je veux encore rouler des hanches,

je veux me saouler de printemps

je veux m'en payer des nuits blanches

à cœur qui bat, à cœur battant

avant que sonne l'heure blême

et jusqu'à mon souffle dernier

je veux encore dire "je t'aime"

et vouloir mourir d'aimer

Barbara

dimanche 28 octobre 2018

Fabrice Caro : Le discours

     Une surprise très agréable dans cette rentrée littéraire, un petit livre qui nous fait sourire et même franchement rire, tant l'humour et les situations sont cocassement décrites.
     Pourtant rien de bien original, l'histoire se déroule le temps d'un repas de famille, court et long à la fois. Adrien vient d'être quitté par sa petite amie, il vient désespérément de lui envoyer un SMS et il attend désespérément sa réponse.
     Sa sœur va se marier et la famille lui demande de faire le discours à l'occasion de la cérémonie.
     Lui n'a qu'une idée en tête que Sonia revienne et ses parents, sa sœur et son beau frère ne se doutent pas un instant de son désespoir.
     Ambiance connue et reconnue de tous un jour, l'éprouvant repas de famille, celui où on n'a ni envie de manger l'entrée et encore moins le dessert.
     Tout se déroule entre l'attente d'un SMS et les souvenirs de sa vie de couple avec son ex et les différents discours délirants qu'il imagine dire.
     Rempli d'humour sur les situations  et les remarques familiales qui ne manquent jamais de sortir quand à quarante on est toujours célibataire. L'ambiance reste doucement nostalgique par les souvenirs qui lient cette famille. Tendresse et maladresse.
     Connu par ses bandes dessinées, l'auteur fait une belle entrée dans le roman avec une écriture tonique et enlevée.
     On passe un bon moment, et puis on lui souhaite plein de bonnes choses à Adrien dont le parcours sentimental nous touche vraiment.
Fabrice Caro - Le discours - Collection Sygne Gallimard - Parution 4 Octobre 2018 - 208 Pages - 16 €

Mark Greene : Federica Ber

     Alors qu'il déguste un croissant en lisant son journal, le narrateur est interpellé par un nom apparaissant dans un fait divers. Celui de Federica Bersaglieri.
    Témoin de la mort d'un couple d'architectes dans les Dolomites en Italie, elle est vivement recherchée. Meurtre, suicide, accident ?            L'article n'en dit pas plus.
    Et si c'était sa Federica ?
   Paris, un été de canicule, vingt ans plus tôt.
     Il avait rencontré la jeune femme, d'origine italienne, petite brune pétillante, lui qui était si seul.
     Elle a illuminé sa vie pendant une semaine. C'est la découverte de Paris, les déambulations dans les rues, les cafés pris aux terrasses, les visites aux antiquaires et libraires.
     Lui reviennent de délicieux moments inoubliables, et surtout les nuits de liberté passées sur les toits de Paris, la ville vue d'en haut.
     Et puis un jour, Federica est partie, comme ça. La vie a repris comme avant mais jamais pareil.
     Muni d'un carnet, les souvenirs affleurent et lui rappellent Federica et il poursuit l'histoire. Il écrit entre rêve et fantasme, la rencontre avec le couple d'architectes, les événements qui se sont déroulés. Il imagine une fin à la mesure de cette jeune femme fantasque et bouillonnante, remplie de lumière.
     Dans la suite de cette rentrée littéraire, la découverte de cet auteur est un grand moment de douceur.
     L'écriture est fluide et il émane de ce joli texte une tendre poésie.
     J'ai aimé la rencontre magnifiée de deux êtres solitaires, rester en suspension sans être sur de rien. 
     Bousculer le quotidien terne, s'évader dans des échappées belles, et se souvenir de la douce nostalgie de la jeunesse perdue. Profiter. Voilà ce que nous confie le narrateur.
     Une belle lecture.
Mark Greene - Federica Ber - Editions Grasset - Parution le 22 Août 2018 - 208 Pages - 18 €

lundi 22 octobre 2018

Laurent Gaudé : Salina, les trois exils

   Dans son dernier opus, Laurent Gaudé, maître des mots et du conte, nous transporte au-delà du désert, au delà du temps pour nous parler d'une femme et de l'Afrique.
     Une Afrique sauvage et envoûtante où bébé elle a été abandonnée dans un village brûlé par le soleil et la poussière. 
     Adoptée, elle devient Salina, "celle qui portait en elle trop de larmes". 
Jeune fille, alors qu'elle tombe amoureuse, elle voit sa jeunesse brisée et sa vie anéantie par un mariage forcé avec l'aîné du chef du village.
     Des années plus tard, le village l'a bannie et elle perd tout mais Salina ne lâche rien et ne baisse jamais la tête.
     Son esprit se voile, elle parle alors aux pierres et aux serpents.
     Trois exils, trois fils dont le dernier Malaka devient le confident de sa colère et de sa vengeance.
     Par sa voix, le lecteur va connaître la vie de malheurs de Salina, une existence écrasée par les hommes que la solitude a fait sombrer.
    "Moi, Malaka, je vais raconter Salina...."
     Du fond d'une barque la voix de Malaka, accompagne sa mère vers sa dernière demeure, l'île cimetière. Pour qu'il puisse y accéder, son histoire doit émouvoir et ceux qui l'accompagnent vont l'écouter dans cette nuit africaine.
     Tout est prêt et nous aussi écoutons la magie Gaudé. 
     Malgré une thématique âpre et rude, le roman résonne comme une mélopée dans les dunes pour évoquer une vie de femme où les traditions deviennent douleur.
     A travers des mots d'une infinie poésie, l'auteur rend hommage à Salina et à toutes les femmes que les hommes maltraitent et souillent.
     Une très belle lecture
Laurent Gaudé - Salina, les trois exils - Editions Actes Sud - Parution Octobre 2018 - 160 Pages - 16.80 €    

