je veux encore rouler des hanches,

je veux me saouler de printemps

je veux m'en payer des nuits blanches

à cœur qui bat, à cœur battant

avant que sonne l'heure blême

et jusqu'à mon souffle dernier

je veux encore dire "je t'aime"

et vouloir mourir d'aimer

Barbara

vendredi 31 janvier 2014

Toine Heijmans : En mer

Prix Médicis Etranger 2013, le premier roman du  néerlandais Toine Heijmans, nous entraîne dans un huis clos sombre et sans échappatoire possible puisque c'est sur un bateau que se déroule l'histoire. 
Ce n'est pas un roman sur la mer, comme le laisse supposer le titre, mais sur les abîmes de l'âme d'un homme qui décide un jour, par profonde lassitude, de quitter son travail et de partir sur son voilier.
Après trois mois passés en mer, du Danemark jusqu'en Hollande, il embarque lors de sa dernière escale sa fille, Maria, à bord de son bateau.
48 heures de navigation entre un père et sa fille, histoire de donner la dimension qui manque à ce père capitaine, de prouver que c'est possible d'emmener une petite fille à bord, de montrer à sa femme qu'il est capable, de se prouver tout simplement.
Tout commence et bascule au moment où Maria monte sur le bateau. La première phrase est prémonitoire "Je n'avais pas vu les nuages".
Le père sent qu'il se passe des choses, le vent durcit et la mer se brise sur le navire, il s'enfonce dans ses réflexions, il plonge dans des gouffres d'angoisse dont il ne peut revenir.
L'auteur nous balance au rythme de la tempête dans une réalité rêvée et trompeuse, nous laissant observateur d'un homme dont la faiblesse et l'inconséquence surprennent.
Si le rythme est soutenu, il manque une profondeur psychologique dans le comportement trouble de cet homme, l'ambiance particulière où tout bascule n'est pas rendue à sa juste mesure et reste en attente.
Sans dévoiler la fin, l'angoisse aurait pu être plus fortement décrite, la paranoïa plus accentuée, sans doute les termes trop techniques y sont pour quelque chose.
Je n'ai sans doute pas le pied marin et j'avais hâte d'accoster !


jeudi 30 janvier 2014

Duong Thu Huong : Les collines d'eucalyptus

Le fait divers  s'est déroulé dans les années 80 avec la disparition d'un jeune garçon de 17 ans au Vietnam. L'auteur essaie grâce à ce  roman d'expliquer sa fugue et d'imaginer ainsi ce qu'aurait pu être son destin. Duong Thu Huong lui donne le nom de Thahn.
Véritable roman fleuve, dont le thème évoque le fils prodigue, il débute dans un camp de prisonniers où le quotidien est d'une insoutenable violence et où la promiscuité détruit les êtres. Thahn  a été condamné à 25 ans d'emprisonnement pour le meurtre de son amant.
Thahn est issu d'une famille  aimante, ses parents sont enseignants. Thahn éprouve pour sa mère (mère-biche) un amour fusionnel et c'est pour lui épargner le chagrin, qu'un jour il part, après avoir découvert son homosexualité.
Fuyant avec son jeune amant, mi-voyou, fils d'un père-poète extrêmement violent et perturbé et d'une femme meurtrie et inexistante, il sera entraîné sur les chemins tortueux de la vie et sur la difficulté des sentiments amoureux.
Cette relation amoureuse souvent complexe et où le faible est entraîné et utilisé malgré dans des situations hautement malsaines.
C'est avec travers les histoires des personnages qui croisent sa route, que nous prenons connaissance de la jeunesse, de la vie et des expériences malheureuses de Thahn.
Les différents récits successifs,comme autant de romans entremêlés, construisent une fresque du Vietnam au souffle historique intense.
Mais c'est aussi  le talent de narration poétique de l'auteur que l'on retrouve ici.
Elle nous emmène dans une promenade époustouflante dans un Vietnam aux paysages surprenants  avec ses vertes collines et ses champs de pamplemoussiers,  à la nourriture odorante et colorée, au poids des coutumes ancestrales. 
Malgré des longueurs certaines (790 pages), sans doute accentuées par les réflexions et interrogations sur ses pensées les plus intimes que se fait sans cesse Thahn, le livre reste intéressant pour cet amour du Vietnam que l'auteur porte toujours en elle et qu'elle sait transmettre.
La question que pose le livre : Que faisons nous subir à nos enfants ? interroge aussi sur les erreurs, les maladresses et le mal que font parfois subir les adultes quand ils ne sont pas à la hauteur.




