je veux encore rouler des hanches,

je veux me saouler de printemps

je veux m'en payer des nuits blanches

à cœur qui bat, à cœur battant

avant que sonne l'heure blême

et jusqu'à mon souffle dernier

je veux encore dire "je t'aime"

et vouloir mourir d'aimer

Barbara

dimanche 30 décembre 2018

Prodigieuse Année 2019 !


Chers Amis et Lecteurs,
Je vous présente mes meilleurs vœux pour la Nouvelle Année 2019 !
Qu'elle vous apporte joie, bonheur et santé à vous et votre famille,
Merci de votre fidélité sur ce blog,
Je vous souhaite une très belle année littéraire !

lundi 17 décembre 2018

Alaa El Asawany : J'ai couru vers le Nil

     "J'ai couru vers le Nil" est le dernier roman de l'écrivain égyptien Alaa El Asawany, qui d'après la quatrième de couverture est à ce jour interdit en Egypte.
      La nostalgie et la colère vibrent dans ce roman que l'auteur a voulu témoignage contre l'oubli.
     Aussi, avec une audace folle, il raconte les événements de 2011. Il raconte ces jours  sur la place Tharir au Caire,  qui ont porté enfin l'espoir pour un monde plus juste.
      Dans ce roman dense et prenant, beaucoup de personnages vont se fréquenter et s'aider, s'aimer ou se déchirer, vivre et mourir.
     L'auteur décrit les désillusions balayant la liberté portée par la révolution.   Violence et tortures vont être mises en place par les militaires aidés par les religieux entraînant le pays dans les heures sombres de son histoire.
     Nous vivons ces journées où tout était possible mais c'était sans compter sur la corruption dans laquelle le pays est plongé depuis toujours.
     Les chapitres s'enchaînent, courts et percutants. Tous les personnages participent chacun dans son milieu social à cette page de l'Histoire qui est en train de s'écrire.
     Nous faisons la connaissance en ouverture du livre d'un général très pieux et qui est responsable d'un centre de torture. Aidé par les frères musulmans, il entraîne à sa suite des hommes et des femmes qui sous prétexte de religion servent d'abord leurs intérêts. Une présentatrice de télévision est prête à tout pour réussir. Et puis d'autres de tous les âges qui sont l'Egypte de maintenant.
     Et puis ces jeunes, étudiants ou non, pour qui l'espoir était là et qui représentent pour l'auteur la liberté à venir.
     Ce roman qui est écrit avec le cœur et les larmes nous montre combien l'auteur est attaché à son pays et combien il souffre de voir que rien n'a changé.
     Répression, violence, hypocrisie, dictature :  tout est là, encore.
     Une écriture forte, un livre haletant qui ne nous épargne rien, pour mieux réfléchir et se rappeler.
     A lire vraiment.
Alaa El Asawany - J'ai couru vers le Nil - Editions Actes Sud -  Traduit de l'Arabe (Egypte) par Gilles Gauthier - Parution Sept. 2018 - 432 Pages  - 23 €

vendredi 14 décembre 2018

Jennifer Egan : Manhattan Beach

     Jennifer Egan a reçu en 2011 le Prix Pultizer pour son roman "Qu'avez-nous fait de nos rêves ?" (analyse dans ce blog le 08 11 12). 
     Sa dernière parution m'a semblé prometteuse et j'ai oublié mes impressions du prix Pultizer pour me plonger dans un nouveau roman américain.
     L'auteur situe son action à New-York et particulièrement à Brooklyn, un quartier en pleine effervescence.
     L'Amérique affronte la Grande Dépression. C'est dans ce contexte sombre que nous suivons la famille Kerrigan jusqu'à  la deuxième guerre mondiale.
     C'est par la voix d'Anna Kerrigan que nous faisons la connaissance de la famille.
     Elle a douze ans au début du roman et la disparition tragique et mystérieuse de son père lui donnera la force de se battre pour trouver sa place et la vérité.
     Qu'est devenu son père ? Son corps n'a jamais été retrouvé.
    Anna veut devenir scaphandrier pour réparer les bateaux de la Navy. Elle y arrive avec beaucoup de difficultés dans ce monde exclusivement masculin.
     Le roman est intéressant parce qu'il montre une période charnière pour les Etats-Unis. Ils rêvent de participer au cours  du monde, la guerre est une des étapes qui leur permettra de compter. 
     Ils y arriveront, rien ne sera plus comme avant et le monde change.
     Les femmes qui participent à l'effort de guerre, veulent aussi être reconnues. Les hommes sont partis et elles prennent leur place sans pour autant être valorisées. Leur combat ne fait que commencer.
     La première partie du roman est riche de l'histoire de ce pays à un moment précis et de ces hommes et ces femmes qui l'ont fait. Anna, une femme de son temps, de tous les temps, forte de ses convictions et audacieuse dans la vie nous transporte, un temps.
      La deuxième partie est nettement plus décevante. L'auteur et c'est dommage, décline dans le roman facile où les clichés abondent et lassent. Le lecteur se retrouve dans les mécanismes d'un roman d'amour plus que banal avec des personnages trop caricaturaux et prévisibles.
      L'intrigue disparaît et c'est dommage, le roman est ambitieux avec des thèmes forts quant à la fin...
       En lirai-je un autre de Jennifer Egan ?
Jennifer Egan - Manhattan Beach - Editions Robert Laffont - Traduit de l'Américain par Aline Weill - Parution 16 08 18 - 552 Pages - 22  €

vendredi 7 décembre 2018

Alice McDermott : La neuvième heure

       Nous sommes en Amérique au début du 20ème siècle, à Brooklyn un quartier qui accueillent de nombreux immigrés et notamment des irlandais.
     Jim, l'un d'eux, vient d'être licencié de son travail au chemin de fer et a décidé d'en finir. Il se suicide par le gaz laissant sa femme Annie, enceinte seule et démunie.
     La mère et la petite fille qui est née, Sally,  sont immédiatement prises en charge par la congrégation religieuse des sœurs soignantes. 
     Une vie de couvent s'ouvrent à elles. Annie y  travaille à la buanderie et Sally grandit à l'ombre du dévouement et de la foi.
    La mère essaie d'avoir une nouvelle vie malgré son veuvage et Sally est sûre d'avoir la foi et de servir les malades.
     Mais la vie réserve  beaucoup de surprises et de douleurs et la confrontation de la vie hors des murs du couvent remet en question beaucoup de choses.
     L'auteur met en scène les actions des communautés religieuses  ainsi que l'engagement et le dévouement des sœurs devant l'importante population de pauvres gens.
     Rien n'est épargné au lecteur de la maladie, de la mort et de la souffrance. 
     Les personnalités des sœurs sont nombreuses et diverses et nous perdent un peu. Leur questionnement sur la foi et l'abnégation reste intense.
     La narration est difficilement claire, l'auteur choisit de donner la parole à plusieurs personnes et le texte perd en intensité.
     Beaucoup de longueurs dans un style un peu trop classique, bref sans grande passion pour les personnages.
     L'histoire recentrée sur Annie et Sally dans un rapport mère-fille qui semble complexe, aurait été plus intéressant pour le lecteur et aurait donné un autre rythme à cette fiction.
     Récompensé par le Prix Femina étranger 2018, il se laisse lire.
Alice McDermott - La neuvième heure - Editions Table Ronde - Traduit de l'Américain par Cécile Arnaud - Parution Août 2018 - 300 Pages - 22.50 €

