je veux encore rouler des hanches,

je veux me saouler de printemps

je veux m'en payer des nuits blanches

à cœur qui bat, à cœur battant

avant que sonne l'heure blême

et jusqu'à mon souffle dernier

je veux encore dire "je t'aime"

et vouloir mourir d'aimer

Barbara

mercredi 30 décembre 2015

Yasmina Khadra : La dernière nuit du Raïs

     Écrit à la première personne, le dernier livre de Yasmina Khadra donne la parole à Kadhafi dans son dernier repaire, l'ancienne école désaffectée de Syrte. Traqué par les rebelles, abandonné par son peuple il est accompagné par une poignée de fidèles et va vivre sa dernière nuit.
     Nous l'accompagnons dans ses souvenirs d'enfance, dans son parcours militaire, son pouvoir sanguinaire et son lynchage public.
     Un livre qui perturbe parce que le lecteur se trouve plongé dans les pensées les plus intimes et les plus sombres du Raïs.
     On sait l'homme mégalomane, violent et violeur, n'ayant aucune compassion pour le peuple lybien, pour ses proches. 
     Imbu de lui-même, tyran assoiffé de pouvoir, exécutant toutes ses vengeances, il reste lucide sur son rôle et se déclare l'élu de Dieu. D'ailleurs il entend sa voix et agit à sa demande. Kadhafi est investi d'une mission celui de guide suprême.
     L'écriture est comme toujours envoûtante, et Khadra ne condamne pas, il nous livre Kadhafi et surtout les pensées d'un homme qui ne se confiait pas.
     Sa dernière nuit sera l'occasion pour le Raïs de se souvenir de sa famille, le clan des Ghous, jeune berger du Fezzan, il est devenu ensuite lieutenant colonel et acquiert le rang de Raïs quand il renverse le roi, portant ainsi son pays à la liberté.
     Combattu par le monde entier, il rejette la faute à l'Occident, coupable de tuer son peuple.
     Intelligent peut être, certainement pas fou, d'ailleurs il savait faire exécuter les plus viles besognes à ses proches.
     Un livre qui ne peut laisser indifférent, parce que la voix de Kadhafi nous parle dans son ultime nuit, et que devant nous se tient le Bédouin insolent, l'orphelin domptant le désert, celui qui aurait pu être un vrai guide.
     Le livre reste un roman, l'auteur a utilisé l'âme noire du Raïs,  mais le lecteur est bousculé dans ses jugements. C'est bien parce que c'est aussi ce que l'on attend d'un livre.
Yasmina Khadra - La dernière nuit du Raïs - Editions Julliard - 220 Pages - 18 Euros


lundi 7 décembre 2015

Maxence Fermine : Zen

     Tous les jours et pendant des heures,  Maître Kuro pratique l'art subtil de la calligraphie,  cette écriture si délicate de la beauté.                                                                                                                            Quand il s'arrête, il médite et se nourrit du bout des lèvres.
     Il vit dans une modeste pagode au milieu d'une forêt d'érables en harmonie avec la nature qui l'entoure et le silence qui le réconforte.
     Peu de besoins, il donne des cours à des élèves venant apprendre comment maîtriser un tel art qui allie puissance et légèreté.
     Pour son unique jour de repos, il va au marché, s'attable au restaurant et assiste le soir à un spectacle de théâtre, des représentations de kamishibaï.
     Une harmonie douce et remplie qui va être bousculée par l'arrivée par la poste d'une calligraphie.
     L'oeuvre est d'une élégante insolence , aérienne et puissante même si la maîtrise n'est pas parfaite.
     Elle éveille en lui la curiosité de rencontrer l'artiste, et c'est ainsi que Yuna débarque dans sa petite vie.
     Yuna devient son élève et leur passion commune pour la calligraphie entraîne une complicité contrariée par une...
     Voyons, non je vous laisse le plaisir de vous plonger avec ce court roman dans une ambiance totalement zen.
     L'auteur, Maxence Fermine, possède une écriture épurée, délicate et nous enchante par des phrases aux allures de haïkus. C'est au coeur du  Japon ancestral que nous voyageons, loin du bruit inutile et des gestes désordonnés de notre quotidien gris.
     Maxence Fermine nous dit que "le vide est plein de possibles". C'est vrai, regardons, remplissons ces blancs qui nous habitent.
     Malgré la pureté et la beauté de la calligraphie, il nous explique aussi que "la plus belle des calligraphies est celle que l'on écrit à l'encre de ses doigts, tel un tatouage sensuel et éphémère sur la peau de l'être aimé".
     Un livre à lire et relire juste pour le plaisir. Il nous reste quelque chose de Maître Kuro quand la lecture se termine.
     Une envie de retrouver les mots, les phrases qui ont embelli ce moment.
Maxence Fermine - Zen - Editions Michel Lafon - 14.95 Euros 6 135 Pages