lundi 20 janvier 2014

Bergsveinn Birgisson : La Lettre à Helga

Dans son premier roman, Birgisson nous entraîne à la découverte de l'Islande et la vie à la campagne auprès des éleveurs de moutons dans les années 40.
Roman épistolaire émouvant et prenant,  fin et puissant, il nous raconte une vie remplie de passion et de désir, de choix de vie voulu ou inéluctable dans une lettre confession. Une lettre unique et sacrée, celle écrite trop tard à la femme de sa vie.
Bjarni, l'auteur de cette longue lettre (130 pages) est un vieil homme de 90 ans, et il  vient d'enterrer sa femme.
C'est l'occasion pour lui, une dernière fois, de raconter à celle qu'il a toujours aimée, Helga, ce que fut sa vie sans elle mais aussi ce qu'elle a représenté dans son existence
Contrôleur cantonal des réserves de fourrage,  il a pour voisine la belle Helga dont le mari, dresseur de chevaux, est souvent absent.
Pendant une saison qui restera à jamais dans sa mémoire, la saison de l'amour, ils vont s'aimer, avec passion et violence au risque de voir leur quotidien chamboulé à jamais.
Pendant que sa femme devient aigrie et distante, il s'abandonne dans les bras de la belle et voluptueuse Helga.
Quand elle lui annonce qu'elle est enceinte de lui et qu'elle veut vivre avec lui en ville, Bjarni ne peut se résoudre à quitter sa femme, sa terre, ses bêtes, à abandonner sa vie d'avant.
Elle rompt et reste avec son mari , faisant taire les rumeurs. 
C'est de loin désormais qu'il observe Helga et sa fille, éperdu au spectacle de cette famille qui aurait pu être la sienne.
Un hommage vibrant est rendu ici à la terre transmise de génération en génération, à la nature sauvage, au climat dur dans ces contrées.
Il reste l'éleveur de moutons passionné par son travail et par le devoir accompli, l'amoureux des livres et des poètes qui illuminent son récit, l'éternel malheureux de l'absence de sa Belle.  Barjni n'aura jamais le courage de partir pour elle.
Tout au long de sa lettre, émouvante mais aussi drôle, nous assistons à la force de cet amour qui a traversé le temps, toute une vie, sans être vécu pleinement ou peut être parce qu'il n'a pas été vécu pleinement.
Ce roman intense, interroge sur la passion charnelle, et des choix faits dans une vie et surtout de leurs conséquences.
Bjarni a tout simplement été trop lâche, il aurait pu aimer sa belle, ailleurs, mais sans doute l'aurait-il moins aimé.
Une véritable pépite littéraire islandaise !




vendredi 17 janvier 2014

Joyce Maynard : Long week-end

Le narrateur s'appelle Henry et donne la voix à un épisode marquant de sa vie.
Nous sommes en 1987, il a treize ans et l'histoire se déroule pendant le long week end du Labor Day, dans une fin d'été caniculaire.
Sa mère, Adèle, est une femme meurtrie par la vie, abandonnée par son mari qui s'est remarié, elle vit seule avec son fils, l'entraînant dans ses réflexions et ses regrets, partageant aussi sa profonde solitude.
A l'occasion de leur sortie mensuelle, pour faire le plein en produits surgelés au supermarché du coin, mère et fils sont victimes délicatement et tout en  douceur d'un kidnapping.
Franck, par qui tout arrive, s'est échappé de prison. Blessé, il profite de ce long week end pour semer la police et  les prend en otage sans violence dans le supermarché.
Alors que le fait divers passe en boucle sur toutes les chaînes, s'installe dans la maison un curieux huis-clos faisant écho à celui que vivaient déjà la mère et son fils.
Sous les yeux d'Henri, Adèle change de comportement. Elle s'intéresse à l'histoire de Franck, raconte aussi la sienne, devient une autre, s'illumine.
Des regards sont échangés, qui en disent long, une nouvelle complicité naît, l'amour aussi, violent charnel, érotique.
Henry n'occupe plus la première place, jaloux sans doute au prise avec des doutes sur son avenir et pourtant, il éprouve pour Franck un véritable intérêt et une admiration certaine.
L'isolement et la chaleur torride exacerbent les comportements et la réalité va bientôt rattraper ce monde que se sont crées ces derniers personnages aux fêlures profondes.
C'est beau, c'est bien écrit avec beaucoup de délicatesse et d'humour. Le lecteur est plongé dans l'univers des banlieues résidentielles américaines où les voisins ont une curiosité malsaine, où rien ne se passe vraiment de bien intéressant et où la solitude colle à la peau.
Beaucoup de thèmes chers à l'auteur, l'enfance et ses interrogations, la chance à saisir, le hasard qui bascule un destin, le divorce sont très bien évoqués dans ce récit.
"Les six plus beaux jours de ma vie", une fois le livre fermé il en reste comme une mélopée.