mardi 4 décembre 2018

Ivy Pochoda : Route 62

     Ivy Pochoda est une romancière américaine qui vit à Los Angeles.  La route 62 est son deuxième roman. Elle emporte le lecteur dans la cité des anges loin des étoiles et des paillettes et ça ébranle.
     C'est une plongée vertigineuse dans Skid Row, la cour des miracles des anges déchus où  les damnés de la vie se retrouvent.           Drogués, désaxés, handicapés, malades sont dans les rues, SDF ultimes d'une société qui ne veut plus entendre parler d'eux. 
     Tout ça à côté, d'appartements luxueux. Grandeur et décadence américaine.
     L'ouverture de ce roman est inclassable : le matin, un homme court au milieu des voitures dans l'éternel trafic infernal des autoroutes de la ville, il est nu. D'où vient-il ? Où va-t-il ?
     Tony, un jeune père de famille au bord de la crise de nerf, partant à son travail est sidéré à sa vue, il le suit et ne le lâche plus, comme nous d'ailleurs.
     A ce moment vont entrer en scène des personnages en partance de l'existence pour se retrouver ou se croiser au même endroit, Skid Row. Chacun avec son passé personnel, une histoire intime, un parcours chaotique.
     L'auteur nous offre un roman époustouflant où sont concentrés dans des âmes sombres et terriblement humaines tous les vices et les secrets.
     Ces hommes et ces femmes, Britt l'étudiante, Ren ex taulard à la recherche de sa mère ou Grace la femme du gourou et d'autres nous touchent dans leur perdition et leurs existences douloureuses.
     Route 62 est un roman sombre écrit avec une plume incisive mais bienveillante pour eux.
     Ils ne sont plus sur le fil, ils ont basculé. Vont-ils réussir et continuer ? Le roman ne donne pas de réponse et on est pris par ces histoires de vie au plus profond du désespoir.   
     A lire, un coup de cœur.
Ivy Pochoda : Route 62 - Editions Liana Levi - Traduit de l'Américain par Adelaïde Pralon - Parution le Sept. 2018 - 352 Pages - 22 €
   

dimanche 2 décembre 2018

Dave Eggers : Les héros de la frontière


     Dave Eggers est un écrivain américain sensibles aux bousculés de la vie. Ici, il dresse le portrait d'une jeune femme de 40 ans Josie qui quitte tout sans laisser d'adresse à bord d'un camping-car avec ses deux jeunes enfants.
     Josie est au  bord de la crise de nerfs. Installée dans l'Ohio, elle est dentiste. Séparée du père de ses enfants, elle cumule ses journées à son cabinet et à la maison, gère tous les problèmes, doit faire face à un procès avec un de ces patients. Bref, elle craque et décide de prendre la route pour l'Alaska,  vers l'Ouest et cette Frontière, mythe fondateur de l'Amérique.
      Pendant son voyage "sans retour", c'est aussi le bilan de sa propre vie qui s'égrène. Son existence terne dans l'Ohio, une cité pavillonnaire, son mariage avec un mari irresponsable et aussi le regret des chemins qu'elle aurait pu prendre.
     Les paysages grandioses ne l'apaisent pas et les rencontres ne sont pas toujours réconfortantes.
     Dans ce road-movie initiatique, l'auteur appose des touches d'humour qui rendent le personnage féminin assez touchant. On le sent empathique.
     Mais c'est surtout l'état des lieux d'une certaine Amérique dont le vide sidéral n'est plus comblé par ces paysages sans fin où la beauté de la nature est rattrapée par la bêtise des hommes.
     On fuit vers l'Ouest, mais il n'y a plus de rêves, l'Alaska est balayé par les incendies et Josie est une mère au bord de la maltraitance.
     C'est dommage que l'auteur rende cette épopée hallucinée par le prisme d'un comportement de femme fragile marchant sur le fil de la folie et du désespoir. Aurait-il fait la même chose avec un homme ?
     Par contre, il rend un portrait juste d'une Amérique à travers la description de paysages très précis et toujours cette conquête de l'Ouest que tant de récits ont magnifiée.
     L'écriture est vive et l'on sent l'intérêt que porte l'auteur à ces personnages qui n'arrivent pas à rentrer dans le rang.
Dave Eggers - Les héros de la frontière - Editions Gallimard - Traduit de l'Américain par Juliette Bourdin - Parution Novembre 2018 - 400 pages - 24 €


samedi 1 décembre 2018

Conor O'Callaghan : Rien d'autre sur terre

     Nous sommes quelque part en Irlande. L'histoire se déroule dans un lotissement en plein dépérissement où une famille, rentrée d'Angleterre, vient d'emménager dans une maison témoin. 
     Au milieu de nulle part, la poussière et la canicule rendent l'atmosphère encore plus suffocante et donnent à cet endroit un aspect de déliquescence totale.
     Le père Paul, la mère Hélène et leur fille ainsi que la sœur jumelle d'Hélène, vivent là et attendent l'arrivée d'autres famille dans le lotissement.
     Les journées se passent, Paul travaille avec Martina, la sœur de sa femme dans une entreprise d'informatique. Hélène reste à la maison avec sa fille, désœuvrées toutes les deux. 
     Une nuit la fillette frappe à la porte d'un prêtre habitant près de chez eux. Confuse, effrayée, perdue et sale elle raconte que son père vient de disparaître à l'instant. Elle connaît à peine son prénom, nous non plus d'ailleurs,  et parle un anglais particulier.
      Le prêtre appelle la police, et devient le narrateur de cette histoire qui le hante depuis quelques années. Des soupçons ont pesé sur lui et il tente d'expliquer les événements qui se sont déroulés ce fameux soir.
      Nous pénétrons dans l'histoire de cette famille mystérieuse qui intrigue leur entourage et nous rencontrons des personnages assez surprenants.
     On est happé par ce style poétique et envoûtant à la fois. Bizarre et magnétique voilà comment on peut résumer ce premier roman du poète irlandais Conor O'Callaghan.
     A lire, si vous aimez les romans d'ambiance à la frontière de la folie. 
     Mais rien n'explique rien et  seul le lecteur pourra comprendre, peut-être.
Conor O'Callaghan - Editions Sabine Wespieser - Traduit de l'Irlandais par Mona de Pracontal - Parution Septembre 2018 - 200 Pages - 19 € 
  

dimanche 25 novembre 2018

Rachel Kushner: Le Mars Club

     C'est un livre choc, une écriture électrique qui nous fait pénétrer dans l'univers carcéral féminin en marge d'une Amérique contemporaine impitoyable.
     Plusieurs voix racontent le quotidien de ces femmes en prison et notamment Romy, toute jeune héroïne de 29 ans condamnée à une double perpétuité plus 6 ans. Quelle Amérique !!
     Romy est transférée avec d'autres détenues dans la prison de Stanville en Californie mais loin, très loin des paillettes.
     C'est leur histoire que l'on découvre.  Les trajectoires sont identiques, même mauvais départ, contexte familial défectueux, alcool et drogue qui abîment. 
      Romy, est une toute jeune fille/mère dans la ville de San Francisco des années 80. Pour survivre, elle accepte d'être  strip-teaseuse au Mars-Club. Un jour elle tue un de ses clients qui la harcèle sous les yeux de son fils, Jackson.
     Quand elle apprend la mort de sa mère à qui était confié son fils, Romy ne pense qu'à le retrouver.
     Les histoires d'autres détenues se font entendre aussi mais celle de Romy interroge directement le lecteur. Ou comment fait-on pour survivre dans ces conditions ?
     L'intervention d'un jeune homme, Gordon Hauser, jeune professeur de littérature pour les prisonnières volontaires apporte une touche d'humanité et de lumière dans un univers de noirceur et montre ainsi le pouvoir des livres.
     Rachel Kushner décortique l’univers carcéral de l'Amérique et son système juridique. elle nous livre dans une plume précise  un plaidoyer contre la violence faite aux femmes, à la seconde chance qui n'est pas toujours donnée.
     Beaucoup de personnages se croisent, attachants, fragiles et humains malgré la violence qui les a entraînés dans cette impasse.
     Un constat d'une Amérique qui ne veut pas entendre parler de ses exclus, un thème qui à l'heure actuelle revient souvent chez les écrivains américains.
     Une lecture très dure et bouleversante, un livre récompensé par le Prix Médicis Etranger 2018.
Rachel Kushner - Le Mars Club - Editions Stock - Traduit de l'Américain par Sylvie Schneiter - Parution le 22 Août 2018 - 480 Pages - 23 €

samedi 24 novembre 2018

David Diop : Frère d'âme



     Un matin dans les tranchées de la Grande Guerre, l'appel est lancé.  Alfa et Mademba tirailleurs sénégalais émergent de leur trou et se lancent à l'assaut.
     C'est durant cette attaque, que Mademba blessé va mourir dans une atroce agonie. Alfa, son "plus que frère" le veille mais malgré son insistance et sa souffrance,  refuse de mettre un terme à sa vie.
     Alfa rapportera son corps dans la tranchée, prenant dans ses bras le corps mutilé de son ami d'enfance. Il le portera toute sa vie et n'oubliera jamais cet instant où la guerre est devenue barbare.
     Il bascule dans la folie et devient un sauvage, une véritable machine à tuer.
     D'une façon cruelle et systématique, il assassine et effraie son entourage.
     Il est envoyé à l'arrière loin des tranchées pour se reposer et reprendre ses esprits.
     Il raconte sa terre d'Afrique, son enfance, son frère d'âme Alfa et son amour pour Fary.
     Alfa devient griot, et sa longue mélopée vacille comme son âme entre culpabilité,souffrance et terreur.
     C'est un roman d'une très grande poésie malgré des scènes insoutenables. L'auteur arrive à nous montrer l'humanité dans ces hommes venus de si loin pour défendre la France.
     On est un peu ébranlé par la lecture tant les détails sont fournis mais cette lente incantation nous permet de souffler quand Alfa nous raconte l'Afrique. 
    David Diop est le lauréat du Prix Goncourt des Lycéens 2018 et c'est mérité.
David Diop - Frère d'âme - Editions du Seuil - Parution 16 Août 2018 - 176 Pages - 17 €