Ian McEwan : L'intérêt de l'enfant

    Fiona, la soixantaine, est une brillante juge aux affaires familiales. Nous découvrons son quotidien de pénaliste à la plus haute fonction, celle de décider seule et toujours dans l'intérêt de l'enfant. Des décisions capitales qui dans certaines affaires sont un choix de vie ou de mort.
     Les derniers dossiers ont pesé sur l'équilibre de Fiona par la brutalité des histoires et sa responsabilité face aux hommes.
     L'affaire au coeur de ce roman captivant, est celle d'un tout jeune garçon Adam, bientôt 18 ans, atteint d'une leucémie. Une transfusion sanguine pourrait le sauver. Ses parents, témoins de       Jéhovah, refusent tout comme Adam profondément croyant. Mais lui est encore mineur.
    Alors Fiona va le rencontrer sur son lit d'hôpital et découvre un jeune homme sensible, très intelligent, apprenant le piano sur son lit et passionné de poésie.
    Quelque chose se passe mais pas vraiment ce qu'imaginait Fiona et Adam. Fiona ne s'est pas rendu compte du transfert que faisait Adam sur elle et sa vie.
    Elle lui ouvre un monde nouveau, lui qui n'a connu que le huis clos familial et religieux.
   Ce bref roman possède une profondeur réelle et des thèmes majeurs qui prennent beaucoup d'ampleur malgré le début un peu cliché sur le couple de Fion qui traverse un passage à vide en ce moment.
    Mais c'est tout le talent de Ian McEwan de nous tenir en haleine face à cette question d'éthique qui martèle tout au long de la lecture : "Où se trouve l'intérêt de l'enfant ?"
    Doit on répondre par le respect à la foi profonde, aux convictions,  doit on contraindre pour tenter de sauver et faire  appliquer le traitement médical ?
    L'auteur écrit un roman remarquable où l'urgence est cruciale et impose une ambiance oppressante.
   Face à la froideur de la justice, il met en lumière des personnages fragiles et poétiques, juste humains.
Ian McEwan - L'intérêt de l'enfant - Editions Gallimard - traduit de l'anglais par France Camus-Pichon - 240 pages - 18 Euros -



jeudi 3 décembre 2015

Kerry Hudson : La couleur de l'eau

     Lauréat du Prix Femina Etranger en 2015, La couleur de l'eau de Kerry Hudson nous plonge dans un roman social loin de tous les rêves, dans une banlieue pauvre de Londres. 
     David est vigile dans un grand magasin de luxe de la ville. Plutôt gentil, il fait partie des gens qui n'aiment pas se faire remarquer. Il a des envies de départ et de voyages. Après un mariage raté et la perte de sa mère, il vit désormais dans la banlieue de Londres.
     Aléna a quitté sa Sibérie natale sur les conseils d'une amie de sa mère. Elle fuit le chômage et la pauvreté et rêve de réussite professionnelle en Angleterre.
     Dès son arrivée à Londres, elle est prise en charge par une curieuse jeune femme qui lui prend son passeport. Mise sur le marché sordide de la prostitution, elle est achetée par un vieux proxénète infâme et violent, qui en fait sa chose attitrée.
     Le jour où elle peut enfin s'enfuir, elle est sans argent et sans papier, et se retrouve livrée à la dureté de la rue et la peur d'être retrouvée.
     Quand elle commet un vol de chaussures dans le magasin où travaille David, elle est tellement surprise qu'il la relâche qu'elle l'attend le soir après son travail.
     Il l'héberge et vont apprendre à se connaître malgré les secrets de leur vie, et le passé qui rattrape brutalement Aléna. 
     Kerry Hudson dépeint la triste réalité de ces filles venues de l'est qui alimentent le marché de la prostitution. Dans la violence et l'isolement, elles se perdent au vue de tous sans que rien ne peut les sauver.
     Un roman qui se lit bien, le thème est dur, cru parfois mais l'intrigue est finalement très légère et les clichés amoureux nombreux. 
      Les retours en arrière ne pèsent pas sur le lecture et l'originalité est pour le lecteur la connaissance de l'histoire des protagonistes avant eux.
Kerry Hudson - La couleur de l'eau - Editions Philippe Rey - traduction de l'anglais (Royaume Uni) par Florence Levi-Paoloni - 352 pages - 20 Euros