je veux encore rouler des hanches,

je veux me saouler de printemps

je veux m'en payer des nuits blanches

à cœur qui bat, à cœur battant

avant que sonne l'heure blême

et jusqu'à mon souffle dernier

je veux encore dire "je t'aime"

et vouloir mourir d'aimer

Barbara

vendredi 7 février 2014

Edouard Louis : En finir avec Eddy Bellegueule

Edouard Louis, 21 ans élève de l'Ecole Normale Supérieure, signe ici son premier roman. 
Dans un témoignage troublant et émouvant, il raconte son histoire, vraie, celle du rejet d'un jeune homosexuel, lui , dans son village de Picardie profonde.
Grâce au théâtre et à la littérature, il prendra son envol loin de son milieu social et brisera ainsi le déroulement de vies misérablement semblables de génération en génération.
La question que pose Edouard Louis dans ce livre, c'est : "les lois de la reproduction sociale sont-elles inébranlables ?"
Alors sans juger, il dit et raconte une fiction vraie et bouleversante. Le récit puise sa force et sa véracité dans la construction littéraire faite de l'analyse et du style de l'auteur. C'est tout le talent d'un écrivain remarquable.
Issu d'un milieu très modeste, son père est au chômage et sa mère auxiliaire de vie, des frères et soeurs, Eddy par le regard des autres d'abord apprend sa différence, ensuite au plus profond de lui, quand son corps confirmera ses désirs, il s'en ira.
Son attitude maniérée, sa démarche délicate, son physique trop fin et ses goûts le mènent à un bannissement lent et inévitable.
Battu, haï, méprisé, humilié, il vit une adolescence sans concession, où le mépris de lui et de ce qu'il ressent, le jette dans un monde sans pitié.
Edouard Louis analyse une France, que l'on pensait celle de Zola, une France basique qui n'aime pas les pédés et le clame avec fierté parce que c'est ça être un homme, un dur, un vrai mec ! 
Les filles deviendront caissières, vendeuses, coiffeuses comme leur mère ou mieux enceinte à 17 ans, elles pourront alors ressasser les erreurs commises pour en arriver là.
Mais, elles n'ont pas fait de bêtises, c'est juste qu'elles n'avaient pas le choix. Toute leur vie a été construite pour prendre cette trajectoire. Imparable.
L'auteur raconte les soirées au café où il faut être bourrés, l'école haïe parce que c'est pas être un dur, l'usine qui attend toutes les générations, la télé regardée des journées entières,le foot symbole de gloire mais aussi le manque de culture et d'ouverture d'esprit.
Et puis dans un style admirable, l'auteur alterne deux langages comme deux mondes dissociés à jamais.
La langue de son enfance, en italique, violente, absente de douceur, sans mot et celle du jeune homme brillant et sensible qu'il est devenu.
Cette confrontation de vocabulaire accentue la force et la douleur qui ont du être les siennes pendant des années où il a essayé d'être comme eux, un dur, pour ne pas souffrir.
Un livre qui chavire parce que l'histoire est celle d'un jeune homme du 21 ème siècle, un livre qui brise parce que la douleur d'être différent a été vécue et qu'elle l'est encore de nos jours.
Une écriture maîtrisée, un style remarquable et une histoire loin, bien loin des biographies aux clichés tapageurs.


    

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