dimanche 28 octobre 2018

Fabrice Caro : Le discours

     Une surprise très agréable dans cette rentrée littéraire, un petit livre qui nous fait sourire et même franchement rire, tant l'humour et les situations sont cocassement décrites.
     Pourtant rien de bien original, l'histoire se déroule le temps d'un repas de famille, court et long à la fois. Adrien vient d'être quitté par sa petite amie, il vient désespérément de lui envoyer un SMS et il attend désespérément sa réponse.
     Sa sœur va se marier et la famille lui demande de faire le discours à l'occasion de la cérémonie.
     Lui n'a qu'une idée en tête que Sonia revienne et ses parents, sa sœur et son beau frère ne se doutent pas un instant de son désespoir.
     Ambiance connue et reconnue de tous un jour, l'éprouvant repas de famille, celui où on n'a ni envie de manger l'entrée et encore moins le dessert.
     Tout se déroule entre l'attente d'un SMS et les souvenirs de sa vie de couple avec son ex et les différents discours délirants qu'il imagine dire.
     Rempli d'humour sur les situations  et les remarques familiales qui ne manquent jamais de sortir quand à quarante on est toujours célibataire. L'ambiance reste doucement nostalgique par les souvenirs qui lient cette famille. Tendresse et maladresse.
     Connu par ses bandes dessinées, l'auteur fait une belle entrée dans le roman avec une écriture tonique et enlevée.
     On passe un bon moment, et puis on lui souhaite plein de bonnes choses à Adrien dont le parcours sentimental nous touche vraiment.
Fabrice Caro - Le discours - Collection Sygne Gallimard - Parution 4 Octobre 2018 - 208 Pages - 16 €

Mark Greene : Federica Ber

     Alors qu'il déguste un croissant en lisant son journal, le narrateur est interpellé par un nom apparaissant dans un fait divers. Celui de Federica Bersaglieri.
    Témoin de la mort d'un couple d'architectes dans les Dolomites en Italie, elle est vivement recherchée. Meurtre, suicide, accident ?            L'article n'en dit pas plus.
    Et si c'était sa Federica ?
   Paris, un été de canicule, vingt ans plus tôt.
     Il avait rencontré la jeune femme, d'origine italienne, petite brune pétillante, lui qui était si seul.
     Elle a illuminé sa vie pendant une semaine. C'est la découverte de Paris, les déambulations dans les rues, les cafés pris aux terrasses, les visites aux antiquaires et libraires.
     Lui reviennent de délicieux moments inoubliables, et surtout les nuits de liberté passées sur les toits de Paris, la ville vue d'en haut.
     Et puis un jour, Federica est partie, comme ça. La vie a repris comme avant mais jamais pareil.
     Muni d'un carnet, les souvenirs affleurent et lui rappellent Federica et il poursuit l'histoire. Il écrit entre rêve et fantasme, la rencontre avec le couple d'architectes, les événements qui se sont déroulés. Il imagine une fin à la mesure de cette jeune femme fantasque et bouillonnante, remplie de lumière.
     Dans la suite de cette rentrée littéraire, la découverte de cet auteur est un grand moment de douceur.
     L'écriture est fluide et il émane de ce joli texte une tendre poésie.
     J'ai aimé la rencontre magnifiée de deux êtres solitaires, rester en suspension sans être sur de rien. 
     Bousculer le quotidien terne, s'évader dans des échappées belles, et se souvenir de la douce nostalgie de la jeunesse perdue. Profiter. Voilà ce que nous confie le narrateur.
     Une belle lecture.
Mark Greene - Federica Ber - Editions Grasset - Parution le 22 Août 2018 - 208 Pages - 18 €

lundi 22 octobre 2018

Laurent Gaudé : Salina, les trois exils

   Dans son dernier opus, Laurent Gaudé, maître des mots et du conte, nous transporte au-delà du désert, au delà du temps pour nous parler d'une femme et de l'Afrique.
     Une Afrique sauvage et envoûtante où bébé elle a été abandonnée dans un village brûlé par le soleil et la poussière. 
     Adoptée, elle devient Salina, "celle qui portait en elle trop de larmes". 
Jeune fille, alors qu'elle tombe amoureuse, elle voit sa jeunesse brisée et sa vie anéantie par un mariage forcé avec l'aîné du chef du village.
     Des années plus tard, le village l'a bannie et elle perd tout mais Salina ne lâche rien et ne baisse jamais la tête.
     Son esprit se voile, elle parle alors aux pierres et aux serpents.
     Trois exils, trois fils dont le dernier Malaka devient le confident de sa colère et de sa vengeance.
     Par sa voix, le lecteur va connaître la vie de malheurs de Salina, une existence écrasée par les hommes que la solitude a fait sombrer.
    "Moi, Malaka, je vais raconter Salina...."
     Du fond d'une barque la voix de Malaka, accompagne sa mère vers sa dernière demeure, l'île cimetière. Pour qu'il puisse y accéder, son histoire doit émouvoir et ceux qui l'accompagnent vont l'écouter dans cette nuit africaine.
     Tout est prêt et nous aussi écoutons la magie Gaudé. 
     Malgré une thématique âpre et rude, le roman résonne comme une mélopée dans les dunes pour évoquer une vie de femme où les traditions deviennent douleur.
     A travers des mots d'une infinie poésie, l'auteur rend hommage à Salina et à toutes les femmes que les hommes maltraitent et souillent.
     Une très belle lecture
Laurent Gaudé - Salina, les trois exils - Editions Actes Sud - Parution Octobre 2018 - 160 Pages - 16.80 €    

dimanche 21 octobre 2018

Jon Kalman Stefansson : Asta

     Jon Kalman Stefansson est un talentueux écrivain islandais qui emmène le lecteur dans un univers étonnant où l'Islande tient un rôle mystérieux et âpre.
     Dans son dernier roman Astà, l'auteur annonce par la voix de son narrateur, un écrivain (peut-être lui) "qu'il est impossible de raconter une histoire sans s'égarer, sans emprunter des chemins incertains...".
     Ainsi, le lecteur est entraîné dans les vies de personnages d'une manière non chronologique, par le biais de souvenirs, de lettres ou de poèmes. Une expérience intéressante et bouleversante.
     Sigvaldi vient de tomber d'une échelle, il est très gravement blessé et gît sur le trottoir. Ses souvenirs lui reviennent, en flash, des instants de vie ordinaire, c'est sa vie mais aussi celle de ses proches.
     Les générations se succèdent et  les passions amoureuses sont déclinées au regard de l'existence qui passe beaucoup trop vite. Il y a des ratés, des chemins qui n'ont pas été pris, un petit tour et puis c'est fini. 
     Sur le trottoir de son agonie, Sigvaldi se souvient de sa première femme, Helga, passionnément aimée et des deux filles qu'ils ont eues ensemble, de leur séparation.
     Lui revient en souvenir, Astà, surtout. Son absence en tant que père, Astà son manque à jamais.
     Sa nouvelle épouse Sigrid qui sait veiller sur lui, et la fille d'Astà qu'il élève et à qui il donne tant d'amour.
     Dans ce puzzle de la vie, le lecteur tient en mains des pièces différentes mais fondamentalement semblables.
     Au fur et à mesure de la lecture tout se met place et l'auteur nous fait comprendre que ce qui remplit nos pauvres vies le temps qu'elles durent c'est l'amour filial, paternel ou maternel ou passionnel.
     Stenfensson choisit ses mots et ils s'impriment dans nos âmes. C'est beau.
     Une phrase m'a émue particulièrement, c'est celle qu'écrit Joséf à Astà, son impossible amour , son inconsolable quête :"Fallait-il que je meure pour te prouver que tu ne saurais vivre sans moi".
     Voilà Stenfensson amoureux des mots montrant une absolue compassion pour ceux qui vivent et souffrent d'aimer.
Jon Kalman Stefansson  - Astà - Editions Grasset - Traduit de l'islandais par Eric Boury - 492 Pages - 23 €

