je veux encore rouler des hanches,

je veux me saouler de printemps

je veux m'en payer des nuits blanches

à cœur qui bat, à cœur battant

avant que sonne l'heure blême

et jusqu'à mon souffle dernier

je veux encore dire "je t'aime"

et vouloir mourir d'aimer

Barbara

lundi 29 septembre 2014

Haruki Murakami : L'incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pélerinage

Le dernier livre de Murakami est toujours une vraie attente, et je l'ai attendu.
Moins ambitieux que la trilogie 1Q84, violente et fantastique, ce roman pénètre dans le territoire de l'intimité nostalgique chère à l'auteur.
Entre rêve et réalité, mystère et clarté, l'histoire nous invite à écouter une certaine musique. Ici c'est Liszt et ses années de pèlerinage, notamment le mal du pays, qui hante ces pages.
De quoi parle Murakami ?
Toujours de héros incolores et transparents qui survolent la vie et qui pourtant font tout pour y écrire leur rime.
Tsukuru Tazaki fait partie d'un groupe de cinq amis, trois garçons et deux filles. Jusqu'à la fin du lycée, ils habitent Nagoya et sont très liés. Tous possèdent un prénom qui illustre une couleur, sauf Tsukuru qui lui est sans couleur.
Quand Tsukuru décide d'aller à l'université de Tokyo, il est le seul à quitter la ville.
Il revient voir ses amis régulièrement jusqu'au jour où sans aucune explication, ils rompent avec lui et ne veulent plus jamais le voir ni lui parler.
Vivant très mal cet abandon, Tsukuru restera longtemps prostré au bord de la mort.
Devenu architecte reconnu et un jeune homme charmant, il a toujours l'impression d'être une coquille vide, de ne pas exister pour les autres.
16 ans plus tard et avec l'aide de sa nouvelle petite amie, il fait face à son passé et retourne à Nagoya, il va même en Finlande pour obtenir l'explication du mystère de la rupture.
Abolissant le passé, il peut ainsi entreprendre le voyage pour construire le présent.
Murakami avec beaucoup de nostalgie, nous invite à une quête existentielle où le rêve n'est jamais bien loin.
Je ne pense pas que ce livre soit mon préféré. Aux romans de l'auteur, je préfère ses nouvelles où la fulgurance du récit rend le voyage onirique plus mystérieux encore.
Le lecteur peut se lasser de toute cette nostalgie qui n'en finit pas. Le personnage de Tsukuru à force de banalité semble vraiment inconsistant et pour le coup transparent.
Le manque de passion dans son quotidien face aux vrais problèmes ennuie ainsi que  les descriptions des vêtements( une vraie pub pour les marques) et la façon de faire le café. 
L'écriture est classique et l'histoire n'apporte pas la magie attendue.
Mais ça reste quand même Murakami.

mardi 23 septembre 2014

Ernst Haffner : Entre frères de sang

L'écrivain allemand Ernst Haffner dont on connaît peu de choses, a écrit "Frères de sang" en 1932.
Si le livre a eu un certain succès à sa parution, le régime nazi a vite interdit sa publication et brûlé les ouvrages, condamnant éditeurs et auteurs au silence.
Merci aux  maisons d'édition actuelles qui font sortir de l'oubli cet auteur.
Le roman prend l'allure d'un témoignage authentique et très éprouvant.
Sans fioriture, l'auteur raconte la vie dans les quartiers pauvres de Berlin dans les années 30. Le quotidien d'une jeunesse sans attache et sans reconnaissance exclue de la société.
Laissant dans l'ombre les questions politiques, il assène une violente critique à la bourgeoisie allemande égoïste et indifférente.
A travers la vie de gangs de gamins vivant dans les rue, notamment celui de Jonny, "Frères de sang" , l'auteur plonge le lecteur dans une réflexion sur les conséquences inévitables d'une telle misère sociale.
Les descriptions des établissements où sont enfermés ces enfants égarés, leurs conditions de vie dans la violence des rues , les abus dont ils sont victimes emportent le lecteur dans un récit très dur.
Haffner raconte des endroits improbables, des personnages hautement répugnants assouvissant leurs plus vils instincts mais aussi l'entraide, l'espoir.
La construction littéraire, avec des débuts de chapitres en forme de rébus est très intéressante et donne à ce livre un rythme très moderne.
Ce livre est tout à fait intéressant parce que le lecteur suit les aventures de ces jeunes de l'intérieur, dans les rues, leur seul territoire.
Une fois l'ouvrage fermé, la réflexion continue et prend un air d'actualité 

