je veux encore rouler des hanches,

je veux me saouler de printemps

je veux m'en payer des nuits blanches

à cœur qui bat, à cœur battant

avant que sonne l'heure blême

et jusqu'à mon souffle dernier

je veux encore dire "je t'aime"

et vouloir mourir d'aimer

Barbara

mercredi 21 octobre 2009

Philip Roth : Un homme

" Ce n'est pas une bataille, la vieillesse, c'est un massacre ". Ces paroles sont dites par l'homme que Philip Roth suit tout au long de sa vie et de ce magnifique ouvrage. A commencer par son enterrement.
Les thèmes de prédilection de l'auteur sont là : le sexe, la vie, la vieillesse, la maladie et la mort.
Surtout la mort et le constat effroyable : je n'ai pas fait ce que je voulais et tout va s'arrêter.
Si nous ne connaissons pas le nom et le prénom de cet homme, en revanche nous savons beaucoup des étapes et détails de sa vie avec les personnes rencontrées, aimées, sa famille ses ex femmes, ses maîtresses, ses enfants. C'est d'ailleurs assez troublant. C'est tout le talent de Roth.
A 71 ans, cet homme anonyme nous raconte sa vie, l'homme à femmes qu'il a toujours été, le sexe qu'il a aimé plus que l'amour, le travail qui l'a porté , ses mariages ratés. Il n'aime pas l'homme qu'il est devenu, sa liberté d'homme qui l'enferme dans une solitude épouvantable, la maladie l'a rattrapé, la vieillesse va triompher et la mort l'attend.
"... Il était temps de s'occuper du néant. L'avenir l'avait rattrapé."
Philip Roth nous offre un livre d'une cruelle lucidité sur la vieillesse et la maladie dans un style admirable. Il analyse avec précision les angoisses, la peur de l'homme, n'importe quel homme devant son inéluctable fin. Cette impression de gâchis de la vie, des regrets devenus inutiles et la peur de ce rien qui va venir.
Le livre n'est pas gai mais Roth nous emporte dans une fiction tellement réelle que nous sommes bouleversés par ce héros auquel il donne vie. C'est ce qu'on attend de la littérature et quand ça arrive la lecture devient un grand moment.






samedi 17 octobre 2009

Françoise Henry : Le rêve de Martin

C'est une longue lettre posthume qu'une mère écrit à son fils et c'est un monologue, témoignage poignant que nous écoutons et que nous nous approprions tout au long de ce récit d'une grande noirceur.
Armande est morte et elle va parler enfin à son fils Martin. Il a soixante dix sept ans et il va mourir. C'est le récit d'un secret, de vies déchirées à jamais et vécues par Armande par qui la faute arrive et par Martin qui la subira sans comprendre toute sa vie.
Armande est mariée elle a deux petits enfants, elle retrouve à l'école du village un ancien amour de jeunesse. Devenu instituteur, il lui redonne ce qui lui manque : plaisir et légèreté. L'espace d'un instant elle oublie tout, elle succombe. Martin naîtra de cet unique moment charnel.
Mais Armande ne quitte pas sa famille et son mari accueille Martin. C'est la guerre et quand la vie devient trop dure, le mari placera Martin chez un couple de paysans sans enfants où il sera le valet de ferme. Voilà le 9 mai 1940, Martin quitte sa famille pour vivre une vie de douleurs.
Jamais Armande ne se remettra de cet abandon, jamais elle ne fera un geste pour revoir son fils, jamais elle ne lui expliquera pourquoi il a été placé. Jamais les mots ne passeront sa bouche. Martin ne reviendra jamais chez lui, il essaiera de trouver une place auprès de ces paysans sans cœur, il sera malheureux.
L'écriture est bouleversante dans son austérité, les mots arrivent trop tard. Mère et fils ont chacun de leur côté souffert du même drame. L'un savait pourquoi, l'autre pas. Martin aurait eu une autre vie avec son vrai père, Armande aussi peut être. Le gâchis est immense.
La faute de la mère est racontée avec des mots d'une grande sensibilité : "Il m'a caressé la joue comme jamais personne ne me l'avait caressée. J'ai fondu. J'ai tout oublié. J'ai tout donné."