dimanche 14 octobre 2018

Shih-Li Kow : La somme de nos folies

     L'auteure est née en Malaisie dans la communauté chinoise. Elle signe ici un premier roman surprenant par son originalité de ton, par la magie qui s'en dégage et par le dépaysement qu'il procure.
     Elle raconte l'histoire de Beevi tenancière d'une maison d'hôtes, de son ami Sayong  figure locale et directeur de l'usine de litchis du coin et de Mary-Anne, une toute jeune fille sortie de l'orphelinat.
     Ils vivent avec d'autres dans le petit village de Lubok Sayong, situé entre deux rivières et trois lacs, régulièrement inondé.
      Petits et grands malheurs nous sont racontés ici par deux voix.
     Deux personnages vont prendre la parole et nous emmener, dans une Malaisie lointaine et  provinciale, prise entre traditions et modernité. C'est Auyong et Mary-Anne.
      A la suite du décès de sa sœur qui devait adopter Mary-Anne, Beevi se voit dans l’obligation d'accueillir l'adolescente. 
       Sa vie en est un peu chamboulée et les histoires se savourent, le lecteur sourit. Il est question de gens simples, de province et de ruralité. Si notre regard occidental est perdu tant la culture y est différente, on se sent bien tout de suite dans cet univers si nouveau. La littérature est merveilleuse car elle permet le voyage et les rencontres, elle tend à l'universalité.
    Les autres personnages sont tout aussi attachants parce qu'ils poursuivent leur vie avec dignité, ils savent vivre ensemble et même s'ils sont un peu décalés ils conservent leur dose de mystère.
    Ce qui les lie va au delà des leçons de morale et on a envie de faire un bout de chemin avec eux.
    Mais à travers son humour et sa dose de magie, le texte interpelle par ses thèmes, notamment avec l'inoubliable Miss Boonsdik, travesti engagé qui va défendre les jeunes garçons maltraités pour leur sexualité. 
     La Malaisie est certes exotique mais elle est représente un brassage ethnique important et une forte différence est faite en fonction des différentes origines. C'est ce qu'a voulu montrer l'auteure selon  son point de vue.
     Un livre intéressant pour la découverte, la littérature malaisienne est très rare alors savourons.
Shih-Li Kow - La somme de nos folies - Traduit de l'anglais (Malaisie) par Frédéric Grellier - Editions Zulma - Parution Août 18  - 384 Pages - 21.50 €
  

lundi 24 septembre 2018

Bernard Malamud : Le tonneau magique

     Bernard Malamud, disparu en 1986 était un écrivain new yorkais. Ce monument de la littérature a notamment été l'inspirateur de  Philip Roth.
     Aujourd'hui son oeuvre fait l'objet d'une  nouvelle traduction, et c'est bien.
     Nous sommes donc heureux de découvrir ou de relire un auteur d'une grande richesse humaine.
     Le tonneau magique est un recueil de 13 nouvelles étonnantes  mais aussi une expérience littéraire intéressante pour pénétrer l'univers de cet auteur.
     13 histoires qui racontent l'existence de juifs modestes immigrés dans le New-York des années 50. Sauf trois nouvelles qui nous emportent en Italie à la même époque.
Les personnages sont souvent cordonniers, épiciers, boulangers, petits commerçants et possèdent tous une authentique envie  de s'en sortir.
     Ils portent en eux la certitude qu'un jour le miraculeux peut arriver pour changer leur existence..
     Malamud  évoque des existences petites et désespérantes mais ils les dépeint sans pathos, avec une grande humanité et malgré la misère et les difficultés la chute est bourrée d'humour, ce qui rend l'espoir possible.
     La nouvelle sur le cordonnier qui rêve de marier sa fille à quelqu'un de cultivé et riche, est un hommage aux livres et à la lecture.
     Manischevitz, un personnage truculent, est tellement désespéré qu'il en appelle à Dieu qui va lui répondre. Mais les apparences sont trompeuses parfois...
      Un livre émouvant parce que rattrapées par l'Histoire, les vies de ces personnages restent marquées par la mémoire de ceux qui ne sont pas revenus.
Bernard Malamud - Le tonneau magique - Editions Rivages - Traduit de l'Américain par Josée Kamoun - 265 Pages - 20.50 €

mardi 18 septembre 2018

Tiffany Tavernier : Roissy

     Un premier roman étonnant et percutant, une belle rentrée littéraire pour cette auteure, que l'on découvre avec un grand plaisir.
     L'aéroport international de Roissy c'est le monde en partance, une foule en mouvement. Anonymes qui se ressemblent scrutant les écrans, la tête dans les étoiles d'un nouveau départ.
     Roissy et ses éternels voyageurs.
     Ce n'est pas cette histoire que raconte ici Tiffany Tavernier. Elle dépeint le portrait d'une femme qui reste, qui ne part pas ou plus. 
     Nous la suivons ici dans ce court roman poignant, elle que l'on ne regarde pas d'habitude.
     Elle s'appelle Anna et erre dans Roissy depuis plusieurs mois, d'un terminal à l'autre. Elle est sans mémoire et fait tout son possible pour la retrouver.
     En attendant elle fait très attention de ne pas se faire prendre par la sécurité, elle côtoie les SDF qui habitent dans les sous-sols, apprend les codes de l'aéroport et son vocabulaires. Elle met en place une routine pour survivre.
     Un jour, elle rencontre Luc, il vient tous les jours attendre l'arrivée du vol Rio-Paris, sa femme a disparu. Lui voudrait oublier le vol, le crash et son chagrin d'avoir perdu son amour.
     Alors de cette improbable rencontre je ne dirai que la possibilité de l'espoir.
     La force de ce roman est de nous faire voir l'envers, les coulisses d'un monde que l'on ne voit pas et la souffrance de ces âmes perdues qui se croisent.
     Anna est bouleversante dans l'angoisse du quotidien fatiguant et des vies qu'elle invente. Elle souffre quand des bribes de souvenirs viennent par vague la hanter.
     L'écriture est tout en retenue mais reste très visuelle. La construction littéraire captive par la rencontre de personnages attachants vivant dans cet entre-deux monde, ceux qui ne partent pas.
     Un livre magnifique d'émotion.
Tiffany Tavernier - Roissy - Editions  Sabine Wespieser - Parution  Août 2018 -  280 Pages - 21 €

dimanche 9 septembre 2018

Michel Moutot : Séquoias

     Michel Moutot, dans un rythme effréné, nous emporte dans une formidable épopée qui débute en 1830, celle des chercheurs d'or.
     A travers l'histoire de la famille Fleming, chasseurs de baleine de père en fils,  le lecteur entame un voyage fascinant sur mer et sur terre et assiste à la construction d'une ville, symbole du rêve américain.
     Prodigieux roman d'aventures, d'histoire, de l'Histoire où le lecteur est catapulté dans une chasse à la baleine au large du Brésil dès l'ouverture du  roman qui le laisse sonné par les odeurs, les bruits et la fureur.
     Les frères Fleming, natifs de l'île de  Nentucket sur la côte est des Etats-Unis, récupèrent le bateau à la mort de leur père.
     Mais les affaires sont difficiles sur l'île et obligent Mercartor, l'aîné, à prendre de nouvelles orientations pour payer les créanciers.
     L'Amérique récupère des nouveaux états cédés par les mexicains et qui regorgent de mines de métaux précieux.
     Dans le pays du rêve américain et de tous les possibles, la fièvre de l'or attire des aventuriers chercheurs d'or et surtout d'un avenir meilleur du monde entier.
     A bord du Freedom, Mercartor, embarque des candidats à la fortune. Ils arrivent dans un petit hameau de pêcheur, Yerba Buena et construisent la ville qui deviendra San Francisco.
      Le texte fourmille d'aventures autour des mines d'or et d'un peuple bâtisseur qui travaille sans relâche.
      Certains feront fortune , d'autres connaîtront de tristes destins mais tous font partie de la fabuleuse aventure de la conquête de l'ouest.
     Un livre passionnant et très bien renseigné, qui se lit avec avidité. Le titre Séquoias interroge avec la photo de la couverture, il y a une explication...Lisez...
Michel Moutot - Séquoias - Editions Seuil - Parution le 05 Avril 2018 - 496 Pages - 21.50 €