dimanche 21 septembre 2014

Larry Brown : Joe

     Larry Brown, disparu en 2004, nous offre ici un grand roman du sud, brûlant de misère humaine et de délivrance, de violence et de beauté.
     L'auteur connaissait si bien le Mississippi,  ses forêts et son fleuve et ses villes paumées où la bière fraîche est un objet de convoitise démesurée.
     C'est l'histoire de Joe, homme à femmes, solitaire absolu, mauvais mari et mauvais père, alcoolique souvent mais aussi assoiffé de justice.
     Sa rencontre avec Gary, jeune garçon analphabète de 15 ans maltraité par son père, sera pour lui l'occasion de s'ouvrir à nouveau à l'humanité.
     En le recrutant pour "empoisonner" les arbres de la région, Joe décide de l'aider à se prendre en charge malgré toutes les difficultés abominables subies.
     L'écriture de Brown, se fait âpre pour décrire la famille de Gary. Le père, un homme alcoolique et violent, indifférent primaire à sa femme et ses enfants, répugnant de saleté qui évolue dans un monde sans foi ni loi.
   La mère, d'une soumission qui frôle  la folie la plus morbide, se retrouve acculée, impuissante face à la violence crasse de son mari.
     Des personnages en rupture de vie, oubliés de la société et parce que le monde est trop vaste pour eux et qu'il ne leur a rien apporté, ils l'ont réduit à leur façon et hantent ainsi la conscience de l'Amérique depuis sa création.
     Dans un style net et précis, l'auteur nous raconte un quotidien cruel et dépeint avec un froid réalisme les virées sur le bitume chauffés par le soleil, la recherche de travail pour quelques dollars et l'oubli dans l'alcool.
     Encore une fois pour notre plus grand plaisir nous écoutons cette voix du sud, celle de Brown, évoquer des histoires simples où la réflexion est profonde.
      Si l'humour parvient à illuminer certains passages, le livre reste noir, violent et amer.
     A noter pour les amateurs de Larry Brown, nous croisons dans cette histoire, Fay, la jeune sœur de Gary, qui fuit un jour sa famille pour ne plus revenir. Vous pouvez la retrouver et suivre son itinéraire perdu dans le livre "Fay" écrit par l'auteur.
     
     

lundi 8 septembre 2014

David Foenkinos : Charlotte

     Les romans et personnages de David Foenkinos expriment souvent la légèreté décalée et pleine d'humour.
     Avec son dernier roman, Charlotte, il signe une autobiographie profonde et livre le portrait fascinant d'une jeune femme qui l'obsède.
     Nous découvrons la vie brève et intense de Charlotte Salomon, artiste-peintre juive assassinée par les nazis à 26 ans alors qu'elle était enceinte, dans un camp de concentration à l'automne 1943.
     A la découverte de son oeuvre picturale unique, Leben oder Theater, Foenkinos est entré dans une quête éperdue pour faire revivre à travers ses mots et sa poésie, l'existence de Charlotte.
     Des phrases courtes finissant par un point qui balaie les atermoiements, des paragraphes qui s'enchaînent dans une fin illuminée par l'oeuvre de l'artiste et l'hommage rendu par l'auteur font de ce livre un hymne à la vie et à la mémoire.
     Les vers rythment avec justesse ce long poème narratif aux allures de tragédie.
     Le lecteur découvre la famille meurtrie par les suicides successifs, comme celui de la mère de Charlotte quand elle avait 10 ans.
     Après une adolescence passée à Berlin, la jeune fille brillante étudiante aux Beaux-Arts, se voit exclue par les nazis des écoles et de la vie sociale.
     Après avoir été follement amoureuse, elle est contrainte de se réfugier dans le sud de la France où elle créera dans son exil une oeuvre autobiographique résolument nouvelle.
     Elles confient ses toiles à son médecin traitant et son père ayant survécu à la guerre les mettra en lumière lors d'une exposition à Berlin.
     Foenkinos nous entraîne dans la vie brisée d'une jeune femme ayant aimé passionnément. Sa vie remplie d'événements et de personnages attachants aux destinées souvent tragiques a nourri son oeuvre.
     C'est très émouvant l'obsession de l'auteur pour ce destin de femme allant jusqu'à mettre les pas dans ceux de Charlotte  pour aller à sa rencontre.
      A travers la vie et l'oeuvre de cette  artiste lumineuse, David Foenkinos pose un autre regard sur la Shoah, celui d'une émotion personnelle.

mercredi 3 septembre 2014

Grégoire Delacourt : On ne voyait que le bonheur

Une rentrée littéraire brillante et réussie pour Grégoire Delacourt avec son roman au titre nostalgique, qui balaie sur trois générations l'explosion d'une famille.
Son style et son ton nous avaient gentiment charmés, comme dans "La liste de mes envies". Sous la légèreté se cachait une certaine tristesse .
Ici il nous emporte dans la profondeur de l'émotion en nous parlant de la famille qui abîme l'existence et du bonheur que l'on ne peut saisir.
Construit en  trois parties, l'auteur évoque dans des chapitres courts et efficaces,  la résilience, le pardon et la lâcheté. Son écriture prend de l'ampleur et nous chavire. Les émotions arrivent, bouleversent et renversent. On ne s'en remet pas.
Antoine le narrateur et pas vraiment le héros, parle à son fils de 8 ans, Léon. Il lui raconte ce que fut sa vie avec des parents non aimants, les drames mais aussi son amour pour Nathalie, la mère de ses enfants. Il parle surtout de la lâcheté qui a rempli sa vie jusqu'à la folie ultime et meurtrière.
Le vide remplit l'existence d'Antoine par les manques: celui de l'amour maternel,  l'indifférence du père,  la mort  de sa sœur et l'abandon de sa femme.
L'exil au Mexique est la deuxième partie et percute. Le choc des phrases pénètre les abîmes d'Antoine et lui permette le dur travail de reconstruction dans le pardon, l'acceptation.
La parole est ensuite donnée à Joséphine, victime de son père Antoine, pour le dernier chapitre qui prend les allures d'un cri primal.
A travers son journal intime, la jeune fille parle de l’innommable, du Chien, son père mot qu'elle n'a plus jamais  prononcé depuis la Nuit fatale.
L'égoïsme et l'indifférence de sa mère permettront à Joséphine de retrouver le chemin de cet homme qui lui a fait si mal et de se reconstruire également.
Tout y est dans ce roman, Grégoire Delacourt ne lésine pas sur la vie, les larmes, les drames et surtout l'espoir alors oui ça marche et on sort cette lecture bouleversé pour un moment.
L'écriture est intéressante, on y voit la confirmation d'un style puissant, riche et émouvant.
A ne pas manquer.