réussite.
    Entre passé et  présent,  regret et nostalgie, la magie fonctionne et nous sommes sous le charme de cette jeune femme remplie d'espoir et et de fantaisie.
     Ifemelu laisse au Nigéria son amour d'enfance, Obinze, retardé par des tracasseries administratives.
    Arrivée en Amérique, elle prend conscience pour la première fois qu'elle est noire. Africaine dans un pays réservé aux blancs, elle découvre le racisme, les différences culturelles, les noirs d'Amérique et toutes les nuances de la désillusion.
     Malgré le soutien de la famille installée là-bas, elle est confrontée à toutes sortes d'humiliation et de difficultés avant de trouver un travail.
     Elle livre vraiment ses pensées et devient célèbre en créant un blog où elle notera ses observations sur les noirs américains. Dans de courts billets brillants et efficaces, elle se lâche et interroge sur les préjugés, l'appartenance à un groupe, la reconnaissance dans une société impitoyable.
    Quand elle décide de rentrer au pays, 15 ans plus tard, c'est naturellement vers Obinze que vont ses pensées. Pour ceux restés au pays, elle est une Americanah, une femme entre deux cultures.
     Il se sont tellement aimés que les expériences vécues séparément les soudent encore plus fort.
     C'est un livre extraordinaire.
     D'abord il est rempli de couleurs, d'idées de coiffure (si si des tresses, des nattes, des boucles, du lissage....) et surtout c'est une étude  engagée et intelligente sur ce que l'on est vraiment et sur cette difficulté de s'accepter et d'accepter l'autre.
      Mais c'est aussi une très belle histoire d'amour, on ne peut vraiment pas lâcher le livre, parce que l'auteur nous fait connaître la fin......qu'à la fin.
      Vraiment un livre à lire. Superbe, farfelu et profond.
Chimamanda Ngozi Adichie - Americanah - Editions Gallimard - 528 pages -  24.50 Euros

vendredi 3 avril 2015

Francesca Melandri : Plus haut que la mer

     Francesca Melandri nous raconte avec beaucoup de sensibilité et de délicatesse, l'histoire de trois destins réunis dans une parenthèse nocturne où chacun va trouver dans cette nuit particulière le calme et le réconfort à une vie bousculée.
     Nous sommes en 1979 et l''talie,meurtrie, panse ses blessures post-révolutionnaires.
     Dans un pénitencier de haute sécurité situé sur une île face à la Sicile, les visites se font en empruntant le bateau-navette du centre.
Paolo est venu rendre visite à son fils, membre des fameuses Brigades Rouges qui ont ensanglanté le pays. 
     Au nom d'un idéal de liberté et de justice sociale, il revendique encore les enlèvements et les meurtres sauvages qui ont été commis.
     Luisa, agricultrice, prend aussi le bateau pour voir son mari détenu aussi à la prison.
      Violent et alcoolique, il a tué un homme un jour de beuverie. Tuant ensuite un gardien, il se retrouve en haute sécurité sur l'île.
     Pierfrancesco, lui est gardien et vit sur l'île. Depuis quelque temps, la lassiture s'empare de lui devant cette violence contenue. De gardien appliquant la loi, il se sent devenir bourreau.
     Un soir que le mistral souffle particulièrement fort, la voiture, les ramenant au bateau du retour, a un accident.
     Hébergés et accueillis par Perfrancesco et sa femme, Paolo et Luisa vont passer une nuit à parler de leur solitude, de l'incompréhension dans laquelle toute cette violence les a plongés.
     Comment peut on encore aimer et comprendre son enfant quand il a commis les pires crimes ?
     Et comment une femme seule peut s'en sortir et accepter de rendre visite à un homme qui l'a terrorisée à l'extérieur ?
     Dans ce huis-clos, la nuit va briller d'une grande intensité pour ces personnages remplis de grande solitude.
     Ce n'est pas un livre sur les attentats, les revendications mais sur l'être humain quand la vie bouscule et frappe fort.
      Très doucement, quelque chose arrive qui va les soulager d'un fardeau trop longtemps porté.
      Le père,  en dépit de tout aime son fils, et il en prendra conscience douloureusement et Luisa abordera des rives plus calmes.
      Un geste esquissé, un murmure et la vie continue.
Francesca Melandri - Plus haut que la mer - Editions Gallimard -  208 pages - 17.90 Euros