Joyce Carol Oates dépeint dans ce roman le portrait d'une famille américaine des années 1950 à 1980. Des années 50 où le rêve américain avait la valeur d'un futur heureux jusqu'aux années 80 où l'Amérique est en proie à ses démons du modernisme à outrage et commence à sombrer.
C'est dans un décor hautement fabuleux et troublant, les Niagara Falls, où touristes, jeunes mariés et suicidaires viennent goûter le charme vénéneux de ces chutes que se déroule cette histoire psychologique.
Car l'auteur introduit le lecteur dans les méandres des pensées les plus sombres et les plus nocives des protagonistes où chacun dans les profondeurs de l'âme cache ses secrets et ses fêlures.
Au centre de ce roman, Ariah, une jeune femme pas vraiment belle mais vraiment névrosée. A la fin de sa nuit de noces, son premier mari Gilbert se suicide en se jetant dans le fleuve.
Errant seule à Niagara Falls, elle attend que les sauveteurs ramènent son corps.
Dirk, avocat play boy du coin, fils à papa, est fasciné par cette femme rousse au comportement bizarre que les gens surnomment La Veuve Blanche.
Une passion se noue, folle et inconcevable, entre le beau gosse de riche et la fille de pasteur austère. A la stupéfaction de tous, ils se marient.
Nous partageons le quotidien de ce couple essayant par tous les moyens de fuir à sa façon une famille omniprésente et castratrice.
Le récit prend une tournure radicale, avec l'affaire du Love Canal, où Dirk décide de prendre la défense des pauvres gens exploités par les usines chimiques qui se construisent en amont du fleuve et qui polluent mortellement leurs habitations.
Abandonné par les siens, par Ariah dont on ne comprend pas l'attitude, il finit par fuir à jamais l'incompréhension des autres.
L'auteur parle ici de fuite, qu'elle soit par le départ, par l'isolement ou la mort. Beaucoup de questions restent sans réponse et donnent au lecteur un sentiment de malaise.
Les personnages sont déroutants, les enfants nous touchent un peu plus. Mais l'auteur aime délirer et perdre le lecteur.
Beaucoup de thèmes sont abordés : l'industrialisation du pays, l'exploitation des travailleurs, la corruption, les classes sociales et des hommes et femmes qui évoluent dans un monde en changement perpétuel.
Il faut se laisser porter et envahir par cette prose magnifique et ces paysages lancinants même si les mystères restent nombreux.
Ce livre a obtenu le prix Fémina étranger 2005.
Joyce Carol Oates - Les chutes - traduction Claude SEBAN - 480 pages - 22.80 Euros
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