Thomas B. Reverdy : L'hiver du mécontentement

     Le roman se situe à Londres pendant l'hiver. Un hiver particulièrement froid, où Candice, une toute jeune femme, entre ses livraisons à vélo et ses répétitions de Shakespeare, traverse une ville secouée par la crise politique.
     Janvier 1979, c'est la grève générale, la société est bloquée et le parti travailliste au pouvoir se fait bousculer par une certaine Margaret Thatcher encore inconnue.
     Certes la crise est mondiale et les événements politiques s'enchaînent sur fond de communisme, pétrole et guerre.
     Les années 80 arrivent et plus rien ne sera plus comme avant.
     Nous suivons Candice qui profite de petits boulots pour payer ses cours d'art dramatique. 
     Pour elle, jouer le rôle de Richard III avec une troupe de filles est audacieux. et important.
     Seulement Candice est insignifiante, dans un tel contexte il est inconcevable de penser le monde comme ça.
      Peut-être méritait-elle une profondeur mais on n'arrive pas à la trouver intéressante.
     Ensuite lire les actualités qui se sont passées dans les années 80 pourquoi pas ? Autant lire le journal.
       "L'hiver du mécontentement" vient d'une parole prononcée par Richard III qui montre l'intemporalité du pouvoir et de sa violence.
       Je n'ai pas réussi à m’intéresser à ce roman malgré la qualité de l'observation de la société par l'auteur.
Thomas B. Reverdy - L'hiver du mécontentement - Editions Flammarion - Parution 22 Août 2018 - 224 Pages - 18 €
       

vendredi 7 septembre 2018

Maylis de Kerangal : Un monde à portée de main

     Maylis de Kerangal aime à explorer les univers particuliers qui nous entourent. 
     Dans son dernier roman de la rentrée littéraire, elle nous emmène cette fois,  découvrir celui du trompe-l'oeil dans la peinture et nous pose ainsi la question: "fait-on de l'art quand on copie le monde ?", et bien sûr raisonne en parallèle la position de l'écrivain face à la fiction.
     Paula, la narratrice est inscrite dans une école de peinture à Bruxelles. Elle se lie d'amitié avec Jonas, son colocataire,  et Kate. Leurs histoires vont se mêler tout au long du récit mais c'est par Paula que le lecteur suit leurs parcours.
     La connaissance de la technique du trompe-l’œil dans cette école est très intense et demande une force physique étonnante ainsi qu'une attention finalement toute saisissante à ce qui nous entoure.
     Car pour copier le marbre ou le bois,  il faut connaître son origine, il faut apprendre le monde.
     L'auteur donne la parole à une toute jeune femme, un peu paumée au début, qui entre en peinture pour mieux entrer dans la vie. Et ça fonctionne bien.
     Nous suivons l'apprentissage de ces jeunes artistes et assistons aux difficultés rencontrées quand ils commencent leur travail.
     Avec leurs expériences  très différentes, de l'appartement cossu aux décors de théâtre en passant par les studios de Cineccita, l'auteur nous invite dans une découverte artistique très cadencée qui ne lasse pas.
     Comme un écho à la création et aux origines du monde, Paula finalisera son expérience par sa participation au fac-similé de la grotte de Lascaux.
     "Un monde à portée de main" est écrit dans un style vif et précis, nous faisant ainsi voyager dans le temps grâce à l'art mystérieux et envoûtant du trompe-l’œil et de la trajectoire de ces jeunes artistes prometteurs.
     Très réussi.
Maylis de Kerangal - Un monde à portée de main - Editions Gallimard (Verticales) - Parution le 16 Août 2018 - 288 Pages - 20 €

mardi 4 septembre 2018

Jérôme Ferrari : A son image

     Pour cette rentrée littéraire, le dernier opus de Jérôme Ferrari nous emmène en Corse, loin des ambiances de vacances pour évoquer l'image d'une enfant du pays, Antonia.
     La belle Antonia, grandit sur l'île et partage l'existence et les combats nationalistes de ses jeunes amis, pourtant elle va partir.
     Elle suivra la guerre dans les Balkans et captera le monde qui s'effondre dans ses photos.
     Quand elle revient tout a changé et pourtant les hommes restent les mêmes. Antonia choisit de devenir photographe de mariages.
     C'est autour de son cercueil que le livre débute vraiment et le prêtre qui est aussi son oncle, nous raconte l'histoire solaire et fulgurante d'Antonia.
     C'est lui qui lui a donné la passion de l'art photographique, c'est dire le chagrin qui l'étreint.
     Le livre se construit au rythme du déroulement de la messe d'obsèques, Jérôme Ferrari déploie son style d'une grande pureté et d'une beauté inclassable.
     Il nous parle de l'art bien sûr et de la photo qui fige et pourtant témoigne du monde, il nous raconte la famille avec ses valeurs et ses peines, il nous fait état des combats qui jamais ne cessent et  il nous dit surtout l'instant où tout bascule et c'est beau.
     La beauté et la chaleur de l'île avec sa violence et ses secrets captivent le lecteur tout en interrogeant  la guerre et l'amour, la mort et la vie.
     Les thèmes que l'on retrouve chez Ferrari sont ici sublimés par une héroïne solaire et par l'île, personnage insaisissable du roman.
Les retours en arrière apportent une profonde nostalgie dans la lecture.
J'aurais aimé connaître un peu plus Antonia, elle méritait peut être quelques lignes supplémentaires, mais sans doute est ce mieux ainsi, elle nous échappe.
Jérôme Ferrari - A son image - Editions Actes Sud - Parution Août 2018 - 224 Pages  - 19 €


dimanche 26 août 2018

Olivier Bleys : Nous, les vivants

    Une rentrée littéraire placée sous le signe de l'étrange et du dépaysement avec ce roman bref mais efficace d'Olivier Bleys.
     Marcheur amoureux du monde qui lui procure tant d'émotions,      Olivier Bleys enferme ici le lecteur dans un huis clos à 4200 mètres d'altitude dans les Andes, dans une petite maison prise dans une terrible tempête de neige.
     Perdu à la frontière du Chili et de l'Argentine, le refuge Maravilla abrite le gardien qui guette Jonas, le pilote de l'hélicoptère venu le ravitailler.
     Un étrange personnage vit là aussi, un dénommé Jésus, il surveille la frontière et fait des relevés. 
     La tempête de neige les surprend alors que  Jonas s'apprête à repartir.
     Condamné à rester là en attendant des temps plus cléments, Jonas se sent pris au piège et se voit embarqué dans une aventure qui lui échappe.
     Le lecteur est aussi pris au piège de l'ivresse de l'altitude et de l'implacable et sauvage beauté  de ces paysages andins.
     Olivier Bleys avec un style et une écriture épurée, raconte l'histoire de Jonas dans un univers hostile et envoûtant.
      A la fois thriller et roman initiatique, cette histoire distille un suspense et nous montre combien nous pensons et agissons mal face à une nature qui toujours prends sa revanche.
      Un moment délirant et anesthésiant comme le froid que nous fait vivre l'auteur à l'instar de son héros, Jonas.
      Une très belle découverte de lecture d'un écrivain voyageur et marcheur.
Olivier Bleys - Nous, les vivants - Editions Albin Michel - Publication le 22/08/18 - 192 Pages - 16 € 

J.M. Coetzee : L'abattoir de verre

     J.M. Coetzee, Prix Nobel de Littérature en 2003 sud-africain, met en scène son héroïne de fiction Elisabeth Costello. 
     La très talentueuse écrivaine aborde l'utltime chapitre de sa vie et n'arrive plus à capter le désir de l'écrire.
     Elle devient vieille et aigrie et inquiète ses deux enfants pour lesquels elle semble manquer de compréhension en cultivant un certain égoïsme.
     Composé par 7 chapitres ou 7 nouvelles que l'on pense distincts, le livre dégage une impression d'unité explosée comme la vie quand elle prend plusieurs chemins.
     Voilà le portrait déstructurée d'une femme qui se pose des questions qui resteront sans doute sans réponse.
      C'est aussi un regard sur le couple, l'infidélité, les rapports aux autres et ce que l'on est et devient. Et puis bien sûr les livres: Que nous apportent-ils ? Nous font-ils comprendre vraiment la complexité de notre individu ?
       Les questionnements que Costello  a tout au long de son existence nous parvient à travers des références des grands de la littérature.
     JM Coetzee convoque ici Saint Augustin avec le texte "Le chien" ou Musil avec l'histoire de la femme infidèle heureuse et bien sûr Coetzee lui-même dont les différents engagements vivent dans son oeuvre.
      L'auteur nous invite dans un roman (ou nouvelles) à la tonalité crépusculaire où la double lecture est de mise. Le basculement de la vie, le changement inéluctable parce que tout finit avec pourtant un dernier désir qui pourrait être possible. Comme celui de se teindre en blond pour être regardée une dernière fois comme avant (Vanité)
      Un texte difficile sans doute parce qu'il interpelle et que cette double lecture peut gêner.
      Mais ce sont les mots et le style d'un grand de la littérature et ça c'est bien.
J.M. Coetzee - L'abattoir de verre - Traduction de l'anglais par Georges Lory - Parution 16 Août 2018 - 176 Pages - 18 €