mercredi 15 janvier 2014

Gaëlle Josse : Noces de neige

Gaëlle Josse nous charme profondément  avec Noces de neige, intense et bref roman dont les deux héroïnes, à des époques différentes, partagent la même épopée ferroviaire.
Un récit à deux voix, alternant les époques, se déroule au rythme lancinant et monotone du train, aux pensées exacerbées par un confinement excessif et l'impatience des dernières heures passées dans la bulle isolante du wagon.
En mars 1881, Anna, fille d'aristocrates russes attend avec toute sa famille sur le quai de la gare de Nice, le train qui les emmènera en Russie, après avoir passé l'hiver sur la Riviera.
Impatiente de retourner en Russie, Anna se retrouve confinée dans le compartiment pour de longues journées : promiscuité, intimité dévoilée, ennui absolu.
Ces quelques jours verront sa vie bouleversée à jamais...
En mars 2012, Irina, fuit une vie de misère et de violence et prend le train à Moscou pour retrouver un jeune homme Enzo rencontré sur un site spécial sur internet et avec qui elle correspond depuis plusieurs mois.
Avec en tête les messages d'amour et de promesse échangés, elle a hâte d'arriver à Nice où vit le jeune homme.
Pour elle aussi, rien ne se passera comme prévu.
Une écriture maîtrisée dans le style et dans la forme. Deux voix, deux textes, deux époques alternent et décrivent leur problématiques.
Deux familles évoquées à deux siècles d'intervalle, qui ne se croisent pas mais qui sont liés par la destinée.
Gaëlle Josse a une sensibilité pour nous faire découvrir les fêlures de ses personnages, pénétrer les mensonges et secrets familiaux au détour d'une conversation,. 
Elle arrive à nous troubler par la violence de la modernité que sont les  messages d'amour envoyés à un destinataire jamais vu, cette fuite d'une jeune femme perdue amoureuse de l'amour et prête à tout pour y croire.
La découverte d'Enzo, et là je ne peux en dire plus, montre combien Gaëlle Josse maîtrise l'écriture poétique en donnant au texte toute la beauté troublante du réalisme.
Dans les jeux de voix, la palette des sentiments est diffusée de manière sensible et grave et l'alternance des époques nous trouble comme ce voyage qui devient un peu hors du temps.


