je veux encore rouler des hanches,

je veux me saouler de printemps

je veux m'en payer des nuits blanches

à cœur qui bat, à cœur battant

avant que sonne l'heure blême

et jusqu'à mon souffle dernier

je veux encore dire "je t'aime"

et vouloir mourir d'aimer

Barbara

mardi 29 décembre 2009

Andreï Makine : L'amour humain

A. Makine nous raconte le 20ème siècle et son chaos, à travers le destin d'Elias Almeida, révolutionnaire angolais. L'amour seul l'amour peut sauver l'homme, voilà ce que raconte ce livre face à la bêtise des hommes, face à la guerre, l'amour , l'amour toujours.
La vie d'Elias est racontée par un homme qui l'a connu dans les dernières années de sa vie lors d'une longue nuit en Angola, prisonniers tous les deux des soldats de l'Unita. Instructeur soviétique , il forme les peuples à la révolution et tout au long de ce livre Elias a vu sa mère mourir sous les coups, il s'engage alors auprès de son père dans la lutte pour sauver son peuple, il ira à Cuba , en Russie pour parfaire son éducation révolutionnaire et retournera en Afrique. En Russie il rencontrera Anna à qui il vouera toute sa vie un amour infini. Rien n'altérera cet amour, ni l'éloignement, ni le mariage d'Anna, ni ses combats.
Ce livre nous plonge dans l'Histoire, celle de l'Afrique et de l'Angola où les portugais ont maté les révoltes dans une incroyable violence. De l'Afrique unie à la Russie, chaud et froide, ensemble et si éloignés pourtant en passant par la rencontre avec le Che distillant un discours décevant et convenu, en finissant par l'horreur absolue de Mogadiscio, ce roman fouillé et dense nous met face à l'absurdité humaine, à ses contradictions.
A. Makine tente d'expliquer dans son récit les drames humains, les guerres, l'horreur en ne perdant pas de vue que l'amour humain est la seule quête capable de sortir l'homme de sa barbarie.
"Si la révolution ne change pas notre mode d'aimer, à quoi bon tous ces combats ?..."
J'ai beaucoup aimé l'écriture. Makine désabusé nous offre des pages d'une beauté à couper le souffle et d'une grande poésie.
J'ai juste un peu de mal à me projeter dans un monde où l'amour de l'homme, l'amour pour l'homme sera la réponse aux conflits.


dimanche 27 décembre 2009

Laurent Mauvignier : Des Hommes

Dans une salle des fêtes d'un village, Solange fête ses 60 ans et son départ à la retraite sur fond d'amitié et de souvenirs. L'arrivée de son frère aîné, Bernard, surnommé "Feu de Bois" avive d'autres souvenirs et avec son cousin Rabut l'alcool comme à chaque fois les soulagera peut être. 40 ans plus tôt, ils faisaient partie des appelés dans les évènements d'Algérie. Ils y ont fait la guerre, ils ont tué, torturé mais ils ont souffert, dans leur âme et leur corps. Ils ont vu et n'ont jamais pu raconter. A la fin de cette fête de village, l'altercation raciste avec le maghrébin du coin donnera le départ à ces souvenirs, à la peur, à la terreur. Rabut devient le narrateur et raconte comment l'Algérie a transformé ces hommes.
Dans ce livre, Laurent Mauvignier parle non pas de l'homme mais des hommes. Comment peut on continuer à vivre quand on a vu l'horreur, l'inimaginable, quand on sait que c'est trop tard ? Les questions posées restent sans réponse ou alors de façon édulcorée les souvenirs tentent d'inventer un avenir.
L' écriture est saisissante de douleur, les mots ne passent pas, le lecteur a envie de terminer les phrases mais non il ne vaut mieux pas... Les mots haletés restent en suspens quand ils parlent de la guerre, l'amour, la mort. Des hommes, une famille de taiseux dont les rancoeurs et la haine ont traversé toute une mer, toute une vie.
L'auteur sait très bien rendre le quotidien quand il bascule dans l'angoisse et les non dits, dès le premier café parce qu'il rappelle ceux de là bas, parce qu'une phrase replonge dans l'enfer et creuse les fêlures, les silences, parce qu'en famille aussi on se bat, on se hait, parfois.
Une guerre sans nom, toutes les guerres et des hommes qui n'ont rien demandé, juste des hommes.
L'impression que m'a laissée ce livre, ce qu'il en reste quand je l'ai fini c'est une infinie lassitude face à une autre histoire sur la guerre d'Algérie, sur ces guerres qui n'en finissent pas quand d'autres continuent toujours. C'est malgré tout la vie qui se poursuit avec cette quête de justification, de repentance, d'accusation. Et pourtant pour ces hommes aussi, en Algérie, il y avait le soleil, il y avait de l'amour et des moments de vérité et de grâce.
J'ai été étourdie par cette écriture remplie de fièvre et par ces personnages si ordinaires et malgré eux témoins de l'Histoire.