Serge Joncour : Chien-loup

     Nous emmenant dans les profondeurs du Lot, au cœur du Quercy, Serge Joncour nous fait découvrir le village d'Orcières et revisite ainsi les légendes et les superstitions qui habitent cette région.
     On sent l'auteur amoureux des grands espaces et intéressé par la faune qui y vit, curieux aussi des hommes qui pénètrent et découvrent cet univers de verdure sauvage.
     Les chapitres alternent deux périodes avec l'été 1914 et celui de 2017. 
     L'ouverture se fait par une nuit de l'été 1914. Une nuit sombre  où se produit un bruyant hourvari, annonçant la période de malheurs à venir.
      En l'absence des hommes partis à la guerre, les femmes travaillent et prennent en main leur destinée.
     Au cœur du drame historique l'intime se révèle et dans ce coin perdu, arrive un dompteur et ses fauves. L'étranger qui arrive va susciter la méfiance et remuer le petit village trop calme.
     L'été 2017, un couple de parisien, a loué pour les vacances une maison isolée et  remplie de mystère parce que perdue au fin fond  d'un paysage sauvage, elle représente le passé révolu rempli de mystères.
     Sans téléphone, sans wifi, sans télé ni contact avec la ville puisqu'il faut prendre la voiture, Franck contrairement à sa femme Lise, se sent perdu et l'anxiété le gagne.
     Pourtant c'est un réel émerveillement. Le silence de la maison, la vie intense et nocturne qui les entoure et l'arrivée d'un chien-loup sauvage et sans collier vont changer leur conception même de la vie.
     Des histoire d'amour aussi menées à des années d'intervalles dont le point d'orgue est cette maison, tout fait de ce livre un moment de lecture envoûtant.
     Une rentrée littéraire sous le signe de la dualité chez l'homme comme chez l'animal. Sauvage et cruel, doux et empathique comme le monde qui nous entoure.
     Une façon aussi de montrer l'importance du dérisoire dans notre vie et d'insister sur un retour aux sources plus que nécessaire.
      L'écriture de Serge Joncour à travers Franck qui est producteur nous dévoile l'envers d'un métier aux prises avec une certaine sauvagerie et nous conduit avec une plume brillante dans un suspense absolument maîtrisé.
      Un très bon livre pour cette rentrée littéraire.
Serge Joncour - Chien-loup - Editions Flammarion - Parution 22/08/18 - 480 Pages - 21 €

vendredi 24 août 2018

Christine Angot : Un tournant de la vie

  Voilà une piètre rentrée littéraire pour Christine Angot. 
     Elle inflige aux lecteurs un roman d'une insignifiance absolue où la narration est absente et les dialogues interminables d'une platitude extrême.
     L'histoire se résume ainsi : la narratrice qui vit avec Alex croise dans la rue son ex, Vincent, qu'elle a quitté il y a dix ans.
     Indécise elle hésite entre les deux, mais que doit-elle faire ? pour pimenter le tout, les deux hommes sont amis ! Quelle histoire!! 
     La forme du roman aurait pu surprendre par son style mais là non, Christine Angot nous montre ici un manque de talent surprenant.
     A oublier, l'histoire ne vaut même pas un roman.
Christine Angot - Editions Flammarion - Paru le 29 Août 2018 - 184 Pages - 18 €

lundi 2 juillet 2018

Iceberg Slim : Mama Black Widow

     Iceberg Slim, décédé en 1992,  a été un des plus célèbres proxénètes des quartiers noirs de Chicago. Il a commencé en littérature à l'âge de 40 ans. Ses livres sont marqués par son expérience du milieu de la prostitution et rendent compte de la violence et du racisme qui existent. Quand il évoque la rue, il sait de quoi il parle.
     Mama Black Widow est un roman vérité et un témoignage sans concession sur le ghetto noir des années 70.
     Dans sa préface, l'auteur nous met en garde de la plongée que nous allons faire dans les bas fonds d'une existence tragique, celle d'Otis Wilson.
     Otis raconte l'histoire de sa famille dans le Mississippi,  travailleurs dans les champs de coton, exploités 
     Mais les rêves d'argent et de liberté de sa mère les emmènent loin du Sud et ils s'installent à Chicago.
      C'est la lente descente aux enfers d'Otis dans ce ghetto. A la recherche de son identité tant sociale qu'intime. Otis est salement amoché, dans sa vie et dans son corps.
Sexe, drogue et violence, rien n'est beau.
     C'est aussi un cri désespéré d'amour pour une mère mauvaise et vénale, capable de tout pour de l'argent.
     Ecrit dans un style très oral et très cru, certaines descriptions nous chamboulent par leur réalisme cruel. L'auteur  nous bouscule avec le langage des rues, ses codes et sa violence.
     Un livre sans espoir, qui est un poignant constat d'une réalité américaine malade de la ségrégation raciale qui existe toujours.
     Une lecture qui ébranle mais c'est indispensable.
Iceberg Slim - Mama Black Widow - Traduit de l'Américain par Gérard Henri- Paru le 3 11 2000 - 304 Pages - 20.10 €

samedi 9 juin 2018

Joël Dicker : La disparition de Stephanie Mailer

     Le dernier roman de Joël Dicker, très attendu, a pourtant reçu des critiques pas toujours unanimes.
     D'après l'auteur, il n'a pas voulu écrire un roman policier, son inspiration a été celle de grands écrivains comme Philip Roth, et il a mentionné que ce dernier livre ressemblait plutôt à un roman russe.
     Mais alors ?
     D'abord c'est un pavé de 600 pages avec une enquête policière, une disparition et une  intrigue sans cesse repoussée, un rebondissement en chassant un autre et une construction de chapitres égrenés par un calendrier qui rend le lecteur perplexe (et lassé aussi).
     Ce qui ressemble quand même à un roman policier. 
     En 1994 Orphéa, petite ville tranquille des Hamptons (elle n'existe pas) voit sa communauté chamboulée par quatre meurtres : le maire, sa femme, son fils ont été assassinés dans leur maison ainsi qu'une joggeuse, sans doute témoin de la tragédie. Le coupable a été arrêté par deux jeunes policiers, Rosenberg et Scott,  après une enquête difficile.
     20 ans plus tard, la journaliste locale Stéphanie Mailer remet en lumière cette triste affaire et  informe Rosenberg des erreurs commises dans l'enquête par la police à l'époque. Elle détient des informations. Un rendez-vous est pris mais Stéphanie disparaît. 
     Joël Dicker met en scène une pléthore de personnages dont les vies vont se croiser à un moment donné à Orphéa. Chacun porte en lui des secrets et est hanté par les démons du passé.
     La mécanique du policier fonctionne bien, même si c'est un peu long parfois et qu'on se perd souvent après chaque nouveau rebondissement.
     Je regrette un peu le côté caricatural des personnages. Que ce soit le couple adultère, le critique littéraire hystérique ou l'adolescente dépressive, ils restent dans leur superficialité, c'est dommage.
     Les dialogues nombreux, sont parfois d'une glaçante et creuse banalité, il manque une certaine profondeur.
     Bref, une lecture facile mais décevante.
Joël Dicker - La disparition de Stéphanie Mailer - Editions de Fallois - Parution Mars 2018 - 23 €     