lundi 13 janvier 2014

Laurent Seksik : Le cas Eduard Einstein

Laurent Seksik se saisit pour écrire son dernier roman d'un drame intime et familial, celui de la maladie mentale d'Eduard Einstein, fils d'Albert Einstein.
En laissant la parole à trois personnages, Albert Einstein, le père, Mileva, la mère et Eduard le fils, il retrace les liens d'amour, de haine et de solitude qu'ils ont vécus.
En 1930, déjà divorcée de son mari, Miléva laisse son fils, diagnostiqué très tôt schizophrène, à l'asile psychiatrique de Zurich où il finira ses jours.
"Mon fils est le seul problème qui demeure sans solution" a écrit Albert Einstein. Le génie, prix Nobel  de Physique en 1905, ne  peut comprendre et n'assumera jamais la déficience mentale de son enfant.
Exilé en Amérique en 1933, en raison des menaces qui pèsent sur lui dans une Allemagne qui bascule progressivement dans le nazisme et la haine des Juifs, il ne reverra jamais son fils et éprouvera pour lui incompréhension et douleur.
Mileva, ne se remettra jamais de la séparation et de l'abandon de son mari, ce savant reconnu dans le monde entier. Seule, elle élèvera ses deux fils dans une rancoeur constante contre leur père. Dévouée entièrement à Eduard, elle s'en occupera toute sa vie.
Eduard est un  pianiste doué et  un étudiant en médecine prometteur. Mais il est schizophrène et atteint de troubles de la personnalité, il va subir des traitements douloureux à une époque où la médecine ne savait pas soigner cette maladie.
Il alternera jusqu'à la fin de sa vie  réclusion psychiatrique et électrochocs avec les sorties autorisées chez sa mère.
Il nous livre ses pensées, sombrant parfois dans une certaine lucidité  bien vite rattrapée par sa psychose.
Avec une infinie maîtrise, l'auteur fait part des réflexions les plus intimes des trois protagonistes à travers le biais des journaux, des lettres et de la radio.
Trois destins face à la folie.
C'est un livre bouleversant, sur la filiation,sur le génie et ses faiblesses,  sur toute une époque qui a vu l'avènement de la barbarie en Europe, sur l'image écornée d'une Amérique plongée dans le Maccarthysme.
Mais c'est aussi la face cachée d'un grand homme, engagé dans toutes les luttes, vénéré dans ses recherches scientifiques qui se retrouve dans un effroi le plus total devant la folie de son fils.
Le style est précis, les phrases courtes ajoutent de l'intensité au récit.
L'auteur ne juge pas même si le lecteur se laisse tenter de le faire.

dimanche 5 janvier 2014

Nelly Alard : Moment d'un couple

Récompensé par le Prix Interallié en 2013, le dernier roman de Nelly Alard, dissèque un adultère chez un couple de  bobos parisiens qui se transforme en véritable drame psychologique avec harcèlement, passion, bref une histoire qui arrive partout.
Un triangle amoureux dans les quartiers chics. Olivier est journaliste politique, Juliette est informaticienne. Ils ont deux enfants et représentent un couple de quadras modernes. L'autre, Victoire,  par qui tout arrive, est une brillante élue politique socialiste.
Alors, quand Olivier lui apprend par téléphone qu'il a une liaison, l'univers de Juliette bascule. Elle se sent trahie mais décide de tout faire pour garder son mari.
La maîtresse n'en reste pas là, et on peut imaginer la guerre des nerfs que ces trois là vont se livrer.
L'auteur décrit la lassitude inéluctable du couple, la fin de l'amour et du désir, l'humiliation de la trahison et l'illusion du possible.
L'homme est lâche à souhait et les femmes se disputent le mâle.
Rien à dire de plus.


Chloe Hooper : Fiançailles

Après des études d'architecture dans son Angleterre natale, Liese part pour l'Australie et aide son oncle à son agence immobilière de Melbourne.
Au cours des visites qu'elle effectue, elle fait la connaissance d'Alexander, un  riche propriétaire terrien désirant acheter un appartement en ville.
Une relation très spéciale va alors se nouer, puisque Liese se fera rémunérée chaque rencontre lui faisant croire qu'elle est une professionnelle du sexe.
Un jeu tout à fait pervers et consenti jusqu'au jour où Alexander lui demande, puisque Liese a décidé de quitter l'Australie, de venir passer un dernier moment ensemble. Tout un week-end chez lui.
Et ce que l'on pensait comme un week-end torride se transforme alors en enfermement dans une maison mystérieuse perdue dans la campagne australienne et  où les personnages vont se dévoiler de manière surprenante et inquiétante.
Une écriture puissante dont la vivacité et la sobriété rendent ce thriller psychologique très angoissant.
Le lecteur passe lui aussi le week-end en compagnie de personnages pris dans le jeu de la vérité et du mensonge, du feu et de la glace.
Les émotions sont magnifiquement rendues et le lecteur, comme Liese, se perd avec les apparences.
Le repas de fiançailles est une scène absolument liquéfiante où l'on frôle folie et psychose mais le meilleur ou le pire reste à venir,  et là je vous laisse le découvrir.

jeudi 2 janvier 2014

BONNE ANNÉE 2014

Très bonne année 2014 à tous 
Je vous souhaite beaucoup de belles rencontres littéraires
De nouveaux articles vont être mis en ligne
à bientôt

Marie