je veux encore rouler des hanches,

je veux me saouler de printemps

je veux m'en payer des nuits blanches

à cœur qui bat, à cœur battant

avant que sonne l'heure blême

et jusqu'à mon souffle dernier

je veux encore dire "je t'aime"

et vouloir mourir d'aimer

Barbara

lundi 26 décembre 2016

Rabih Alameddine : les vies de papier

      Le Prix Médicis Etranger 2016 a récompensé, "Les vies de papier" de Rabih Alameddine et c'est une merveille d'éblouissement que ce moment de lecture à la fois savoureux et mélancolique.
     L'auteur met en scène une vieille dame de 72 ans, ayant toujours vécue à Beyrouth, restée chère à son cœur. 
     Aalya a tenu une librairie pendant plus de 50 ans, elle est devenue une lectrice passionnée. Répudiée et divorcée, elle n'a pas suivi le parcours des femmes libanaises (mariage et famille) et a choisi de vivre seule.
     Avec rigueur, elle débute chaque année par le rituel d'une nouvelle traduction d'un roman qu'elle choisit minutieusement.
     Tranquillement sa vie s'est écoulée entre la librairie et le rythme de ses lectures et traductions,  malgré les drames, malgré la guerre et sa vie familiale douloureuse et difficile.
      Beyrouth,  flamboyante et meurtrie, est très présente dans ce roman, comme la vie de l'immeuble où habite Aalya avec ces femmes qui malgré les contraintes sociales se créent des moments d'évasion intenses.
      C'est un livre riche de toutes les lectures d'Aalya et il y en a beaucoup, du monde entier. Elle nous donne envie de lire ou relire ou connaître ces auteurs cités avec délectation. Elle sait en parler, elle a vécu toutes ces vies de papier et à travers elles, elle nous raconte son histoire. Les citations sont savoureuses et elles l'aident à comprendre sa vie. C'est beau.
     Un livre écrit pour les amoureux des mots, de la littérature mais qui évoque beaucoup de thèmes : la société orientale où les mères chérissent davantage les fils que les filles, Beyrouth en guerre, la fuite du temps, l'outrage des ans et puis l'isolement, la solitude malgré les livres.
     Le lecteur s'attache à Aalya parce qu'elle nous invite dans sa bulle en nous offrant son amour des mots.
      Avec son style étonnant et talentueux, l'auteur rend un hommage sincère à la littérature avec des références littéraires et musicales très riches; il nous emporte dans une ville tourmentée avec une femme rare, Aalya.
Rabith Alameddine - Des vies de papier -  Editions Les Escales - Traduit de l'anglais par Nicolas Richard - 304 Pages - 20.90 €

        


dimanche 25 décembre 2016

Amos Oz : Judas

       Auteur emblématique de la littérature israélienne, Amos Oz met en scène, dans son nouveau roman, un huis-clos subtil dans une          Jérusalem coupée en deux en 1959.
      Dans une maison de la ville pendant un hiver, trois personnages hantés par leur passé,  vont apprendre à se connaître malgré leur différence. 
     Cette construction  intelligente et précise permet à Oz d'évoquer l'amour, la création d'Israël avec le fil conducteur de la trahison.
     Onze ans après la naissance d'Israël,  Shmuel jeune étudiant idéaliste, socialiste , un hypersensible à la larme facile, est quitté par sa copine. Dépité et sans le sou, il abandonne alors sa maîtrise sur "Jésus dans la tradition juive". Répondant à une annonce, il devient l'homme de compagnie d'un vieil et original érudit , Gershom Vald et qui vit avec sa belle-fille Atalia Abravanel.
     Shmuel va habiter avec eux et tomber amoureux fou de la belle et très sensuelle Atalia, une femme taiseuse, pas facile et qui a le double de son âge.
      Tout au long de cet hiver, dans ce curieux refuge, les destins de ces trois se mêlent et l'ambiance évolue. Au départ difficiles, les échanges deviennent passionnés entre le jeune étudiant épris de paix et défendant les palestiniens et le vieil homme protagoniste de la création d'Israël.
     Ces échanges philosophiques et politiques sont l'occasion d'évoquer Micha, le fils de Vald, brillant mathématicien, massacré au combat en 1948.
     Le père d'Atalia, s'est opposé aux idées nationalistes de Ben Gourion, il a été banni du parti et est mort en traître à la cause juive. A travers sa trahison, il est bien sûr question de Judas qui reste la figure biblique du traître.
      Mais qu'est ce un traître ? Et c'est là qu'Amos Oz fournit un roman d'une grande richesse. Lui seul sait mêler avec talent l'histoire, la politique et la religion. Il faut dire que ces thèmes sont indissociables quand on parle d'Israël.
       Dans une écriture limpide, l'auteur nous offre aussi un roman de vie, d'apprentissage, qui fait réfléchir, qui fait espérer aussi.
       Tant que les hommes ne cesseront de parler, d'échanger tout reste possible.
       Un roman qui se savoure.
Amoz Oz - Judas - Editions Gallimard - Traduit de l'hébreu par Sylvie Cohen - 352 Pages - 21 €
   

