je veux encore rouler des hanches,

je veux me saouler de printemps

je veux m'en payer des nuits blanches

à cœur qui bat, à cœur battant

avant que sonne l'heure blême

et jusqu'à mon souffle dernier

je veux encore dire "je t'aime"

et vouloir mourir d'aimer

Barbara

lundi 27 septembre 2010

Philippe Claudel : L' Enquête

Le dernier roman de Philippe Claudel raconte, à travers une enquête inquiétante, la déshumanisation des personnes. Un homme surnommé l'Enquêteur a pour mission de se rendre dans une entreprise pour comprendre la cause des suicides du personnel de plus en plus nombreux. Le lecteur ne peut que penser à l'actualité en lisant ces pages d'une description féroce. Mais ce n'est qu'un prétexte et c'est au coeur de la folie et de l'irréalité que Claudel nous entraîne.
Aucun nom n'est donné aux personnages de cet hallucinant roman. Seulement des fonctions : le Guide, le Vigile, la Géante, le Psychologue...., aucune identité. Aucune situation géographique hormis une ville inconnue, une entreprise gigantesque qui fait tout, voit tout, organise tout, même la fin.
Au début du roman, le lecteur sourit et rit des mésaventures que rencontre l' Enquêteur : pas de taxi, il ne connaît pas la ville, il est perdu, cherche un hôtel, il neige... Au fil des personnages rencontrés le malaise augmente et le lecteur rit mal. Tantôt sympathiques, tantôt agressifs ils évoluent dans un univers incompréhensible et obéissent à des codes que l'enquêteur n'arrive pas à comprendre pas. Toutes les situations sont irréalistes. Le lecteur assiste impuissant à la déchéance de cet homme qui refuse cette incompréhension. Même en gardant sa lucidité de sa réalité il sombrera dans l'oubli de son identité, et dans la folie qui va le gagner malgré sa résistance.
Fable cauchemardesque qui n'est pas sans rappeler celles de Kafka, elle nous interroge sur l'anonymat de l'homme dans une société impitoyable qu'il s'est évertué à construire.
L'homme annihilé par un monde qui devient de plus en plus impitoyable et surtout incompréhensible.
Claudel nous sert une écriture subtile et percutante pour nous entraîner dans des zones sombres, celles des frontières.
Impossible de lâcher ce livre, il se lit d'une traite et ensuite on ne peut oublier cet homme et sa déchéance.

Audur Ava Olafsdottir : Rosa Candida

Avec son premier roman l'auteur nous emmène sur les traces d'un héros, ordinaire et bien sympathique. Jeune homme de 22 ans et tout jeune père par accident, Arnljotur, quitte son vieux père et son frère jumeau autiste et son île de lave. Il part afin de restaurer une très vieille roseraie située dans un monastère sur le continent. Il fera de ce voyage un parcours initiatique lumineux et cherchera des réponses à ses doutes. Amoureux de la nature en général et des roses en particulier, il nous entraîne dans une vie de candide attachant où rien de spécial ne se passe. Les personnes qu'il rencontre font ressortir toute la beauté de la vie dans ce qu'elle a de plus simple, de plus vrai et de bon.
Les soirées passées avec un moine féru de cinéma lui permettront d'aborder les questions sur la vie, la mort, l'amour et d'apprendre ainsi à se connaître.
L'absence de repaire de lieu et de temps laisse le lecteur dans une atmosphère de conte tout à fait original.
Les descriptions de la nature, des plantes sont d'une grande poésie et confèrent à ce roman une infinie douceur.
C'est une lecture apaisante mais ce n'est pas vraiment ce que je recherche et ce que j'aime quand je lis.



vendredi 24 septembre 2010

Alice Ferney : La conversation amoureuse

Dans ce roman Alice Ferney nous raconte dans style très élégant les relations de couples et particulièrement celles d'une passion amoureuse. Une histoire d'adultère très classique. C'est à dire, l'homme éternel séducteur et prédateur et la femme amoureuse, très amoureuse.
Plusieurs couples se préparent à passer une soirée ensemble. Enfin les hommes devant un match de boxe et les femmes entre elles. Pauline, mariée , et Gilles en instance de divorce n'accompagnent pas leur conjoint respectif à cette soirée. L'auteur nous raconte leur rencontre, leur première soirée et leur conversation amoureuse.
Les mots sont là, le trouble naissant, le jeu de la séduction, le plaisir à venir. Dans une écriture lumineuse Alice Ferney nous relate une histoire tout simplement incorrecte. Elle donne la voix, l'émotion à la transgression, aux interdits.
C'est un livre qui trouble beaucoup par la justesse des mots, l'émotion intime nous est dévoilée et analysée aussi bien chez l'homme que la femme.
Il nous montre combien le quotidien use le couple, la passion et la vigilance qu'il faut pour sublimer le désir perdu et rendre lumineux l'amour en fuite.
C'est aussi une façon de concevoir le couple. Un homme et une femme que tout sépare vont se découvrir dans le secret d'une rencontre. Dans cette conversation amoureuse ils se diront ce que la société leur interdit, à savoir que la passion peut arriver à tout moment, que le désir qui couve à un âge mûr est plus fort peut être que celui de la jeunesse.
C'est aussi un instant magique celui où l'inconnu devient un homme ou une femme que l'on va aimer.
Le texte est très beau, le peu de dialogue rend les silences plein de promesses. C'est bien aussi de se dire que dans la vie même si des chemins sont pris, l'aventure est là.