vendredi 16 octobre 2009

Eric Holder : Mademoiselle Chambon

L'interview de l'auteur dans un magazine littéraire et la sortie de l'adaptation de ce roman au cinéma m'ont incitée à lire et découvrir cet ouvrage. D'abord l'auteur m'avait touché, d'une grande sensibilité il a une grande retenue pour parler de lui, une grande délicatesse ressortait de cet entretien. Le livre ressemble à son auteur, ces mots ces phrases à peine prononcés toujours en retenue parfois avec maladresse nous émeuvent un peu. Un peu ? Oui parce que peut être l'histoire de l'ouvrier aux belles mains calleuses qui rend fou d'amour une femme belle, intelligente et d'un milieu social différent du sien commence à faire un peu cliché. Je veux mettre quand même un bémol, c'est bien écrit même si parfois le style est convenu. Les paragraphes courts sont propices à une lecture agréable et les pages blanches sont comme un souffle dans l'histoire. Il reste l'émotion d'une musique écoutée, d'une lumière sur un champ de blé, de la fin de l'été... Mais je n'arrive pas à comprendre l'amour de l'institutrice pour cet homme et inversement, le rôle de l'épouse et mère sacrée, non plus. J'aurais aimé que les questionnements, les doutes des personnages soient plus fouillés. Antonio, que j'ai trouvé émouvant et peut être le plus intéressant, m'a paru à la longue fade parce qu'il ne va pas au bout de son éveil, il renonce. La scène que j'ai trouvé la plus caricaturale est la rencontre de l'ami de toujours, Georges avec l'institutrice dans la maison du couple absent. Il lui fait la visite de la maison vide mais pleine de la famille, l'album photos vu dans tous les détails pour qu'elle prenne conscience que c'est elle la "briseuse de couple".
La fin est inattendue et surprenante. Peut être que là Antonio avait la possibilité de dire et de faire face à cet amour qu'il ressent depuis le début de l'histoire.
J'ai malgré tout passé un très bon moment, la sensibilité de l'histoire est réellement présente et certaines descriptions nous touchent. Il y a toujours beaucoup de douleur dans un amour interdit par les convenances et c'est très beau quand c'est dit avec les mots de Holder.

dimanche 11 octobre 2009

Gil Adamson : La Veuve

L'histoire est celle de Mary Boulton, une fugitive, dans les Rocheuses Canadiennes en 1903. Elle a tué son mari, perdu son enfant, et elle fuit ses deux beaux frères désirant se venger. Tout au long du récit elle sera La Veuve, c'est la seule identité qu'elle possède. Le lecteur pourrait s'attendre à une véritable poursuite effrénée à travers les montagnes. C'est le contraire, c'est une histoire de rencontre.
Tout d'abord celle que l'on fait avec Mary, nous ne pouvons pas oublier dès les premières pages du livre, cette petite chose fragile habillée de noir prisonnière de sa folie et de son chagrin. Elle fuit pour vivre.
Et puis les rencontres que fera Mary tout au long de son aventure. Des personnages qui vont l'aider, qui la feront exister.
Ce sera la vieille dame à l'église, un ermite qui lui apprendra la survie en montagne, un révérend, un Indien et d'autres encore. Avec elle nous découvrons une ville minière : Frank.
Gil Adamson nous livre le récit de survie d'une femme en 1903, dans un monde d'hommes , au milieu d'une nature sauvage et hostile.
L'écriture évite les clichés habituels de la femme malheureuse et battue qui tue son mari. Le lecteur découvre l'histoire de Mary par bribes, lentement. Une phrase, un souvenir et puis le présent, la nature nous happent à nouveau.
Mary nous inspire beaucoup de pitié et nous avons envie qu'elle s'en sorte. Sa folie n'est pas franchement établie, depuis combien de temps a t elle des hallucinations, des visions ? Pourquoi ?
C'est une réussite dans l'écrit qui balance sans cesse entre la réalité qu'elle vit et qui est assez dure et effrayante et ses hallucinations. Le lecteur est pris entre deux discours et comme elle, il est pris de vertige.
Un premier roman qui m'a tenue en haleine, avec une écriture somptueuse et très poétique. L'auteur sait toucher et décrire le coeur de ces hommes et de cette femme et nous emmener dans les montagnes où si on peut survivre tout devient possible.
J'ai beaucoup aimé la fin que je ne peux pas raconter mais que j'aimerais juste aborder.
Les deux derniers mots "Trouve-moi"que Mary note à l'attention d'un homme est une merveilleuse fin. Ce sont les seuls mots qu'elle écrira et c'est très beau.