jeudi 7 juin 2018

Franz-Olivier Giesbert : L'arracheuse de dents

     Un professeur trouve par hasard sous le parquet de sa maison de famille à Nantucket, les écrits de son aïeule Lucile Bradsock.
    En 1876, à plus de 100 ans, elle prend la parole pour nous raconter sa vie.   
     De la France aux Etats-Unis, elle vivra avec une grande gourmandise sans cesse renouvelée une existence pleine de rebondissements.
     Arrivée de sa Normandie natale elle travaille à Paris auprès d'un dentiste qui lui apprend son métier.
     La révolution française lance ses prémisses  et Lucile va être emportée dans toutes les tourmentes et violences de ces années sombres.
     Dentiste, féministe et combattante, éprise de liberté et de justice, elle fait de sa vie un combat.  Elle a surtout le don de se mettre dans les pires situations, s'il le faut de recommencer  sa vie avec autant d'envie à chaque fois.
      Amoureuse de l'amour et des hommes, elle rencontrera les grands personnages et les petits héros qui ont fait l'histoire : roi, empereur, révolutionnaires et esclaves lui feront vivre des moments intenses.
     Franz-Olivier Giesbert nous montre ici son intérêt pour l'Histoire en faisant de son héroïne le témoin de l'histoire de France pendant la Révolution Française à celle des Etats-Unis avec notamment la guerre de Sécession.
     L'auteur en profite aussi pour  interpréter d'une manière libre et audacieuse la destinée de ces personnages historiques et leur ôter de leur superbe et revisiter l'Histoire.
     L'écriture est enlevée et bien rythmée ce qui procure au texte un bouillonnement du début à la fin avec une femme pleine de vie.
    Si ce n'est que parfois, c'est trop, ça ne s'arrête jamais et même si l'on sait que c'est une fiction, bien menée et très bien écrite, on se lasse un peu de tout ce "trop".
Franz-Olivier Giesbert - L'arracheuse de dents - Editions Gallimard - 448 Pages - Parution le Février 2016 - 21 €
     

Nicolas Delesalle : Mille soleils

     C'est un huis-clos superbement raconté que nous offre Nicolas Delesalle dans son dernier roman. L'histoire se passe dans le désert argentin avec quatre hommes et le temps, minuté et précis, d'une journée.
     Une journée où tout change, la vie comme les hommes quand la mort vient à passer et que l'avenir ne vous appartient plus.
     Très tôt le matin, Vadim, Alexandre, Simon et Wolfgang doivent prendre la route pour rejoindre Mendoza et prendre un avion pour la capitale, Buenos Aires.
     C'est Alexandre qui conduit, un peu trop vite d'ailleurs. Beaucoup de route avec de la piste aussi, et le paysage argentin qui défile, entre terre et désert.
     Nous faisons la connaissance de ces hommes et de leur parcours, de leur travail et de leur rencontre et de la façon dont ils ont passé leurs dernières journées.
     Et puis dans la voiture tout va trop vite, ils croisent une femme avec son vélo sur le bord de la route, et puis tout se renverse. La voiture se retourne, vite, trop vite, plusieurs fois. Des coups, des chocs et alors l'histoire commence.
     Que s'est-il passé ? Est on blessé ? Qui va mal ?
     Et la journée commence avec les heures qui sont comptées et ouvrent les chapitres avec les minutes qui s'égrènent.
     Simon sort du véhicule et va marcher et chercher de l'aide. Longtemps, très longtemps. Il rencontre la femme au vélo, Mathilde. 
     Et puis 22h10, la journée se termine avec des vies chamboulées, des chemins que l'on ne prendra pas, des choix qui n'ont plus cours. La vie continue mais le lecteur n'en saura rien, juste il pourra l'imaginer.
     Un très beau roman sur le chaos de la vie et les interrogations qu'elle suscite. Un roman empreint d'une grande vérité dans le texte sur ce qui change à tout jamais quand la mort vient si près. Le pathétique d'une ambition, les problèmes d'amour et le reste.
     L'auteur  réussi à nous faire pénétrer dans cette voiture et à vivre l'accident et le chamboulement de l'intime.
     Avec ses mots et son humour et sa poésie, parce que le drame est là et nous touche mais on ne sombre pas.
     Chacun son histoire, chaque vie si précieuse et si fragile.
     Cette lecture est un vrai dépaysement, elle nous emporte dans les paysages envoûtants d'Argentine et à la rencontre de ces vies terriblement humaines.
     A lire, bien sûr.
Nicolas Delesalle - Mille soleils - Editions Préludes - 256 Pages - Parution Janvier 2018 - 15.60 €

vendredi 1 juin 2018

Jean-Christophe Rufin : Le suspendu de Conakry

     Jean-Christophe Rufin nous transporte en Afrique, dans une escapade-enquête à Conakry où l'assassinat sanglant d'un ressortissant français a été perpétré.   
     Ce dernier a été retrouvé mort suspendu au mât de son voilier dans la marina du port.
     Roman léger et savoureux, le lecteur pénètre dans la vie des expatriés du bout du monde, des consulats et ambassades, de cette communauté française qui organise sa petite histoire et ressasse la grande dans une ambiance de fin de siècle.
     Pour mener cette enquête, un fonctionnaire apparaît. Il a un physique ridicule et des tenues très improbables pour ces contrées si chaudes, tout de suite une sympathie pour lui s'installe.
     Aurel Timescu, natif de Roumanie, consul de France à Conakry, sort de son placard en l'absence de son supérieur et va mener l'enquête. Il rêvait faire une carrière de policier, aussi quand un meurtre se présente il va montrer toute sa perspicacité.
     L'enquête en elle-même ne mène pas vraiment ce roman mais les caractéristiques des personnages représentatifs d'un certain monde sont savoureux et marqués par l'expérience de l'auteur.
     Nous avons plaisir à retrouver Rufin, académicien,  dans un nouveau genre littéraire celui  du roman policier.
     La situation de la Guinée post-coloniale est bien réelle, et se partage entre insécurité et trafic de drogue.Le constat de la colonisation perdure dans l'attitude des français vis à vis des locaux.
     L'auteur crée ici un personnage absolument parfait que nous aurons plaisir à retrouver, je pense, dans d'autres aventures puisqu'il est prévu une trilogie.
     Jean-Christophe Rufin - Le suspendu de Conakry - Editions Flammarion - Parution le 28 mars 2018 310 Pages - 19.50 €

vendredi 4 mai 2018

Celeste Ng : La saison des feux

     L'histoire se passe à Shaker Heights, la banlieue très huppée de Cleveland et débute par l'incendie de la maison des Richardson.            Une famille emblématique du quartier puisque les grand-parents en ont été les résidents fondateurs.
    Les familles appartiennent à  une sorte de communauté, répondant à beaucoup de codes et de règles. Elles sont les purs produits de cette Amérique si puritaine.
     Et madame Richardson est très fière de sa famille nombreuse et aime s'attribuer des sentiments généreux et bien pensants.
     Mais les apparences, on le sait, sont souvent trompeuses.
     Quand  Mia, artiste et bohème, et sa fille de 15 ans Pearl posent leurs valises dans le quartier, elles éveillent bientôt curiosité et nouveauté.
     Par leur façon de vivre et de penser, et en devenant proches des Richardson, chacune des vies des protagonistes va être bouleversée à jamais.
     Céleste Ng nous fait pénétrer avec beaucoup d'aisance au cœur de ces familles où tout est dans la norme avec une vie qui se doit d'être planifiée.
     L'intrigue est menée habilement, l'auteur signe là  une comédie de mœurs avec beaucoup de femmes très différentes et sincères dans leur combat.
      Secrets, calomnies et mensonges dans un roman qui n'est pas vraiment un thriller mais dont la lecture est agréable.
     C'est aussi un état des lieux d'une certaine Amérique  ainsi qu'une critique sociale d'un pays ballotté par son histoire mais comme pour l'écriture de son roman, l'auteur reste dans les normes.
    Celeste Ng - La Saison des feux - Editions Sonatine - Traduit de l'Américain par Pointreau - 384 Pages - 21 €