samedi 19 décembre 2009

Karel Schoeman : Cette vie

Tout au long d'une nuit qu'elle espère la dernière de sa vie, une vieille femme remonte le temps et égrène les souvenirs, les images. Elle se souvient et tente d'obtenir des réponses à des questions depuis longtemps posées. Dans un long et haletant monologue elle nous raconte l'histoire de sa famille, premiers hollandais installés en Afrique du Sud au 19è siècle. Le Karoo, ce désert d'une saisissante beauté offrant tous les contrastes. Dans ce paysage dur, les hommes travaillent, subissent et font subir, pour vivre et continuer. C'est l'histoire de ce pays avec ses guerres, ses clans, ses humiliations, son apartheid. C'est l'histoire d'une petite fille délaissée qui n'a jamais été aimée dans une famille de taiseux, de besogneux. Toujours ignorée et mise à l'écart , elle voue pourtant un profond amour à ses deux frères et une lumineuse admiration pour sa belle sœur Sofie. Témoin de passions secrètes, cachées mais si présentes et violentes, elle comprend les gestes, les regards mais aussi les mots qu'on ne dit pas. Elle entendra les conversations tenues en oubliant sa présence. De cette absence d'existence aux yeux des autres, elle gardera en mémoire tout ce qui la frôlera. A la fin de sa vie, elle nous dit simplement comment la sienne a été remplie uniquement en regardant, en écoutant vivre les autres et en s'imprégnant de sa terre, de son pays. Une vie de solitude et de non amour passée à attendre ceux qui sont partis parfois pour toujours.
Karel Schoeman dans un texte admirable nous offre une saga familiale chez les Afrikaners. Partisan de la cause des Noirs dans son pays, il nous fait vivre par son écriture poétique une histoire étrange, forte entre souvenirs et passions qui nous tient en haleine jusqu'au bout.
L'émotion est là, pesante, on la sent comme ce vent qui balaie ce désert.
Pour ce livre K. Schoeman a reçu le Prix Hertzog, la plus prestigieuse récompense littéraire en Afrique du Sud. C'est un livre d'une grande beauté.

samedi 12 décembre 2009

Henning MANKELL : Les chaussures italiennes

Le dernier roman de H. Mankell, sans K. Wallander son commissaire attitré, nous emporte sur une île de la Baltique entre 2 solstices d'hiver dans une histoire glacée, comme les paysages d'une saisissante beauté et comme le coeur de ce héros qu'une erreur professionnelle a complétement cassé. Frédrik 60 ans ancien chirurgien vit, reclus, depuis 10 ans seul sur son île depuis une erreur tragique commise lors d'une opération. Il voit sa vie bouleversée par l'arrivée d'une vieille femme qui est un ancien amour qu'il a quitté 40 ans plus tôt sans aucune explication. Elle va mourir. Des explications, c'est ce qu'elle attend et il se voit rattrapé par son passé avec des surprises qui vont surgir tout au long de ce voyage qu'il va faire avec elle pour tenir une ancienne promesse. A jamais sa vie sera bouleversée et rien ne sera plus comme avant. Il fera des rencontres et renaîtra à la vie en se rendant utile et à l'écoute des autres. Il fera la connaissance de sa fille, il reverra la patiente qu'il a malheureusement amputée, et d'autres personnages que la vie essore inexorablement. L'amour comme rédemption. L'amour et le pardon vont le sauver de lui-même et le ramener à la vie et le rendre à l'humanité. Des sujets très porteurs mais je n'ai pas vraiment accroché. Le livre se lit facilement, le récit est sensible et plaira à beaucoup de lecteurs. Les thèmes du pardon, de la solitude de la mort y sont évoqués avec beaucoup de circonspection et un certain optimisme. Les personnes broyées par la vie reçoivent enfin la lumière qui les sauvera même si elles doivent en mourir. Il y en a peut être trop à mon goût et l'accumulation de tous ces bouleversements dans la vie de Frédrik m'a ennuyé. Le mélodrame n'en finit pas tout au long de ces pages. Malgré tout un personnage m'a accrochée (un peu) c'est le vieux créateur de chaussures italiennes ( l'explication du titre !!) en plein désert glacé qui arrive non seulement à créer de somptueuses chaussures mais à philosopher ! Mais, je le sais, je me damnerai pour me chausser chic ! Je vais plutôt essayer de lire Mankell avec son fameux commissaire.