dimanche 4 octobre 2009

Joseph Boyden : Les saisons de la solitude

"Tout le monde prétend qu'il est dangereux d'apprivoiser un animal sauvage. Mais pour qui ? Pour l'animal ou pour l'homme ?".
Deux voix, deux histoires pour ce roman de vie que nous conte Joseph Boyden. Deux destins, unis et désunis par les liens de la famille. Une famille indienne du Canada qui arrive avec beaucoup de mal et de tragédies à prendre en main son destin. Deux générations qui vivent leur passé, leur culture dans une quête éperdue de liberté et de vérité. La trame est celle que Boyden aime prendre, celle de l'histoire d'une famille, mais aussi de chaque individu face à l'éclatante immensité des espaces canadiens et l'appel des villes américaines entre autre l'incontournable New York. C'est un étonnant hommage à la nature. Ce qu'il reste de sa culture et de ses croyances quand le monde autour s'acharne à balayer les derniers vestiges d'une civilisation trop ancienne. Et pourtant dans ce roman, l'ennemi et la haine ne viennent pas des étrangers mais de la famille, du clan. Alors ? Boyden nous emmène sur des chemins toujours douloureux, ceux de la connaissance de soi, de la recherche de son identité même si elle a perdu sa place. Avec un texte d'une grande simplicité, il nous permet d'être proche de cet univers et de ces gens. Douloureuse simplicité qui nous fait comprendre la complexité de toute une vie. L'histoire est celle de la famille Bird, Indiens du Canada. Will, la soixantaine , est un ancien pilote il se trouve plongé dans le coma suite à une terrible agression et puis Annie sa nièce revenue d'un long voyage à travers le clinquant des grandes villes américaines à la recherche de sa sœur Suzanne. Elle veille sur lui et lui parle, lui raconte. A travers son sommeil, Will aussi nous ouvre les portes de son histoire. C'est une très belle fresque historique et humaine et l'écriture est pure et sincère. Juste un bémol, j'ai trouvé les clichés de New York et de l'univers de jet set un peu trop clichés justement et convenus. Ils m'ont un peu lassée parce qu'ils reviennent un peu trop souvent et restent prévisibles. Par contre j'avais hâte de retrouver Will et ses errances dans la forêt canadienne , avec son histoire en tant qu'Indien mais surtout en tant qu'homme, m'a vraiment touchée. Will (Boyden) nous apprend la fuite, celle qui sauve , celle qui nous sauve, celle qui nous apprend à nous perdre pour mieux nous retrouver. La fuite pour ne pas être pris, pour rester libre et vivant.
"Tout ce que je sais, c'est qu'il n'existe pas de héros dans ce monde. Rien que des hommes et des femmes devenus vieux et fatigués qui n'ont plus la force de lutter pour ceux qu'ils aiment."
Un très bon roman où l'humanité est présente dans tout ce qu'elle a de plus simple : sa profonde solitude.