Raj Kamal Jha :Elle lui bâtira une ville

     Trois personnages vont évoluer dans ce livre étrange et attachant, des héros portant en eux une histoire lourde et une immense solitude : Homme, Femme et Enfant ainsi nommés.
      Ils vivent ou survivent dans une mégapole indienne où tout proclame le luxe effréné et impitoyable face à la plus infâme pauvreté. Ils nous entraînent dans une sarabande déchirante où l'imaginaire dépeint la plus sordide des réalités.
     Homme, d'origine très modeste,  a réussi dans l'immobilier et devenu milliardaire, écrasé par la certitude que l'argent peut tout payer y compris ses plus inavouables fantasmes. Il passe son temps dans son appartement de très grand standing et dans sa limousine avec chauffeur.
      Là, il se laisse aller à ses rêves et ses cauchemars, comme par exemple son envie de tuer ou  de violer des petites filles, de faire du mal.
     Lors d'une virée, il ramène chez lui une pauvre mère et sa fille avec un ballon rouge tenu par le poignet. Homme les lave, les nourrit et au bout de la nuit les reconduit sur leur trottoir...
     Femme est une veuve qui vieillit seule. Sa fille unique, a fugué à l'âge de 19 ans, sans explication. Cette dernière revient, meurtrie et mutique, chez sa mère mais ne souhaite que dormir, ne surtout pas répondre aux questions maternelles.
     Pourtant la mère se souvient, c'était une petite fille aimante et attentionnée. Mais elle n'a pas supporté de voir son père remplacé, aujourd'hui que lui arrive-t-il ?
     Enfant, est un bébé abandonné une nuit de canicule sur un tas d'ordures face à un orphelinat. Une infirmière va s'occuper de lui mais un jour grâce à la complicité d'une chienne incroyable il va s'échapper.
     Mêlant imaginaire poétique et réalité sans vibrante, l'auteur utilise une narration changeante et nous tient en haleine dans cette peinture détaillée et glaçante de la société indienne où luxe et misère existent côte à côte.
      Ce roman passionnant, un véritable coup de cœur pour cette fin d'année, m'a fait penser à Murakami pour son côté onirique et poétique. La vie et les pensées paranoïaques d'Homme ainsi que la technique d'énumération des listes de marque (vêtements, boisson) m'a rappelé le name dropping cher à Breat Easton Ellis et son délirant American Psycho.
      Un roman qui nous tient, nous émeut et nous invite à une réflexion profonde sur les besoins véritables de l'homme.
Jha Kaj Kamai - Elle lui bâtira une ville - Editions Actes Sud - Traduit de l'anglais (Inde) par Eric Auzoux - 416 Pages - 23.50 €



mercredi 7 décembre 2016

Leïla Slimani : Chanson douce

     

     Récompensée par le plus prestigieux de nos prix d'automne, le Prix Goncourt, Leïla Slimani assène dès les premiers mots : le bébé est mort, une onde d'horreur qui ne quitte pas le lecteur pendant le premier chapitre.
      La situation est dite clairement dans toute la violence d'un acte que l'auteur prendra le temps de placer et de remonter dans le temps.
     La chanson douce n'est pas, elle cède la place à un roman sociétal brutal et un thriller où l'auteure excelle en donnant au lecteur le jeu de l'enquête.
     C'est l'histoire d'un couple bobo parisien, débordé et dépassé où le jeune père de deux enfants se défonce avec dynamisme dans son travail de musicien et la jeune mère désire reprendre son travail d'avocate.
     Arrive alors la nounou, Louise que l'on n'attendait pas. Merveilleuse, le coup de foudre pour tous, gentille, serviable, trop peut-être.
     En tout cas elle devient vite indispensable pour le couple et le piège va se refermer sous nos yeux, les parents restant trop pris par le travail, par leur vie, par eux.
     Mais qui est Louise ? Finalement on ne sait pas ce qu'elle fait, quand elle quitte l'appartement douillet où tout est rangé, propre, la cuisine faite et les enfants choyés.
     Portrait percutant de trois personnages où la solitude, la souffrance et le rejet construisent un drame psychologique où la folie guette.
     Dans une écriture sobre avec une construction implacable, l'auteure narre la chronologie des événements qui basculent dans l'horreur.
     C'est un constat dérangeant sur notre société où les gens ne se voient pas, ne parlent plus le même langage. Les uns pris par le tourbillon de la réussite professionnelle et financière oubliant enfants et responsabilités familiales et les autres, que l'on voit à peine. Ils sont remplis d'attente, d'amour et de reconnaissance. Pauvres fantômes évoluant dans un monde parallèle.
     C'est un roman puissant, qui interroge sur les fêlures cachées, les abîmes de folie qui se découvrent trop tard parce que l'égoïsme étouffe.
     Un prix mérité, une auteure sensible et forte à l'écriture digne pour décrire un drame de la vie.
Leïla Slimani - Chanson douce- Editions Blanche Gallimard - 240 Pages - 18 €