samedi 5 décembre 2009

Philip Roth : La tache

Accusé de propos racistes par deux élèves noirs de l'Université d'Athéna, Coleman Silk brillant professeur de grec, ancien directeur de département puis recteur de l'université donne sa démission. Il vivra les deux années suivant sa démission dans une profonde colère et un incroyable sentiment d'injustice. Nathan, un ami , tentera à sa demande d'écrire son histoire avec l'université et les combats qu'il a menés pour la sortir de l'immobilisme des habitudes. Mais Coleman a vécu toute son existence avec un secret et Nathan nous fera découvrir les sacrifices de cet homme pour vivre sa vie et l'intolérance subie face à la liberté de disposer de soi. A travers la dernière liaison de Coleman, 71 ans, avec une jeune femme illettrée de 34 ans, Nathan essaie de comprendre cet homme qui est resté finalement fermé aux autres pour vivre sa vie.
Roth nous entraîne dans 60 ans d'une épopée américaine toujours capable du pire pour croire au meilleur, où la fureur de vivre fait oublier les lendemains angoissés, les scandales politiques occultent les revendications minoritaires, où les leçons de morale relèvent de la pudibonderie hypocrite et où le rêve américain rencontre la réalité sordide.
La tache c'est le secret. Tous les personnages de Roth ont des secrets. Face à une société toujours demandeuse d'une certaine image, les héros se fendillent pour rester humains. Personne n'est vraiment ce que l'on croit. La difficulté est de s'arrêter et savoir regarder.
L'intolérance est le fil conducteur de ce livre écrit d'une densité et d'une subtilité d'une grande qualité. Avec Roth il y a toujours de l'humour pour le sexe et de la dérision pour le reste. Pourtant il sait quitter la satire pour nous plonger dans la tristesse, l'amertume, la désillusion.
Sur fond d'affaire Clinton-Lewinsky Roth nous explique les destinées des personnages en fonction du contexte social. Des années 20 qui ont construit Coleman aux années 90 qui le détruisent, ce sont les combats pour la liberté, la lutte des minorités, le racisme, tous les problèmes engendrés par cette société américaine qui sont ici soulevés.

J'ai moins accroché au portrait de Delphine, la jeune prof française diplômée d'Ulm dont Roth s'acharne à en faire une caricature dont les secrets sont pitoyables.
Le livre est quand même remarquable et Roth sait jouer avec maîtrise avec les mots pour nous inciter à la réflexion dans un univers complexe.




mercredi 2 décembre 2009

Gwenaëlle Aubry : Personne

Dans ce très beau texte, G. Aubry rend un hommage digne et touchant à son père : François-Xavier Aubry décédé récemment.
Brillant avocat, auteur d'essais et spécialiste de la décentralisation, c'était un homme atteint d'une grave psychose maniaco-dépressive. Il a sombré dans la folie, la solitude, le néant. Il en est mort. Homme toujours éloigné de lui-même, morcelé par cette maladie et connaissant son mal il a tenu un journal notant son évolution, ses angoisses, cet abîme qui le saisissait et l'empêchait de revenir de l'autre côté.
L'auteur ne fait pas un bilan médical. Elle dresse un portrait de son père, à travers les lettres de l'alphabet. 26 chapitres pour raconter et 26 lettres pour essayer de comprendre pourquoi cet universitaire brillant, ce père de famille n'a jamais pu guérir. 26 portraits d'un homme habité par d'autres jamais par lui dans une réalité absolue.
Elle raconte les séjours psychiatriques, la famille dans une souffrance éperdue face à un déni de la maladie, les errances de son pères au bout de la nuit et la déchéance sans lendemain.
Dans une écriture sobre, serrée, elle analyse la petite fille qu'elle était et comment elle a pu être au côté d'un père à jamais absent de lui-même.
Enfin l'écriture rend à cet homme l'enveloppe qu'il aurait aimée avoir et obtenir enfin le néant sans aucune peur, aucune angoisse.
C'est un très beau texte, peut être dur parfois, mais toujours très respectueux de ce mélancolique qui "depuis toujours cherchait le droit, enfin, de ne plus être quelqu'un".