je veux encore rouler des hanches,

je veux me saouler de printemps

je veux m'en payer des nuits blanches

à cœur qui bat, à cœur battant

avant que sonne l'heure blême

et jusqu'à mon souffle dernier

je veux encore dire "je t'aime"

et vouloir mourir d'aimer

Barbara

jeudi 29 novembre 2012

Hubert Mingarelli : Un repas en hiver

Dans son dernier livre, Mingarelli nous transporte en plein coeur d'une forêt polonaise en hiver, dans le froid et la neige, pendant la seconde guerre mondiale. Il nous fait vivre une journée de "chasse aux juifs" en compagnie de  trois soldat  réservistes allemands, qui n'en pouvant plus des exécutions et bruits de fusillades dans leur camp, demandent l'autorisation d'aller "en" trouver dans la forêt.
Ce n'est pas vraiment un récit de guerre où le lecteur est plongé dans le sang et la boucherie des attaques, mais celui  d'une humanité qui ne veut pas sombrer, mais qui chute quand même.
Affamés, frigorifiés, dans une marche hallucinée par la blancheur et le gel, ils débusquent presque par hasard un jeune juif se terrant  dans un trou. 
C'est sur le chemin du retour au camp, où ils livreront à une mort certaine leur prisonnier, qu'ils s'arrêtent dans une cabane isolée, aussi perdue qu'eux-mêmes, et qu'ils rencontreront un  paysan polonais et son chien.
Antisémite, le polonais fera naître chez ces soldats un peu d'empathie pour leur prisonnier. Mais pour combien de temps ?
Au bout de nulle part, dans un froid que le lecteur ressent à chaque page, dans un dénuement le plus total, ils prendront un repas ensemble et donneront à ce huis clos une tragique dimension.
Mingarelli dans une écriture dépouillée et ciselée, raconte la solitude des hommes dépassés par leurs guerres et en quête d'une fraternité perdue. Sans donner de leçon, il raconte les bourreaux et les victimes, tous humains.
Déconnectés de leur passé, ces hommes se retrouvent dans l'horreur du quotidien et essaient de rallumer l'espace d'un ultime repas les gestes de la camaraderie.
C'est dur, pas une page pour se réchauffer, et la fin précipitée et haletante rejette le lecteur dans un monde où l'humanité avait vraiment disparue.

lundi 19 novembre 2012

Per Olov Enquist : Blanche et Marie

Grand romancier suédois, Per Olov Enquist est un habitué des récits mêlant fiction et biographie. Ici plusieurs personnages se croisent dans une histoire conduite par une fiction remarquable.
Destins mêlés ou pas, il décline pour eux les couleurs de la passion, quelle soit amoureuse ou professionnelle.
Pour cela il donne la parole, à une femme, Blanche Wittman. Elle a longtemps été internée à la Salpêtrière et fut la patiente du célèbre Professeur Charcot. 
Ce sombre " château des femmes" qui les accueillaient parce qu'elles étaient folles, prostituées, hystériques, épileptiques, pauvres, femmes meurtries par la vie, malades.
Amputée des deux jambes, Blanche finira sa vie portée dans une brouette. Elle racontera dans ses carnets (fictifs ou non), sa passion pour cet éminent Professeur et surtout sa rencontre avec Marie, pour laquelle elle travaillera.
Marie Curie, deux fois Prix Nobel (physique avec son mari et chimie seule), chercheuse, savante et femme amoureuse.
A la mort de Pierre Curie, elle continue la recherche et tombe folle amoureuse de Paul Langevin, autre physicien. Marié, père de familles, il sera lâche jusqu'au bout et c'est seule que Marie mourra consumée par ses années de recherche sur le radium et la radioactivité.
Entre biographie imaginaire ou réaliste, entre roman fiction et histoire, Per Olov Enquist nous fait découvrir une époque, où les plus grandes recherches ont vu le jour et où les femmes avaient du mal à se sortir d'un carcan social.
Il raconte avec une certaine froideur, le sort de ces femmes considérées hystériques et traitées d'une façon effroyable dans un hôpital aux allures de prison.
La construction littéraire est assez déroutante. L'auteur, s'il donne la parole à Blanche à travers ses carnets,  devient aussi  narrateur et intervient dans les réflexions. Beaucoup de citations de ses fameux carnets, de passages de journal intime, de retours en arrière peuvent empêcher le lecteur de se laisser porter par l'écriture. Par moment la caricature est trop forte,  comme le dilemme entre la femme savante et la femme trop amoureuse ou le brillant scientifique , mari infidèle mais pourtant responsable. 
C'est déstabilisant mais intéressant et tous les personnages réels qui gravitent dans ce roman nous donnent envie d'en savoir plus.