dimanche 21 octobre 2018

Jon Kalman Stefansson : Asta

     Jon Kalman Stefansson est un talentueux écrivain islandais qui emmène le lecteur dans un univers étonnant où l'Islande tient un rôle mystérieux et âpre.
     Dans son dernier roman Astà, l'auteur annonce par la voix de son narrateur, un écrivain (peut-être lui) "qu'il est impossible de raconter une histoire sans s'égarer, sans emprunter des chemins incertains...".
     Ainsi, le lecteur est entraîné dans les vies de personnages d'une manière non chronologique, par le biais de souvenirs, de lettres ou de poèmes. Une expérience intéressante et bouleversante.
     Sigvaldi vient de tomber d'une échelle, il est très gravement blessé et gît sur le trottoir. Ses souvenirs lui reviennent, en flash, des instants de vie ordinaire, c'est sa vie mais aussi celle de ses proches.
     Les générations se succèdent et  les passions amoureuses sont déclinées au regard de l'existence qui passe beaucoup trop vite. Il y a des ratés, des chemins qui n'ont pas été pris, un petit tour et puis c'est fini. 
     Sur le trottoir de son agonie, Sigvaldi se souvient de sa première femme, Helga, passionnément aimée et des deux filles qu'ils ont eues ensemble, de leur séparation.
     Lui revient en souvenir, Astà, surtout. Son absence en tant que père, Astà son manque à jamais.
     Sa nouvelle épouse Sigrid qui sait veiller sur lui, et la fille d'Astà qu'il élève et à qui il donne tant d'amour.
     Dans ce puzzle de la vie, le lecteur tient en mains des pièces différentes mais fondamentalement semblables.
     Au fur et à mesure de la lecture tout se met place et l'auteur nous fait comprendre que ce qui remplit nos pauvres vies le temps qu'elles durent c'est l'amour filial, paternel ou maternel ou passionnel.
     Stenfensson choisit ses mots et ils s'impriment dans nos âmes. C'est beau.
     Une phrase m'a émue particulièrement, c'est celle qu'écrit Joséf à Astà, son impossible amour , son inconsolable quête :"Fallait-il que je meure pour te prouver que tu ne saurais vivre sans moi".
     Voilà Stenfensson amoureux des mots montrant une absolue compassion pour ceux qui vivent et souffrent d'aimer.
Jon Kalman Stefansson  - Astà - Editions Grasset - Traduit de l'islandais par Eric Boury - 492 Pages - 23 €

dimanche 14 octobre 2018

Shih-Li Kow : La somme de nos folies

     L'auteure est née en Malaisie dans la communauté chinoise. Elle signe ici un premier roman surprenant par son originalité de ton, par la magie qui s'en dégage et par le dépaysement qu'il procure.
     Elle raconte l'histoire de Beevi tenancière d'une maison d'hôtes, de son ami Sayong  figure locale et directeur de l'usine de litchis du coin et de Mary-Anne, une toute jeune fille sortie de l'orphelinat.
     Ils vivent avec d'autres dans le petit village de Lubok Sayong, situé entre deux rivières et trois lacs, régulièrement inondé.
      Petits et grands malheurs nous sont racontés ici par deux voix.
     Deux personnages vont prendre la parole et nous emmener, dans une Malaisie lointaine et  provinciale, prise entre traditions et modernité. C'est Auyong et Mary-Anne.
      A la suite du décès de sa sœur qui devait adopter Mary-Anne, Beevi se voit dans l’obligation d'accueillir l'adolescente. 
       Sa vie en est un peu chamboulée et les histoires se savourent, le lecteur sourit. Il est question de gens simples, de province et de ruralité. Si notre regard occidental est perdu tant la culture y est différente, on se sent bien tout de suite dans cet univers si nouveau. La littérature est merveilleuse car elle permet le voyage et les rencontres, elle tend à l'universalité.
    Les autres personnages sont tout aussi attachants parce qu'ils poursuivent leur vie avec dignité, ils savent vivre ensemble et même s'ils sont un peu décalés ils conservent leur dose de mystère.
    Ce qui les lie va au delà des leçons de morale et on a envie de faire un bout de chemin avec eux.
    Mais à travers son humour et sa dose de magie, le texte interpelle par ses thèmes, notamment avec l'inoubliable Miss Boonsdik, travesti engagé qui va défendre les jeunes garçons maltraités pour leur sexualité. 
     La Malaisie est certes exotique mais elle est représente un brassage ethnique important et une forte différence est faite en fonction des différentes origines. C'est ce qu'a voulu montrer l'auteure selon  son point de vue.
     Un livre intéressant pour la découverte, la littérature malaisienne est très rare alors savourons.
Shih-Li Kow - La somme de nos folies - Traduit de l'anglais (Malaisie) par Frédéric Grellier - Editions Zulma - Parution Août 18  - 384 Pages - 21.50 €