dimanche 12 septembre 2010

Olivier Adam : Un coeur régulier

Dans son dernier roman, Olivier Adam nous sert une fois de plus une histoire difficile de quête et de renaissance, de mal être, de suicide, de survie aussi.
Sarah ne se remet pas du décès (suicide ?) brutal de son frère adoré dont elle avait été si proche, son double même. Elle s'en était pourtant éloignée ou plutôt son rôle d'épouse et de mère avait rendu le comportement destructeur de son frère incompréhensible. Nathan était un rebelle fragile et traînait avec lui tous les maux que la société inflige aux plus faibles . Il n'avait adhéré à aucun système, à aucune vie, à aucun amour sauf celui pour sa soeur. Il a tout vomi, tout rejeté . Au bout de toutes ses nuits de malheur et d'angoisse, il a cherché la lumière. L'alcool, la dérive, l'insomnie finissaient de l'anéantir un peu plus.
Sarah, elle, n'a pas voulu se poser les mêmes questions. Elle a avalé, de travers mais elle a digéré : mariage raisonnable, vie bourgeoise, enfants corrects et mari gentil.
C'est en partant pour le Japon, sur les traces de son frère que ce dernier voyage avait pourtant apaisé, que Sarah va enfin se retrouver.
Olivier Adam sait trouver les mots au bord du coeur pour traduire la souffrance de ces personnes que la vie broie. Il nous dépeint une société implacable qui ne supporte ni faiblesse ni retenue.
J'ai aimé le portrait de Nathan à travers le récit de Sarah. Présent et souvenirs alternent. Les lignes sur leur enfance sont d'une grande émotion. Deux petits animaux en quête de chaleur et d'amour qui n'ont fait qu'attendre une caresse. Les mots toujours en attente, l'amour au bord des larmes, la douleur à n'en plus finir et la renaissance que l'on espère pourtant.
J'ai juste été un peu déçue par l'épisode sur le Japon. Les personnages m'ont paru trop dans l'abstrait et ne m'ont pas autant touchée que l'histoire de Sarah et Nathan. La description des paysages japonais m'a semblé froide.
Mais le style, la narration si caractéristiques à l'auteur nous chavirent dans ce récit d'une souffrance décrite avec des mots d'une grande beauté.




Jean Mattern : De lait et de miel

Le titre m'a interpellée, je le trouve très beau et le livre d'une grande sobriété tout en délicatesse.
Sans complaisance, un vieil homme arrivé à la fin de sa vie raconte à son fils par bribe ses souvenirs. Il lui demande de retrouver Stefan son ami, violoncelliste, quitté brutalement sur un quai de gare. C'était en 1944 à Timisoara en Roumanie et l'Histoire les avait rattrapés.
Le narrateur dans une grande retenue nous explique leur fuite de Timisoara, atteint du typhus il a failli perdre la vie, ensuite au moment de l'insurrection hongroise en 1956, il choisira l'exil et partira pour la France. Rapatrié comme d'autres Roumains du Banat d'origine française, il arrive en Champagne où il rencontrera Suzanne, réfugiée hongroise. Elle deviendra sa femme pour la vie et le départ d'une autre existence.
Il lui promettra une vie "de lait et de miel" mais un drame les marquera à jamais.
Amoureux fou de sa femme, il ne confiera rien de ses souvenirs, des pertes qui le hantent, des misères et des souffrances de son pays. A jamais il se sentira étranger.
Avec beaucoup de pudeur, Jean Mattern nous sert une saga familiale marquée par la guerre et l'occupation . L'écriture sobre nous décrit la vie de ces gens taiseux dont les silences et les secrets composent une mélodie mélancolique sur fond d'exil déchirant.
J'ai trouvé intéressante cette page d'histoire d'Europe de l'Est et de ces roumains d'origine française que le Général de Gaulle avait fait rapatrier.
L'émotion et la réflexion accompagnent la lecture de ce roman sur l'exil qui habitera à jamais ces hommes et ces femmes, et l'amitié qui résiste à la séparation , à l'absence. Dire ce qui a été tu pendant toute une vie, sans excès, avec une grande sensibilité et trouver enfin les mots qui libèrent.

jeudi 2 septembre 2010

Linda Lê : Cronos

Le dernier roman de Linda plonge le lecteur dans l'effroi de la déshumanisation organisée et orchestrée par deux hommes : le Grand Guide et son ministre de l'intérieur, Karaci, surnommé la Hyène. A la suite d'un coup d'état, ils ont installé une dictature sanguinaire et transformé le quotidien en enfer.
Dans la ville de Zaroffcity, une femme, l'épouse malgré elle de Karaci, nous fait partager sa vie de solitude, de peur, d'humiliation. A travers un récit épistolaire, elle raconte à son frère, artiste en exil, son combat, sa résistance, sa lutte pour sa dignité.
Dans un huis clos étouffant et dramatique, l'auteur nous sert une écriture d'une grande virtuosité. Les mots ont quelque chose de suranné et pourtant l'horreur semble actuelle.
Tout est dit dans la première phrase tant elle résume l'histoire politique : "le soldat frappe à coups de crosse l'homme qui serre le livre contre lui." A mort, les intellectuels, les artistes !
Les lettres écrites par Una sont belles, tristes, les portraits d'hommes et de femmes martyrisés et assassinés par son mari vont l'amener à prendre possession de son destin.
Elle ne se résignera pas et malgré la paranoïa de son mari, son obsession de la sécurité elle rencontrera des résistants, entrera dans l'organisation d'une lutte contre le pouvoir.
C'est un livre déchirant sur la solitude, l'abnégation, l'espoir quand plus rien ne le permet.
Ne jamais se résigner, même quand les bourreaux sévissent.
Ne jamais éteindre la plus petite étincelle qui demeure en chacun de nous. Linda nous décrit des dictateurs grotesques de cruauté et pathétiques, la finesse et la délicatesse emportent les derniers mots de cet admirable roman.