dimanche 18 novembre 2012

Alessandro Baricco : Emmaüs

Ils sont quatre copains, d'origine modeste, Bobby, Luca, le Saint et le narrateur. Ils ont en commun une foi ardente qu'ils brandissent comme un étendard, aiment jouer de la musique ensemble à l'église du quartier, rendent visitent aux malades dans les hospices. Produits d'une éducation où les habitudes protègent et où la beauté et la femme surtout représentent le péché et la perdition, ancrés dans leurs certitudes,  ils sont trop sages et pas du tout préparés à l'épreuve qui les attend.
L'épreuve, c'est Andre (a), belle,  à damner ces jeunes saints, à en mourir aussi. Jeune femme sublime, libre mais dont les fêlures sont trop profondes.
A cet âge, 17 - 18 ans, la passion les chavire, leur univers rapidement devient étriqué, la famille étrangère à leur quotidien. A sa façon chacun va faire le grand saut et y perdra son innocence, jusqu'au tragique.
Le narrateur, voit, vit, raconte l'explosion de ce petit groupe. Ils sont amis et pourtant  se retrouveront seuls face à leur destin . Le narrateur s'en sortira mais broyé, et son regard sur le monde sera à jamais différent.
Ecrit dans un rythme rapide, concis comme l'histoire qui se précipite à chaque page, Barrico nous sert un  récit initiatique où la douleur n'épargne personne.
Il sait avec précision raconter la vie de famille figée dans les croyances religieuses, marquée par une certaine dose d'hypocrisie et de non-dits. L'écriture est belle, racée et sensuelle.
La religion portée comme un poids qui ne prépare pas à la vie et des adolescents ,remplis de désirs, à qui on n'a pas su dire que la vie , justement, pouvait offrir d'autres choix.


vendredi 16 novembre 2012

Maurice Pons : Les Saisons

Ecrit en 1965, ce livre "cultissime"  regroupe un cercle de lecteurs, amateurs et passionnés qui ne se lassent pas d'en parler.
"Les Saisons", un titre léger qui résonne de  ritournelles et déjeuners sur l'herbe, un récit rythmé par le climat, les amours et autres délicieuses perspectives.
Il n'en est rien. Lecteurs, préparez-vous. 
C'est l'histoire d'un homme, Siméon. Venant de nulle part, il débarque dans un bouge infâme où vit une population à la limite de l'humanité. Vulgaires, mutilés, attardés, sales, méchants, pathétiques, ils sont les exclus d'une société  disparue.
Ils vivent là, pire que des bêtes, se nourrissant de la seule denrée qui pousse, la lentille. En soupe, beignet ou alcool répugnant, ils s'en abreuvent.
Les conditions de vie sont insoutenables. Les saisons alternent, mais c'est quarante jours de pluie diluvienne , suivis de quarante jours de gel d'une intensité effroyable.
Pourtant, Siméon est sûr d'avoir enfin trouver son paradis. Il s'est échappé d'un enfer de chaleur où il était prisonnier dans une cage. Il a vu mourir sa soeur. Il a vécu la torture, les sévices, les brûlures du soleil. Alors la pluie ne peut qu'être bonne.
Se présentant  aux villageaois comme un artiste, il se déclare écrivain. En effet, il va écrire sa vie, son expérience.  Témoigner dans l'écriture sera pour lui le seul moyen d'endurer les misères, de résister à l'indifférence .
Mais malgré sa bonne volonté, il sera toujours considéré comme un étranger et mis à l'écart. Il souffrira mille maux dans son coeur et dans son corps et dans un ultime geste de survie, il partira dans le gel bleu, entraînant avec lui, tout le village dans un exode sans retour.
Les personnages semblent sortis d'un bestiaire fantastique. Croll, géant truculent et répugnant, qui inflige à Siméon des traitements d'une brutalité infinie, Louana, gamine délurée avec une tête bizarre et les autres, tous les autres sortis des nuits de pires cauchemars.
L'écriture est délicieuse, récit singulier. Hypnotique, à la limite du fantastique et du conte baroque, l'humour donne le ton à la tragédie humaine.
J'ai trouvé , malgré la dureté du récit, une certaine poésie lumineuse dans le portrait de Clara, jeune femme frêle à la robe rose légère. Malgré la pluie, le gel, le froid elle illumine le coeur de Siméon et lui inspire ses plus belles phrases
Le rose lumineux d'une humanité qui refuse de mourir.

jeudi 8 novembre 2012

Jennifer Egan : Qu'avons-nous fait de nos rêves ?

Pour ce roman, l'auteur s'est vu attribuer le prestigieux Prix Pulitzer 2011, on peut donc s'attendre à un ouvrage talentueux et une solide marque littéraire.
Livre totalement américain, il raconte l'histoire de tout un groupe de jeunes à San Francisco qui se sont rencontrés dan les années 70, continuent de se fréquenter,  se sont perdus de vue,  vont se revoir ou pas. Sur fond de musique punk comme seule l'Amérique peut en produire, devenus adultes, ils dressent le bilan de leurs vies, illusions et surtout désillusions, gloire loupée, amour manqué.
Peu d'espoir, pas vraiment de porte de sortie et une construction romanesque fracturée qui complique l'ordre qu'essaie de mettre en place le lecteur pour poursuivre une lecture difficile.
Pourtant, les portraits de ces quadras revenus de leur rêve de gloire sont dépeints avec justesse et humour, mais on se perd vite dans des aller-retour incessants dans le temps et dans une quantité de personnages , paumés du rêve américain, trop nombreux. Le livre ressemble à un parcours difficile, déstabilisant et perturbant.
Désolé, je ne peux pas en dire plus.