dimanche 8 avril 2018

Philippe Djian : A l'aube

Dans son dernier roman "A l'aube", Philippe Djian réussit à captiver le lecteur dans un exercice de style très particulier, celui de l'absence de ponctuation. 
Juste un point et à la ligne et nous sommes projetés en plein cœur de l'action, bousculés et quelque peu désorientés, mais l'histoire se construit et l'univers familier et crépusculaire de Djian est là. 
Sur la côte est des Etats-Unis près de Nantukeckt.
A la mort  par accident de la route de ses parents et après 15 ans d'absence, Joan revient vivre avec son jeune frère, Marlon autiste.
Ses parents, Gordon et Suzan  étaient des intellectuels et activistes très convaincus. Chacun collectionnait amants et maîtresses et avait une façon bien particulière de s'enrichir. Ils étaient plutôt des parents absents.
Joan a quitté la maison à 18 ans et travaille depuis comme escort-girl dans la boîte d'une amie de ses parents, Dora.
Elle renoue avec Howard ancien amant de sa mère qui veut récupérer certaines choses dans la maison familiale.
John, le shériff  et ami de la famille, surveille tout ce petit monde et use parfois de son autorité professionnelle pour arranger certaines affaires. Mais rien n'est simple pour lui dans sa vie avec sa femme et son nouveau bébé.
Et rien n'est simple pour aucun des personnages de ce roman construit comme un thriller particulier puisque le dénouement arrive en milieu de livre avec une suite six mois après et une fin inattendue mais combien surprenante.
Comme à son habitude l'auteur nous décrit une galerie de personnages tous plus déglingués les uns que les autres. Ils vivent des double vies et possèdent des passés troublés, ils se retrouvent souvent hors la loi à la limite de tout, et n'arrivent pas à s'en sortir.
Bizarres et glauques ils nous choquent et nous sommes prêts à les condamner pourtant on n'y arrive pas parce que malgré leur vie embrouillée, leur existence borderline, ils restent profondément humains. Attachants dans la recherche de l'amour et d'une certaine vérité.
Djian arrive toujours à mêler l'improbable et l'étrangeté à l'humanité d'un quotidien banal.
C'est bien construit, rapide, l'auteur est toujours dans la recherche d'une vision cinématographique et littéraire. Réussi.
Oui c'est un brin vulgaire et cru, drôle aussi et le mal être humain, à son apogée, nous interroge.
Philippe Djian - A l'aube - Editions Gallimard - Parution le 5 Avril 2018 - 189 Pages - 19 €

samedi 31 mars 2018

Gaëlle Josse : Une longue impatience

     C'est l'histoire d'un amour incommensurable, infini, celui d'une mère pour son fils.
     L'amour de toutes les mères, sentinelles de toutes les nuits pour attendre le retour de leur enfant.
     L'histoire se passe en Bretagne dans les années 50, Anne est veuve d'un marin. elle s'est retrouvée seule et sans moyen pour élever son fils, Louis.
     Elle se remarie avec Etienne, pharmacien, avec lequel elle aura deux autres enfants. Une vie nouvelle et ses promesses se dessinent enfin.
     Un jour à la suite d'une dispute très violente, le beau-père a un geste malheureux envers Louis.
     Ce dernier quitte la maison.
     Que dire de cette histoire ? Rien de plus. Tout est à découvrir,  les silences et les mots, le style de Gaëlle Josse, beau jusqu'à l'épure.
     Un court roman qui met en lumière une femme déchirée par l'attente, qui chaque jour note la fête et le repas promis au fils à son retour.
     Le portrait de cette mater dolorosa nous bouleverse tant elle reste digne et aimante dans son chagrin.
     Ses mots nous font vivre le manque, l'absence et l'attente qui n'en finit plus.
     Le paysage aussi est un personnage important, nous sommes avec Anne sur le petit chemin qui mène à sa maison sur la falaise, le vent, la nature, tout ici émeut.
     Retrouver Gaëlle Josse à chaque lecture, c'est entrer en émotion, c'est capturer un regard et être touché par la grâce.
     A lire absolument.
Gaëlle Josse - Une longue impatience - Editions Notabilia - Parution le 4 Janvier 2018 - 192 Pages - 14 €

dimanche 25 mars 2018

Sigriour Hagalin Bjornsdottir : L'île

     Un beau matin, l'Islande se réveille isolée du reste du  monde. Il n'y a plus de moyens de communications vers l'extérieur du pays et les avions ou bateaux qui sont partis ne donnent plus signe de vie.
     Sans connaître les explication de la cause de cet événement, et ce n'est pas l'intrigue de ce livre, le pays devra réviser son organisation et mettre en place des actions pour la survie même de sa population.
     Evidemment les Islandais vivent dans l'angoisse cet épisode traumatisant. Seuls au monde...
     L'absence du président de la république et du premier ministre en visite à l'étranger et sans nouvelles d'eux, le gouvernement installent des mesures basées sur l'utilisation des ressources du pays, visant le retour à la terre et et la valorisation de l'agriculture.
     Les personnages subissent cette situation catastrophique en voyant leur vie bouleversée à jamais. Mais en même temps, les combines et la corruption émergent et les islandais survivent dans un chaos agressif en développant un instinct de survie exacerbé.
     Que reste-t-il ainsi de nous et de nos valeurs, quand tout ce qui faisait notre vie, le bien-être, l'argent qui pouvait tout acheter n'existe plus ?
     Les personnages nous émeuvent et nous intriguent.
     Elin est la nouvelle ministre, jeune femme ambitieuse, elle se voit à la tête des plus hautes fonctions et responsabilités. Elle profite du système qui se délite en sachant que ça ne durera pas.
     Hjalti, journaliste vedette d'un quotidien,  est en charge auprès du nouveau gouvernement de communiquer des messages de confiance à la population afin d'éviter des débordements.
     Maria ancienne compagne d'Hjalti, musicienne et d'origine espagnole devient une paria, considérée comme une étrangère et une inutile.
     Ecrit dans un style délié et construit par chapitre donnant la parole à chacun des principaux personnages, ce livre captive par une certaine possibilité. 
      Beaucoup de thèmes nous font frémir et nous interpellent dans ce livre :la mise au ban des indésirables et des étrangers, le pouvoir qui reste toujours le but des politiciens, une violence qui s'installe insidieusement  et une société qui a encore des rêves de consommation .
       Ce livre est  très intéressant tant pour l'histoire de l'Islande que l'auteur nous fait découvrir que pour l'étude sociologique de tout un peuple dans une oeuvre fictionnelle assez réussie.
       La fin du livre est très émouvante, premier roman très fort à lire absolument !
Sigridur Hagalin Bjornsdottir - L'île - Editions Gaïa - Traduit de l'islandais par Eric Boury - Parution le 7 Février 2018 - 272 Pages - 21 €

vendredi 23 mars 2018

Raphaël Jérusalmy : La rose de Saragosse

      En 1485, au cœur de la cathédrale de Saragosse, l'inquisiteur de la ville est sauvagement assassiné.
      Le grand inquisiteur espagnol, Torquemada, sous les ordres du roi est chargé de découvrir les coupables. Dans la très catholique Espagne, il n'est pas question que le pouvoir religieux soit remis en cause. 
      Pour mener son enquête il fait appel à des "familiers", mercenaires s'offrant au plus généreux chargés par tous les moyens de trouver les meurtriers.
      L'un d'eux est Angel de la Cruz, ancien noble déchu, à l'allure aussi monstrueuse et féroce que son chien qui le suit comme son ombre.
      C'est alors que dans  la ville où les persécutions s'installent,  apparaissent des gravures caricaturant et ridiculisant Torquemada.             Bafoué et humilié, l'homme demande de trouver immédiatement l'auteur de ces publications anonymes. Pas de signature, juste une rose d'une très grande finesse.
      Angel de la Cruz procède à des recherches dans la ville, et à cette occasion il pénètre dans la maison familiale des Ménassé de Montesa, juifs convertis où il fait la connaissance de Léa.
     Tout oppose la jeune fille de famille, très cultivée et élevée dans l'amour de l'art et des livres et l'homme rustre et violent. 
      Pourtant ils partagent une même passion, celle du dessin et de la gravure particulièrement.
Mais qui est l'auteur de ces caricatures ?
      Raphaël Jerusalmy nous entraîne au temps de l'inquisition, époque troublée et sombre d'une Espagne qui se veut très catholique et qui entreprend une chasse sanglante des juifs convertis ou non.
      Le monde juif est très présent dans ce roman, et l'auteur  délivre ici un hymne à la liberté et à l'amour à travers l'art et la création artistique.
      L'écriture est fluide et la construction montre une épure qui rend le roman très intéressant.
      Dans un contexte historique très mouvementé, l'auteur place une histoire fiction totalement attachante. Les personnages sont vrais et portent en eux la flamme de leur conviction.
      A lire, pour le message qu'il délivre : préservons les artistes et leur art si fragile quand la société et les hommes deviennent fous.
Raphaël Jérusalmy - La rose de Saragosse - Editions Actes Sud - Parution Janvier 2018 - 192 Pages - € 16.50